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Publié le 1 mars 2012 par Thomas Caveng

M & A et consultation de comité d’entreprise : les groupes étrangers confrontés à une tartufferie française

Les opérations transnationales de concentration entre groupes étrangers – notamment américains – disposant de filiales en France ont augmenté au cours des derniers mois.

Aux termes de l’article L. 2323-19 du Code du travail, les comités d’entreprise des filiales françaises du groupe vendeur doivent être obligatoirement consultés en cas de changement de leur actionnariat ou de cession de certains actifs constituant une branche autonome d’activité.

Il en est de même pour le comité d’entreprise de la filiale française du groupe acquéreur par l’intermédiaire de laquelle l’opération est réalisée au plan local.

Le non respect de l’obligation d’informer et de consulter les comités d’entreprise des filiales françaises participant à l’opération constitue pour leurs dirigeants un délit d’entrave sanctionné par une amende et même, théoriquement, par une peine de prison.

La consultation doit être préalable. Elle doit impérativement intervenir avant la conclusion d’un accord définitif, quelle que soit la forme de cet accord. Il a ainsi été jugé que la signature d’un accord de principe avant consultation du comité d’entreprise de la société cible était contraire à la loi lorsque la mise en œuvre de l’opération dépendait uniquement de l’obtention d’autorisations administratives. La décision avait en effet un caractère définitif, la réalisation de cette condition étant indépendante de la volonté des parties.

Les deux seuls cas prévus par le code du travail permettant une consultation a posteriori sont le dépôt d’une offre publique d’acquisition et lorsqu’une entreprise est partie à une opération de concentration.

Dans le premier cas, l’employeur de l’entreprise sur laquelle porte l’offre et celui de l’entreprise auteure de l’offre doivent réunir immédiatement leur comité d’entreprise respectif pour l’en informer.

Dans le second cas, l’employeur doit réunir le comité d’entreprise dans le délai de trois jours à compter de la publication du communiqué relatif à la notification du projet de concentration émanant soit de l’autorité administrative française (l’Autorité de la concurrence) soit de la Commission européenne. Cette disposition légale s’impose à l’ensemble des entités économiques basées sur le territoire français qui sont affectées directement ou indirectement par l’opération de concentration.

En revanche rien n’est prévu pour les groupes cotés étrangers et/ou les opérations transnationales de concentration soumises à l’autorisation d’autorités de concurrence étrangères.

Il en résulte que les groupes étrangers cotés participant à des opérations transnationales englobant des entités françaises se trouvent confrontés à un dilemme: soit ils lancent la consultation des comités d’entreprise des entités françaises incluses dans l’accord avant d’informer le marché et leurs propres autorités de concurrence afin de respecter le droit français, et ils violent alors les droits boursier et de la concurrence de leur propre pays, soit ils informent au préalable le marché et notifient l’opération à leur autorité de concurrence, et ils violent le droit français.

J’avais déjà dénoncé cette absurdité dans un article publié dans le journal Le Figaro du 26 octobre 2002 intitulé « La France autiste », coécrit avec un spécialiste reconnu de ces questions, Monsieur Thierry VIROL, aujourd’hui Associé fondateur de la société ALIXIO, présidée par Monsieur Raymond SOUBIE.

Nous écrivions à l’époque que les sociétés étrangères cotées étaient « écartelées entre le droit boursier qui impose la publication sans délai de toute information susceptible d’influer sur le cours de leurs actions et le droit français du travail qui impose de consulter les salariés avant d’informer le public. »

Rien n’a été fait depuis pour remédier à cette situation.

La nature ayant horreur du vide, la pratique a introduit dans les contrats de cession des conditions suspensives dans l’attente de l’avis du ou des comités d’entreprise sur l’opération « envisagée », même si en réalité l’opération a été définitivement arrêtée entre les deux groupes.

Pour que de telles conditions suspensives soient valables, elles doivent prévoir que les parties pourront renoncer à la cession des entités françaises dans le cas où le comité d’entreprise rendrait un avis négatif.

Personne n’est dupe. En effet, l’avis du comité d’entreprise est seulement consultatif. Les parties à l’opération de cession peuvent donc passer outre à un avis négatif et réaliser l’opération sans essuyer la moindre critique.

Il s’agit juste de sauver les apparences.

C’est notre manière de nous adapter à la mondialisation.

Thomas Caveng

Traducteur Juridique / Responsable Communication

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