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Publié le 27 avril 2017 par Soulier Avocats

Quel avenir post-Brexit pour nos amis britanniques établis sur le territoire français ?

Theresa May s’est dite partisane de la préservation des droits des expatriés mais seulement s’il existe une réciprocité.

En réalité, il est fort probable que le gouvernement britannique impose des restrictions liées au permis de travail. Dans ce cas, la réciprocité s’appliquant, les Britanniques auront besoin d’un visa pour travailler en France.

Il y a fort à parier que l’avenir des expatriés serve de monnaie d’échange dans les négociations et que leur sort ne soit fixé qu’à la toute dernière minute en 2019, lorsque le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne deviendra effectif.

Espérons au moins que nos dirigeants sauront trouver des accords efficaces pour entraver le moins possible la liberté de circulation entre le Royaume-Uni et la France, en particulier s’agissant de l’immigration d’affaires.

Le 17 janvier 2017, la première ministre Theresa May, a dévoilé les grandes lignes de la sortie prochaine de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne (UE). Concernant l’immigration, l’accent a été clairement mis sur le contrôle des flux migratoires de l’Europe vers la Grande Bretagne.

« Le Brexit doit permettre de contrôler le nombre d’Européens qui viennent au Royaume-Uni»  a déclaré Theresa May.

Face à une telle déclaration, l’on peut comprendre l’inquiétude vécue respectivement par l’ensemble de la communauté française installée au Royaume-Uni et également la communauté anglaise installée en France.

Il faut savoir que pas moins de 185.000 ressortissants britanniques vivent actuellement sur le territoire français !

A ce jour rien n’a été en réalité décidé : un esprit optimiste pourra donc considérer que tout est donc encore possible et envisageable !

 

QUELLES SONT LES REGLES ACTUELLEMENT APPLICABLES AUX RESSORTISSANTS BRITANNIQUES SEJOURNANT SUR LE TERRITOIRE FRANCAIS?

Les ressortissants britanniques sont actuellement libres de séjourner et d’exercer une activité salariée ou non salariée en France. Il n’y a aucune obligation de détenir un titre de séjour, ou un titre de travail.

  • Conditions d’entrée et de séjour en France :
    • être muni d’un passeport en cours de validité,
    • ne pas présenter une menace pour l’ordre public.
  • Droit d’exercer une activité professionnelle : les ressortissants bénéficient du droit d’exercer une activité professionnelle dans les mêmes conditions que les nationaux quelle que soit la durée de celle-ci.

Il en va de même pour un séjour exercé dans le cadre d’une prestation de services ou dans le cadre d’un détachement.

IMPORTANT A SAVOIR : Ces règles s’appliquent aux ressortissants de l’Espace Economique Européen (EEE), à savoir les Etats-membres de l’UE mais aussi l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein.

 

A QUOI DEVONS-NOUS NOUS ATTENDRE POST-BREXIT ?

Theresa May s’est dite partisane de la préservation des droits des expatriés mais seulement s’il existe une réciprocité.

En d’autres termes il y a fort à parier que l’avenir des expatriés serve de monnaie d’échange dans les négociations et que leur sort ne soit fixé qu’à la toute dernière minute en 2019, lorsque le retrait du Royaume-Uni deviendra effectif.

Dans un scénario idéal où le Royaume-Uni adhérerait à l’EEE, le principe de libre circulation des personnes serait maintenu. Cette configuration offrirait un autre avantage, celui du maintien à l’identique de la coordination des régimes sécurité sociale.

Mais compte-tenu des discours formulés par Theresa May et son gouvernement sur les contrôles des flux migratoires, ce scénario est peu probable voire même déjà écarté.

Outre le scénario précité d’intégration du Royaume-Uni à l’EEE, scénario dit « à la norvégienne », d’autres scénarios alternatifs déjà existants pourraient être calqués et en particulier:

  • Le scénario « à la Suisse » avec la négociation d’un ensemble d’accords bilatéraux (avantage : maintien de la libre circulation des marchandises. Mais compliqué. Actuellement plus d’une centaine d’accords conclus avec la Suisse) ;
  • Le scénario « Canadien » avec négociation d’un accord de libre-échange similaire à celui en négociation entre l’UE et le Canada (sachant que cet accord dit « CETA » a été adoptée le 15 février 2017 après 7 années de négociation…) ;
  • Le scénario « à la turc » avec négociation d’une union douanière (toutes les barrières sont maintenues sauf négociation sur les tarifs douaniers pour les échanges commerciaux).

Toutefois, il semblerait qu’aucun de ces modèles ne soit jugé à ce jour satisfaisant par le gouvernement britannique. Celui-ci a indiqué souhaiter une solution nouvelle lui permettant (i) à la fois de contrôler l’immigration en provenance de l’UE, (ii) de bénéficier d’un large accès au marché européen des biens et des services et (iii) de développer de nouveaux accords commerciaux avec les pays tiers. Le gouvernement britannique veut-il dès lors « le beurre et l’argent du beurre » ?

De deux choses l’une :

  • Soit le Royaume-Uni arrive à négocier un accord lui permettant de rester au sein du marché unique et dans ce cas la libre circulation des personnes pourrait être maintenue : ce scénario est toutefois très peu plausible.
  • Soit le gouvernement britannique impose des restrictions liées au permis de travail. Dans ce cas, la réciprocité s’appliquant, les Britanniques auraient besoin d’un visa pour travailler en France.

En résumé, si la libre circulation des personnes disparaît, les ressortissants britanniques établis en France risquent de se voir appliquer à partir de 2019 le droit des étrangers actuellement en vigueur.

 

REGLES ACTUELLEMENT APPLICABLES AUX RESSORTISSANTS DES ETATS-TIERS DE L’EEE

Si le Royaume-Uni refuse de s’inscrire dans un des scénarios déjà existants, il sera considéré comme un Etat-tiers de l’UE et/ou de l’EEE.

Sauf accord dérogatoire, il faudra donc sans doute prendre en compte les effets de la loi n°2016-174 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France :

  • Les salariés britanniques auront besoin d’une autorisation de travail en France. Leur demande devra être faite en même temps que celle du visa.
    • Il existe une carte de séjour salarié pour les titulaires d’un CDI, d’une durée d’un an renouvelable.
    • Les titulaires d’un CDD, quelle que soit la durée de leur contrat de travail, ont accès à la carte de séjour « travailleur temporaire », dont la durée est calquée sur celle du contrat de travail.
    • après un an de séjour régulier en France : il est possible de bénéficier de la carte de séjour pluriannuelle[1]. Cette carte est accompagnée d’une mention correspondant à la situation de l’étranger :
      • mention « passeport talent » (bénéficie aux étrangers hautement qualifiés, investisseurs, chercheurs, artistes) ;
      • mention « travailleur saisonnier » (durée limitée à 3 ans, séjour en France limité à 6 mois par an) ;
      • mention « salarié détaché ICT » (intra-corporate transferts) (délivré à l’étranger détaché pour occuper un poste d’encadrement supérieur ou apporter une expertise dans une entreprise du groupe qui l’emploie, durée limitée à 3 ans).

En conclusion :

⇒ Le titre de séjour pluriannuel énoncé par la loi du 7 mars 2016 pour les ressortissants des Etat tiers de l’UE devrait être étendu aux salariés de nationalité britannique après un an de séjour en France.

⇒ Le passeport talent sera sans doute la solution adaptée pour l’immigation d’affaires issue du Royaume-Uni.

Mais :

⇒ Dans la plupart des cas, la situation de l’emploi en France est opposable aux ressortissants d’Etats tiers à l’UE/l’EEE, autrement dit priorité est donnée au marché du travail français.

Donc concrètement, cela signifie que les sociétés françaises souhaitant engager des salariés britanniques devront démontrer qu’elles recherchent :

  • soit dans un secteur d’activité pour lequel la situation de l’emploi n’est pas opposable, ou
  • qu’elles ont déjà tenté – sans succès – de trouver sur le marché du travail français un profil correspondant au poste à pourvoir.

 

SORT DES RETRAITES BRITANNIQUES INSTALLES EN FRANCE

Actuellement, les retraités britanniques bénéficient de la libre-circulation. Par ailleurs, ils sont couverts par un accord bilatéral entre la France et le Royaume- Uni, le National Health Service, qui paye tous leurs frais de santé dans les pays de l’EEE. Leurs frais de santé en France sont donc remboursés par le système de Santé publique britannique.

Avec le Brexit :

  • Les retraités britanniques pourraient se voir retirer le bénéfice de cette couverture santé.
  • Ils devront accomplir les formalités pour obtenir une carte de résident permanent.

 

RECOMMANDATIONS POUR ANTICIPER LE BREXIT EN ENTREPRISE

Voici nos recommandations clefs pour gérer la situation des salariés britanniques déjà établis en France ou ceux dont l’expatriation en France est envisagée dans un futur proche :

  1. Nommer une personne ou une équipe de personnes chargée de surveiller les questions d’emploi, de sécurité sociale et d’immigration. Cela garantira à tout le personnel, où qu’il se trouve, le même message cohérent qui, à son tour, donnera l’assurance que le groupe sait ce qu’il fait et ce qui doit être fait alors que nous nous approchons du Brexit ;
  2. Réévaluer et adapter les politiques de mobilité internationale compte tenu d’une éventuelle abrogation de la législation communautaire (en particulier sur l’assurance vieillesse puisque les règlements communautaires ne s’appliqueront plus) ;
  3. Etablir la typologie (« talents », profil de haut niveau, stagiaires etc.) des salariés britanniques habituellement recrutés au sein de la société française (pour pouvoir mieux identifier quel type de visa devra s’appliquer à l’avenir) ;
  4. À l’approche de l’échéance 2019, il convient de constituer des dossiers pour chaque salarié concerné conformément à la réglementation française en vigueur relative au droit des étrangers[2].

 

Pour conclure : en attendant que ne vienne 2019, les entreprises doivent rester patientes et anticiper, se préparer à déposer des demandes de visas. Mais les entreprises doivent aussi rester confiantes : nous pouvons légitimement espérer que les dirigeants de l’UE et du Royaume-Uni parviendront à trouver des « arrangements arrangeants » pour l’immigration d’affaires.

Après tout, Theresa May, s’adressant aux ambassadeurs de 27 pays européens conviés à Lancaster le 17 janvier dernier, ne s’est-elle pas exclamée : « vous serez toujours les bienvenus dans ce pays comme nous espérons que nos citoyens resteront les bienvenus chez vous. »… Ouf…Tout espoir est encore permis !

 

[1] Certaines cartes de séjour temporaire ne permettent pas d’accéder à un titre pluriannuel :  il s’agit des cartes mentions « visiteurs », « stagiaires », « travailleurs temporaires ».

[2] Si le Royaume-Uni abandonne et / ou restreint le droit à la libre circulation, les entreprises qui sont attirées par des talents internationaux dépendront de la nature de toute nouvelle réglementation en matière d’immigration et de visa.