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Publié le 29 octobre 2015 par Soulier Avocats

A la conquête des Emirats Arabes Unis : maîtriser son implantation

Les hydrocarbures, les nouvelles technologies, le BTP, mais aussi le tourisme de luxe, les énergies renouvelables ou l’agro-alimentaire, les Emirats Arabes Unis représentent des opportunités de développement considérables pour les investisseurs étrangers, renforcées par leur politique de diversification économique[1]. Les profits dégagés sont nets, les personnes physiques et morales ne sont pas soumises respectivement à l’impôt sur les revenus et à l’impôt sur les sociétés aux Emirats Arabes Unis[2].

Toutefois, attention à ne pas se précipiter sur ce marché très compétitif à la croisée des chemins entre l’Europe, l’Asie, et l’Afrique. La précipitation peut conduire à retenir la solution d’implantation que l’entrepreneur imaginera la plus rapide, mais située dans un endroit peu adéquat, et avec un partenaire ne correspondant pas aux attentes de l’entreprise, ou encore avec une structure inadaptée.

L’implantation sur le sol émirien doit être réfléchie et le facteur local pris en considération.

Assurément, les Emirats Arabes Unis sont une destination à privilégier. Mais à condition d’avoir une stratégie d’implantation bien définie. Il existe deux voies d’accès principales pour entrer sur le marché des Emirats Arabes Unis : l’exportation directe (1) et l’établissement d’une présence physique sur le marché émirien (2).

1. L’exportation directe : l’agent commercial émirien

Afin de tester le marché émirien, il est possible de nommer directement un agent commercial. Cette solution permet de limiter les coûts d’investissement tout en ayant une structure pivot au Moyen-Orient. En outre, il est important d’avoir un relais local, car dans la culture émiratie, le commerce est encore une activité dans laquelle il doit y avoir un contact direct. Les relations commerciales à distance ne peuvent donc pas être envisagées. En revanche, la connaissance du régime protecteur des agents commerciaux est impérative.

L’agent commercial doit être de nationalité émirienne. Par ailleurs, la loi émirienne prévoit la possibilité pour les agents commerciaux d’enregistrer leur contrat auprès du Ministère de l’Economie, leurs droits comprenant automatiquement à partir de ce moment-là :

  • Le droit exclusif d’importer les biens sur lesquels portent la convention et la possibilité de bloquer les importations de produits en provenance du contractant, dont il n’est pas le destinataire ;
  • Le droit à la perception de commissions sur les ventes auxquelles il a participé, mais aussi sur celles effectuées sans son entremise, quand bien même une autre partie aurait été directement impliquée ;
  • Le droit de recevoir une compensation pécuniaire à la fin de son contrat, même si l’extinction de la relation contractuelle intervient conformément aux stipulations convenues entre les parties, en cas de résiliation ou de non-renouvellement du contrat sans justes motifs[3].

2. La présence physique sur le marché : la prise en considération du facteur local

La création d’une unité commerciale aux Emirats Arabes Unis est intéressante puisqu’elle permet d’être au plus près du marché et de pouvoir adapter de façon adéquate ses produits ou ses services aux envies des clients. Toutefois, l’accès au marché émirati ne s’effectue pas de manière aisée, en raison de certaines particularités locales que l’entrepreneur devra prendre en compte.

2.1. Le bureau de représentation et la succursale

Une société étrangère peut exercer son activité principale au sein des Emirats Arabes Unis par l’intermédiaire d’une succursale ou d’un bureau de représentation. La différence entre les deux structures juridiques réside dans la possibilité pour une succursale de pouvoir exercer une activité commerciale pour laquelle elle aura obtenu une licence, tandis que le bureau de représentation pourra seulement avoir une action de promotion des biens et services fournis par la société mère. Ainsi, un bureau de représentation ne pourra pas conclure de transactions commerciales ou commercialiser un produit aux Emirats Arabes Unis.

A noter toutefois que pour ouvrir une succursale ou un bureau de représentation il est impératif de nommer un agent de service qui doit nécessairement être un agent de nationalité émirienne (lequel bénéfice des mêmes mécanismes de protection que l’agent commercial, mis à part le système de commissions, puisqu’il n’a pas d’activité commerciale).

2.2. Les sociétés

La principale caractéristique commune à toutes les formes de sociétés émiriennes[4] réside dans le fait que les investisseurs étrangers souhaitant créer une société de droit local ne peuvent détenir au maximum que 49% du capital de la société créée. Les 51% restants doivent nécessairement être détenus par un ou plusieurs ressortissants des Emirats Arabes Unis.

Dès lors, se pose inévitablement la question du choix du partenaire local, aussi appelé « sponsor ». Les affaires dont le développement nécessite peu d’assistance amèneront à choisir un sponsor, peu actif ou “dormant”. Tandis que le choix d’un partenaire impliqué se fera en fonction de son influence et de son réseau, non seulement dans l’émirat d’implantation mais aussi, éventuellement, dans les autres émirats, et pourra se révéler être une véritable plus-value pour l’investisseur étranger.

La détention de 51% du capital de la société par un associé local n’empêche pas les aménagements contractuels, qui peuvent être mis en place dans les statuts, et dans les pactes d’actionnaires. La loi fédérale n’interdit pas notamment de prévoir dans les statuts que seul l’associé étranger aura le droit de nommer les dirigeants, que celui-ci bénéficiera d’un veto sur les décisions les plus importantes, et pourra percevoir l’ensemble des deniers perçus dans le cadre d’une liquidation judiciaire ou encore, le plus important en pratique, avoir la possibilité de percevoir plus de 49% des bénéfices distribués. Ainsi, en pratique, il est toléré aux Emirats Arabes Unis que l’associé étranger puisse percevoir jusqu’à 85% des bénéfices distribués.

Par ailleurs, une réforme du droit des sociétés est annoncée depuis plusieurs années et pourrait permettre aux investisseurs étrangers de détenir plus de la moitié du capital d’une société de droit local, si ce n’est 100%, ou encore de limiter le nombre de sociétés, selon l’activité exercée, dans lesquelles 51% du capital serait détenu par un partenaire de nationalité émirienne. Néanmoins, à l’heure actuelle, aucune loi n’est venue concrétiser cette volonté politique.

2.3. Les zones franches

Tous les émirats proposent des installations en zone franche : il y en a ainsi une trentaine au total aux Emirats Arabes Unis. Les entrepreneurs qui décident de s’implanter dans une zone franche bénéficient de la possibilité de détenir 100% de leur capital et des droits de vote, et de ne pas devoir faire appel à un associé local. Les entrepreneurs bénéficient en outre d’une exonération totale des taxes à l’importation et à l’exportation. En outre, ils ne sont visés par aucune restriction concernant le rapatriement du capital et des bénéfices, et par aucun contrôle des changes.

Toutefois les entreprises établies en zone franche étant « offshore », elles n’ont pas le droit de réaliser des échanges commerciaux sur le sol des Emirats Arabes Unis, et ne peuvent nouer de relations commerciales qu’au sein de leur zone franche. En effet, celles-ci ont été constituées pour regrouper des activités et créer des pôles de compétitivité commerciale.

Si un investisseur souhaite agir en dehors de sa zone franche, il devra obligatoirement se soumettre au droit des sociétés des Emirats Arabes Unis, et créer une structure dans laquelle il devra inévitablement composer avec un associé local.

3. Recommandations

L’implantation aux Emirats Arabes Unis doit être bien réfléchie et supposera de s’affranchir de toute précipitation ou appréhension. En effet, selon la structure choisie, les investisseurs étrangers n’auront pas la même marge de manœuvre. Ils devront garder à l’esprit qu’en dehors du cas spécifique des zones franches, le droit émirien impose la présence d’un partenaire local au sein de l’entité juridique créée. Il conviendra donc de délimiter la nature de l’implantation (structure juridique), et de sa localisation, (hors zone franche ou intra zone franche) avant d’entreprendre la conquête des Emirats Arabes Unis.

 

[1] Les Emirats arabes unis diversifient leur économie et préparent l’après-pétrole. A travers le projet Abu Dhabi 2030, l’émirat a souhaité mettre en place une politique de diversification sectorielle qui doit faire émerger plusieurs pans de son économie. Ces secteurs représentent des opportunités pour les investisseurs et les entrepreneurs souhaitant ouvrir leur activité à l’internationale.

[2] Seules les entreprises de l’industrie pétrolière et gazière et les filiales des banques étrangères sont taxées aux Emirats Arabes Unis au titre de l’impôt sur les sociétés.

[3] L’entrepreneur étranger devra démontrer une faute de la part de l’agent commercial afin de mettre un terme à son contrat ou/de ne pas le renouveler.

[4] La forme de société la plus couramment utilisée aux Emirats Arabes Unis par les investisseurs étrangers est la Limited Liability Company qui s’apparente à une SARL.