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Publié le 22 mai 2023 par Victor Trouttet

Rapide détermination du cadre juridique des « agents de protection privée »

Qui sont réellement les agents de protection privée, souvent désignés dans le langage courant par le terme générique « garde du corps », et surtout comment leur action est-elle régie juridiquement ?

Voilà deux questions auxquelles cet article tente de répondre sommairement à travers un rapide panorama des dispositions régissant le secteur des individus exerçant à titre professionnel les activités visant à protéger l’intégrité physique des personnes.

Longtemps, le terme « sécurité privée » est apparu comme un oxymorique dans la mesure où la sécurité est restée du domaine du régalien. En effet, dès 1932, le Conseil d’Etat jugeait qu’il était interdit de déléguer à des personnes privées des activités de police administrative[1].

Pourtant, l’existence d’une sécurité privée ne pouvait plus être ignorée en France. Ainsi une loi-cadre n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité avait reconnu l’existence des acteurs de la sécurité privée. Cependant, cette loi réduisait leur intervention essentiellement au simple gardiennage et à la surveillance.

Aujourd’hui, la sécurité privée représente 175.000 agents et compte plus de 11.000 entreprises[2]. Ce marché est en pleine expansion.

L’Etat français ne pouvait plus ignorer cette situation et a décidé de dépasser la loi-cadre de 1983 et ses différentes évolutions avec la promulgation de la loi du 25 mai 2021[3]. Cette loi, dite pour une sécurité globale préservant les libertés, avait plusieurs objectifs : structurer la filière, encadrer davantage l’exercice effectif de la sécurité privée, renforcer les contrôles et les sanctions, et conforter les prérogatives des agents.

Quel impact cette loi a-t-elle eu sur les agents de protection privée ? Et plus généralement, quel est leur domaine d’intervention et le cadre légal qui régit désormais leur intervention ?

Définition des agents de protection privée

Les agents de protection privée sont mentionnés au 3° de l’article L.611-1 qui débute le LIVRE 6 du Code de la Sécurité intérieur, et plus particulièrement sont Titre Ier intitulé « Activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires ». Ils ont pour mission de « protéger l’intégrité physique des personnes ».

Conditions d’exercice

Aux termes de l’article L. 612-1 [4] du Code de la sécurité intérieure, il est nécessaire, afin d’exercer à titre professionnel les activités visant à protéger l’intégrité physique des personnes, d’être une personne physique ou morale immatriculée au RCS. Le non-respect de cette disposition est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros[5].

Les personnes morales exerçant les activités de protection physique des personnes doivent justifier d’une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle, préalablement à leur entrée en exercice[6].

Il convient de noter qu’une entreprise exerçant l’activité de protection de l’intégrité physique des personnes ne peut effectuer une autre activité[7]. A titre d’exemple, une société qui exerce une activité de gardiennage au sens du de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure « n’est pas fondée à soutenir qu’elle pouvait exercer, à titre accessoire, une mission de protection de l’intégrité physique des personnes »[8]. A titre d’exemple également, une société qui exerce une activité de protection de l’intégrité physique des personnes ne peut sous-traiter à d’autres sociétés, des activités de surveillance et de gardiennage sans méconnaître les dispositions de l’article L. 612-2 du Code de la sécurité intérieure[9]. Le non-respect de cette disposition est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros[10].

S’agissant de la sous-traitance de l’activité de protection de l’intégrité physique des personnes, la loi de 2021 susvisée avait pour objectif de limiter la sous-traitance en cascade et de responsabiliser l’entrepreneur principal. Aux termes de cette nouvelle réglementation, une entreprise chargée de l’exécution d’un marché relevant de l’activité de surveillance humaine ou de gardiennage des biens meubles ou immeubles ne peut sous-traiter l’exécution de la totalité des prestations de son contrat ou de son marché[11]. Le non-respect de cette disposition est puni d’une amende de 45.000 euros[12].

Toutefois, cette interdiction de sous-traitance totale ne porte pas sur l’activité mentionnée au 3° de l’article L611-1 du Code de la sécurité intérieure, à savoir l’activité « de protection de l’intégrité physique des personnes ». Ainsi, dans ce domaine, rien ne semble empêcher la sous-traitance totale de la mission.

Dans ce cas, l’entreprise sous-traitante doit naturellement bénéficier de l’agrément nécessaire pour exercer une telle mission. D’ailleurs, la loi de 2021 prévoit qu’est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros le fait de sous-traiter l’exercice d’une activité de sécurité privée à une entreprise dépourvue de l’autorisation prévue pour les entreprises secondaires[13].

Il est également nécessaire de noter qu’est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende le fait de sous-traiter l’exercice d’une activité dite de sécurité privée à une entreprise employant des personnes dépourvues de la carte professionnelle[14].

Précisons que les entreprises de travail temporaire (agences d’intérim) sont tenues de s’assurer, d’une part, que les entreprises ou services internes de sécurité exerçant les activités de sécurité privée qui font appel à leurs services sont autorisés à exercer ces activités et, d’autre part, que les employés qu’elles mettent à leur disposition pour l’exercice de ces activités remplissent les conditions légales et réglementaires requises pour l’exercice de leurs fonctions[15].

Nécessité d’un agrément – Condition d’obtention et de retrait

Il est absolument nécessaire d’être titulaire d’un agrément afin de diriger, gérer ou être l’associé d’une personne morale exerçant l’activité de protection protection des personnes physiques[16]. Le non-respect de cette disposition est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros[17].

Afin de se voir délivrer cet agrément, plusieurs conditions doivent être satisfaites :

  • Être de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
  • Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent ;
  • Ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;
  • Ne pas avoir fait l’objet d’une décision concernant une faillite ou autre mesure d’interdiction professionnelle et ne pas avoir fait l’objet d’une décision de nature équivalente dans un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
  • Ne pas exercer l’une des activités incompatibles par leur nature[18] avec l’activité de protection des personnes physiques ;
  • Ne pas exercer l’activité d’agent de recherches privées ;
  • Justifier d’une aptitude professionnelle

L’agrément ne peut être délivré s’il résulte de l’enquête administrative que le comportement du demandeur ou ses agissements sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions susmentionnées.

Il est important de rappeler que la personne ou l’entreprise ayant reçu l’agrément ne se voit pas pour autant titulaire d’une quelconque prérogative de puissance publique[19].

L’agrément peut être retiré ou suspendu selon certaines conditions[20].

Il est prévu que l’agrément peut être retiré à l’entreprise titulaire pour plusieurs raisons, notamment lorsque le dirigeant ou gérant ne remplit plus les conditions exigées pour l’agrément ou lorsque tout ou partie du capital social est constitué par des fonds apportés directement ou indirectement par l’auteur d’un crime ou d’un délit dans le cadre d’une opération de blanchiment. Ceci oblige donc un contrôle strict et l’usage de la compliance afin de protéger la société.

L’article R. 612-2 du Code de la sécurité intérieure prévoit les éléments à fournir pour la demande d’agrément.

La délivrance et l’usage de la carte professionnelle

La délivrance de la carte professionnelle permettant d’être employé ou affecté pour participer à une activité de protection des personnes physiques est conditionnée à plusieurs critères prévus à l’article L. 612-20 du Code de la sécurité intérieure :

  • au bulletin n°2 du casier judiciaire ;
  • Qu’il ne résulte pas de l’enquête administrative que le comportement ou les agissements du demandeur à la carte professionnelle sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, et sont incompatibles avec l’exercice de la profession ;
  • Ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;
  • Pour un ressortissant étranger, disposer d’un titre de séjour permettant d’exercer une activité sur le territoire national ;
  • Justifier de son aptitude professionnelle, notamment d’une connaissance des principes de la République ;
  • Pour un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou pour un ressortissant d’un pays tiers, justifier d’une connaissance suffisante de la langue française pour l’exercice d’une activité privée de sécurité.

Il convient de noter que les conditions d’accès à une formation permettant de justifier d’une aptitude professionnelle[21] sont les mêmes que celles applicables à la délivrance de la carte professionnelle sauf, bien évidemment, s’agissant de la condition relative à l’aptitude professionnelle.

Si l’individu respecte tous ces critères alors il se verra délivrer une carte professionnelle qui pourra être retirée dès lors qu’il ne justifie plus de l’une de ces conditions.

D’autres motifs de retrait sont prévus à l’article L. 612-20 du Code de la sécurité intérieure.

Le renouvellement de la carte professionnelle est subordonné au suivi d’une formation continue[22].

L’exploitant individuel, le dirigeant ou le gérant d’entreprise, d’établissement secondaire exerçant l’activité de protection des personnes physiques se doit de justifier d’une aptitude professionnelle[23]. Lorsqu’il exerce effectivement une activité de sécurité privée, il doit en outre être titulaire de la carte professionnelle.

La publicité de l’agent de protection privée

Toute personne morale exerçant l’activité de protection physique des personnes doit veiller à ne pas donner une apparence de service public ou d’un domaine relevant du régalien.

En effet, la dénomination de l’entreprise doit « éviter toute confusion avec un service public, notamment un service de police. »[24]. Il faut donc mentionner explicitement sur tous les documents destinés à autrui que l’entreprise est une personne de droit privé.

Le non-respect de ces règles est puni d’une amende de 3.750 euros[25].

Il est également prévu que les documents de nature informative, contractuelle ou publicitaire émanant d’une entreprise privée exerçant l’activité de protection physique des personnes doivent reproduire de manière explicite et complète tous les éléments permettant d’identifier l’agrément dont elle dispose.

De même, il doit être mentionné explicitement que l’agrément dont la société dispose ne confère aucune prérogative de puissance publique[26].

Il est parfaitement interdit de faire mention de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire que pourrait avoir l’un des dirigeants ou employés d’une entreprise exerçant l’activité de protection physiques des personnes[27].

Toute personne physique ou morale ayant recours aux services d’une entreprise exerçant une activité de protection physique des personnes peut demander communication des références de la carte professionnelle de chacun des employés (ou sous-traitant) participant à l’exécution de la prestation. Le prestataire doit lui communiquer ces informations sans délai[28].

Le non-respect de ces mentions est puni d’une amende de 3.750 euros d’amende[29].

Le port d’arme des agents exerçant l’activité de protection des personnes physiques

Les agents exerçant les activités de protection physique des personnes ne peuvent être autorisés à être armés que lorsqu’ils assurent la protection d’une personne exposée à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie[30] .

Cette autorisation est conditionnée à des modalités particulières[31].

Des entraînements réguliers doivent être suivis par les agents exerçant avec le port des armes[32].

La tenue exigée pour les agents exerçant pour la protection des personnes physiques

Les personnes exerçant l’activité de protection physique des personnes ne sont pas tenus de portée une tenue spécifique contrairement aux autres personnes mentionnées par le Code de la sécurité intérieure[33].

A côtés des différentes peines susmentionnées susceptibles d’être prononcées, l’article R. 617-1 du Code de la sécurité intérieure prévoit plusieurs contraventions en cas de non-respect des dispositions précitées. Plus spécifiquement, l’article R. 617-5 du même Code relatif à la protection physique des personnes prévoit qu’est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 5eme classe le fait, pour l’exploitant individuel, le dirigeant, le gérant ou employé d’une entreprise exerçant une activité de protection physique des personnes de :

  • ne pas être porteur d’une copie de l’autorisation mentionnée à l’article R. 613-88 du Code de la sécurité intérieure durant l’exécution de la mission, en violation de l’article R. 613-89 dudit Code;
  • ne pas, durant l’exécution de sa mission, porter les armes de manière non apparente, en violation de l’article R. 613-91 du Code de la sécurité intérieure;
  • s’abstenir, durant l’exécution de sa mission, de porter les armes dans leur étui, approvisionnées et en position de sécurité ou non armées, en violation de l’article R. 613-91 du même Code ;
  • ne pas conserver, lorsque l’agent n’est pas en service, les armes, leurs éléments et munitions dans les conditions prévues à l’article R. 613-91 du même Code ;
  • ne pas, lorsque la personne bénéficiaire de l’agrément mentionné à l’Article L. 612-9 du même Code n’assure aucune mission mentionnée à l’article R. 613-88 durant une période de dix-huit mois, se dessaisir des armes de la catégorie B dans un délai de trois mois et selon les conditions fixées aux articles R. 312-74 et R. 312-75, en violation de l’article R. 613-92.

Enfin, il convient de noter qu’il existe des contrôles administratifs destinés à s’assurer du respect de l’ensemble de ces règles.

Le non-respect de ces contrôles est sanctionné par les peines prévues à l’article L. 617-14 du Code de sécurité intérieure, lequel stipule notamment :

  • Qu’est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15.000 euros le fait de mettre obstacle à l’accomplissement des contrôles exercés, dans les conditions prévues à l’article L. 611-2 du Code de sécurité intérieure, par les agents mentionnés au premier alinéa dudit article. 
  • Qu’est puni de la même peine le fait de mettre obstacle à l’accomplissement des contrôles prévus aux articles L. 634-1 et L. 634-3 du Code de la sécurité intérieure, lorsque ceux-ci sont relatifs aux activités mentionnées aux 1o à 3o de l’article L. 611-1 dudit Code.

Les articles L. 617-15 et L. 617-16 du Code de la sécurité intérieure prévoient également des peines complémentaires applicables aux personnes physiques ou aux personnes morales en cas d’application des peines susmentionnées.


[1] CE, ass., 17 juin 1932

[2] CNAPS, Rapp. Annuel 2020 p.8

[3] Loi n°2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés

[4] Loi. n°2014-742 du 1er juill. 2014, art. 2-II

[5] Art. L. 617-1, 1° CSI

[6] Art. L. 612-5  CSI

[7] Art. L 612-2 CSI et loi n°83-629 du 12 juill. 1983, art. 2, al. 2 et 3.

[8] CAA Versailles, 2 févr. 2012, Sté Torann France, n°09VE02267

[9] CAA Marseille, 18 sept. 2020, Sté Absolute Protec, n°18MA03694

[10] Art. L. 617-1, 3° CSI

[11] Art. L. 612-5-1 CSI

[12] Art. L. 617-2-1 CSI

[13] Art. L. 617-4 CSI

[14] Art. L. 617-7 CSI, voir pour exemple condamnation pour emploi de personnes exerçant une activité de surveillance ou de gardiennage alors qu’elles ne sont pas titulaires d’une carte professionnelle, Crim. 8 déc. 2015, n°15-80.951, Crim. 23 janv. 2018, n°17-81.231

[15] Art. R. 611-2 CSI

[16] Art. L. 612-6 CSI

[17] Art. L. 617-3, 2° CSI

[18] Art. R. 611-1 CSI

[19] Art. L. 612-14 CSI

[20] Art. L. 612-8 CSI

[21] Art. L. 612-22 CSI

[22] Art. L. 612-20-1 CSI

[23] Art. R. 612-3 CSI

[24] Loi n° 83-629 du 12 juill. 1983, art. 2, al. 1er ; Art. L. 612-3 CSI

[25] Art. L. 617-2 CSI

[26] Art. L. 612-15 CSI

[27] Art. L. 612-15 CSI

[28] Art. L. 612-15 CSI

[29] Art. L. 617-6 CSI

[30] Art. L. 613-12 CSI

[31] Art. R. 613-88 à R. 613-92 CSI

[32] Art. R. 612-38 CSI

[33] Art. R. 613-2 CSI