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Publié le 30 mai 2017 par Soulier Avocats

L’interposition de personnes au sens de l’article L. 642-3 du Code de commerce

La cession de tout ou partie des actifs est une étape importante dans la procédure de liquidation judiciaire d’une société, car elle a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome et de tout ou partie des emplois qui y sont attachés, et d’apurer le passif.

Lorsque le tribunal estime que cette cession est envisageable, il autorise la poursuite de l’activité et il fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent être faites.

Pour éviter la réalisation de cessions frauduleuses, l’article L. 642-3 du Code de commerce interdit aux dirigeants de la société en liquidation judiciaire de présenter une telle offre, que ce soit directement ou par personne interposée.

Par un arrêt en date du 8 mars 2017, la Cour de cassation vient définir pour la première fois la notion d’interposition de personnes au sens de cet article.

L’article L. 642-3 du Code de commerce dispose que :

« Ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre.

[…]

Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public […]. »

Par un arrêt en date du 8 mars 2017[1], la Cour de cassation vient définir pour la première fois la notion d’interposition de personnes au sens de cet article.

En l’espèce, la société Mia Electric est mise en redressement puis liquidation judiciaires en février et mars 2014.

Dans le cadre de la vente aux enchères des éléments d’actifs ordonnée par le juge-commissaire, la SCI Les Roseaux est déclarée adjudicataire d’une ligne de production et d’autres éléments corporels et incorporels, qu’elle envisage de céder ensuite à la société Mia Génération, dont les dirigeants de la société Mia Electric sont respectivement président et associé.

Après avoir obtenu en référé la suspension de la vente, le ministère public assigne la SCI Les Roseaux en annulation des offres d’achat.

Les juges du fond ayant accédé à cette demande, la SCI Les Roseaux se pourvoit en cassation, en arguant notamment que :

  • Ni les associés ni les dirigeants de la SCI Les Roseaux ne sont dirigeants de la société Mia Electric ;
  • Le seul fait que la SCI Les Roseaux ait eu l’intention de revendre les éléments d’actifs ainsi acquis à une société dont les dirigeants de la société Mia Electric sont respectivement président et associé est insuffisant à caractériser la fraude.

La Haute Juridiction rejette le pourvoi ainsi formé et confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers[2], en donnant une définition très large de la notion d’interposition de personnes au sens de l’article L. 642-3 du Code de commerce :

« Mais attendu que l’interposition de personnes au sens de l’article L. 642-3 du Code de commerce s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société débitrice à l’opération d’acquisition ; qu’après avoir constaté que les biens acquis par la SCI Les Roseaux n’entraient pas dans son objet social, [que la SCI Les Roseaux] n’avait pas les moyens financiers de l’opération et qu’une résolution de l’assemblée générale [de la SCI Les Roseaux] l’autorisait à céder les biens acquis à un tiers, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la Cour d’appel, sans statuer sur l’existence d’une fraude de la SCI Les Roseaux, a retenu l’interposition de personnes entre la société adjudicataire [la SCI Les Roseaux] et les dirigeants de la société débitrice [la société Mia Electric], en relevant notamment que ceux-ci étaient respectivement président et associé de la société Mia Génération, pour le compte de laquelle l’offre avait été, en réalité, déposée, et a ainsi légalement justifié sa décision. »

Ainsi :

  • L’interposition de personnes au sens de l’article L. 642-3 du Code de commerce s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société débitrice à l’opération d’acquisition ;
  • L’interposition suffit à entraîner la nullité de l’offre d’achat, sans qu’il soit nécessaire de caractériser la fraude.

[1] Com. 8 mars 2017, F-P+B+I, n° 15-22.987.

[2] Poitiers, 26 mai 2015.