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Publié le 30 mai 2017 par Soulier Avocats

Un nouveau statut pour l’Agent des Sûretés de droit français

L’Ordonnance n°2017-748 du 4 mai 2017, prise en application de la loi dite Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, vient d’ajouter une nouvelle pierre à l’institution que constitue l’Agent des Sûretés dans le cadre des financements syndiqués, offrant ainsi aux banques et autres institutions un dispositif efficace et sécurisant, comparable à ce qui existe notamment déjà dans les pays anglo-saxons sous le vocable de « security trustee ».

Une réforme largement saluée, qui devrait contribuer à la compétitivité de la place financière française en matière de financements syndiqués.

La pratique des financements d’envergure ou des financements internationaux nécessite dans bien souvent des cas l’intervention de plusieurs banques prêteuses, organisées au sein d’un pool bancaire, aussi appelé syndicat bancaire. La charge du crédit mais également des risques (on parle de « syndication des risques ») est ainsi répartie entre les prêteurs qui bénéficient des mêmes garanties, généralement constituées et gérées par une seule personne (souvent un des prêteurs), dénommé « l’Agent des Sûretés ».

Jusqu’en 2007, le droit français ne disposait pas d’une institution juridique appropriée à ce type de montage, permettant à une personne, pour le compte de plusieurs créanciers, de mettre en place des sûretés, de les administrer et de les réaliser le cas échéant.

L’Agent des Sûretés dans sa première « mouture » a été institué aux termes de la loi n°2007-211 du 19 février 2007, introduisant dans le code civil un article 2328-1 selon lequel « toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l’obligation garantie, par une personne qu’ils désignent à cette fin dans l’acte qui constate cette obligation ».

Or, cette avancée est rapidement apparue très timide et surtout insuffisante compte tenu des objectifs affichés de la loi, tel que notamment de rendre le droit français plus attractif pour la conclusion de contrats de syndication bancaire.

Parmi les limites du statut de l’Agent des Sûretés dans sa version 2007, on relèvera qu’il ne pouvait être mandaté que pour l’administration des sûretés réelles, c’est-à-dire celles résultant de l’affectation de biens mobiliers ou immobiliers à la garantie du remboursement du crédit, à charge pour les membres du pool bancaire de gérer d’éventuelles garanties personnelles (cautionnements, garanties à première demande, délégations).

Par ailleurs, des incertitudes demeuraient quant à l’étendue de ses pouvoirs, en particulier en matière d’actions en justice et de déclaration des créances à la procédure collective du débiteur insolvable. Ainsi, aucune réponse claire n’était apportée à la question de savoir si, en pareil cas, chaque prêteur devait déclarer personnellement sa créance ou si l’Agent des Sûretés était bien fondé à déclarer la créance du pool bancaire en vertu du mandat sous-tendant le régime juridique de l’Agent des Sûretés.

Dans ce contexte, le mécanisme de l’Agent des Sûretés de droit français, rapidement contesté par les praticiens, a finalement été peu utilisé ces dix dernières années.

La dernière réforme du régime juridique de l’Agent des Sûretés, engagée dans le cadre de la Loi Sapin II, instaure un nouveau régime plus souple (Articles 2488-6 à 2488-12 du Code civil) qui entrera en vigueur le 1er octobre 2017 et s’appliquera aux Agents des Sûretés désignés à compter de cette date. Les principales mesures sont les suivantes :

  • L’Agent des Sûretés, au même titre qu’un fiduciaire, est désormais titulaire des sûretés et garanties consenties au profit de l’ensemble des membres du pool. Elles sont constituées en son nom et sont affectées à un patrimoine d’affectation, distinct du patrimoine de l’établissement Agent des Sûretés, qui recueillera tout produit éventuel en cas de mise en jeu des sûretés (article 2488-6 du Code civil).

La création de ce patrimoine d’affection est un vecteur de sécurité pour les créanciers prêteurs, les actifs et droits y figurant échappant à toute procédure d’insolvabilité qui pourrait être ouverte à l’encontre de l’Agent des Sûretés (article 2488-10 du Code civil).

Par ailleurs, l’Agent des Sûretés agissant désormais en son nom propre pour le compte des prêteurs, tout transfert par une banque de sa participation dans le financement ou changement de prêteurs, membres du pool bancaire, sera sans incidence sur les sûretés.

 

  • Complétant le dispositif mis en place en 2007, le mécanisme est désormais étendu à toutes les sûretés et garanties et n’est plus limité aux seules sûretés réelles. L’Agent des Sûretés pourra donc inscrire, gérer et réaliser des sûretés personnelles, des promesses de sûretés et des sûretés de droit étranger. Il pourra également être cessionnaire de créances professionnelles cédées à titre de garantie ou encore délégataire de créances sécurisant l’obligation garantie.

 

  • Autre disposition notable, l’Agent des Sûretés peut exercer, dans la limite des pouvoirs qui lui conférés par les créanciers dans le contrat de désignation, tous droits, ester en justice au bénéfice des créanciers de l’obligation garantie et peut en cas d’ouverture d’une procédure collective procéder à la déclaration des créances sans avoir à obtenir de mandat spécial des créanciers bénéficiaires (article 2488-9 du Code civil).

 

Les professionnels ont à présent jusqu’au 1er octobre prochain pour adapter leur documentation contractuelle.