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Publié le 29 septembre 2017 par Soulier Avocats

La clause d’un contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation est inapplicable alors que la clause attributive de compétence d’un contrat caduc survit

Par deux arrêts du 12 juillet 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que lorsque deux contrats sont interdépendants, « la résiliation de l’un entraîne la caducité de l’autre, excluant ainsi l’application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation ».

En revanche, par arrêt du 5 juillet 2017, cette même chambre commerciale énonçait qu’« une clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s’insère, n’est pas affectée par l’inefficacité de l’acte », en l’occurrence, la caducité du contrat qui la contenait.

  1. Inapplicabilité de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation :
  • Codification à droit constant d’une jurisprudence établie :

Plusieurs contrats sont jugés interdépendants lorsqu’ils participent à une opération économique d’ensemble et que l’un ne peut exister sans l’autre. L’un des contrats étant la cause de l’autre, ils sont interdépendants.

Ainsi, « les contrats concomitants ou successifs conclus avec des partenaires différents qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants »[1] .

Lorsque deux contrats sont jugés interdépendants, il est de jurisprudence constante que l’anéantissement de l’un entraîne la caducité de l’autre[2] .

Cette jurisprudence, jusqu’alors rendue au visa de l’article 1134 du Code civil (dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016), a fait l’objet d’une codification à droit constant par réforme du droit des obligations (Ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016).

Le nouvel article 1186 qui consacre cette jurisprudence dispose désormais que :

« Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. »

Les deux arrêts ici commentés, bien que postérieurs au 1er octobre 2016, n’ont pas été rendus au visa du nouvel article 1186 précité, inapplicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 dont la Cour était saisie. La solution aurait été la même quoi qu’il en soit.

  •  Contextes et enseignements des arrêts du 12 juillet 2017 de la Cour de cassation :

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juillet 2017[3], ayant pour numéro de pourvoi 15-27703, une étude de notaires avait conclu, le même jour, un contrat de location financière et un contrat de fournitures et d’entretien de photocopieurs. Le contrat de prestation de service contenait une clause stipulant une indemnité en cas de résiliation anticipée du contrat.

L’étude de notaires qui avait résilié le contrat de location financière, invoquait la caducité du contrat de fournitures et d’entretien de photocopieurs pour échapper à l’application de la clause stipulant une indemnité en cas de résiliation anticipée du contrat.

Dans cette première affaire, les juges du fond n’ont retenu ni l’interdépendance des contrats, ni leur caducité, jugeant que « les deux conventions, qui avaient une existence propre étaient susceptibles d’exécution indépendamment l’une de l’autre ». Ils ont jugé la clause stipulant une indemnité en cas de résiliation anticipée opposable à l’étude de notaires.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu le même jour[4], ayant pour numéro de pourvoi 15-23552, un contrat de location financière avait été conclu dix jours après un contrat de prestation de surveillance électronique. Le contrat de prestation de service contenait également une clause stipulant une indemnité en cas de résiliation anticipée du contrat.

Dans cette seconde affaire, les juges du fond ont également fait application de la clause stipulant une indemnité de résiliation en jugeant que « l’indivisibilité entre les contrats en cause permettait de considérer que la résiliation anticipée du contrat de location avait nécessairement provoqué la résiliation du contrat de prestation de services ».

La Cour de cassation a censuré ces deux décisions, énonçant quatre enseignements fondamentaux

-« les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants» ;

-Lorsque deux contrats sont interdépendants, « la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres » et non leur résiliation ;

-« Excluant ainsi l’application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation » ;

-« La partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel [devra] indemniser le préjudice causé par sa faute ».

  • Quel recours pour le tiers lésé ?

La solution retenue peut paraître sévère pour le cocontractant à qui l’on oppose l’inapplicabilité de son contrat devenu caduc sur décision unilatérale d’un tiers au contrat ou de son cocontractant. Il s’agit d’une entorse sérieuse au principe de sécurité juridique qui gouverne le droit des obligations mais une juste application du principe repris par l’article 1186 précité du Code civil.

La Cour de cassation tempère cette sévérité et ajoute une précision qui ne ressort pas des textes du Code civil, en énonçant que le cocontractant, qui subit un préjudice, peut engager la responsabilité de celui qui est « à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel », dont la faute est établie.

Il sera indemnisé par l’octroi de dommages et intérêts fixés en considération du préjudice réellement subi[5] indépendamment du montant d’indemnisation stipulé par la clause de résiliation.

  • Absence de hiérarchie entre les contrats interdépendants

Enfin, il sera remarqué que ces deux affaires se distinguent dans la mesure où le contrat de location financière a été résilié en premier.

Traditionnellement, le contrat de prestation est résilié en premier, engendrant la caducité du contrat de financement de l’opération.

La Cour de cassation confirme néanmoins la caducité du second contrat. Ainsi, il n’y a pas de « hiérarchie » des contrats. Il n’y a pas de contrat qui soit le principal ou l’accessoire de l’autre.

La résiliation de l’un, quel qu’il soit, entraîne la caducité de l’autre.

  1. Survie de la clause attributive de compétence du contrat caduc :

Un pacte d’associés emportait promesse de vente d’actions détenues par les signataires du pacte et promesse unilatérale d’achat de ces actions par la société. Ce pacte comportait une clause de non concurrence et de confidentialité s’imposant aux cédants ainsi qu’une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Suite à un litige sur le prix de cession des actions, les parties au pacte d’associés ont signé un protocole d’accord dont une clause stipulait la caducité du pacte d’associés.

L’une des parties au pacte d’associés devenu caduc a été assignée pour concurrence déloyale devant le Tribunal de commerce de Paris conformément à la clause attributive de compétence stipulée au pacte pourtant caduc.

Le défendeur à l’action en concurrence déloyale a contesté la compétence du Tribunal de commerce de Paris considérant que le pacte étant caduc, la clause attributive de compétence ne pouvait s’appliquer.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi inscrit contre la décision d’appel sur contredit, en énonçant « qu’une clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s’insère, n’est pas affectée par l’inefficacité de l’acte ».

Cette solution s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation, extrêmement protectrice des clauses attributives de compétence et clauses d’arbitrage[6] .

Ainsi par arrêt du 8 juillet 2010[7] , la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait appliqué une clause attributive de compétence insérée dans une convention frappée de nullité.

La réforme du droit des obligations ne remet pas en cause cette jurisprudence qu’elle consacre en cas de résolution du contrat.

Ainsi, l’article 1230 du Code civil (dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et entrée en vigueur le 1er octobre 2016) dispose que :

« La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. »

En revanche, le Code civil ne se prononce toujours pas sur le sort d’une clause attributive de compétence insérée dans un contrat caduc ou nul. L’arrêt commenté est donc précieux à cet égard.

La seule résiliation, nullité ou caducité d’un accord contenant une clause attributive de compétence ne suffit donc pas à rendre cette clause inapplicable. Le contrat demeurant toutefois la loi des parties, ces dernières restent libres de conclure une convention spécifique pour révoquer une clause attributive de compétence.

 

[1] Cass. Chbre mixte. 17/05/2013, n°11-22768

[2] Cass. Com. 04/11/2014, n°13-24270

[3] Cass. Com. 12/07/2017, n°15-27703

[4] Cass. Com. 12/07/2017, n°15-23552

[5] Cass. Com. 26/03/2013, n°12-11688

[6] Cass. Com. 25/11/2008, n°07-21888

[7] Cass. Com. 8/7/2010, n°07-17788