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Publié le 22 juillet 2021 par Soulier Avocats

Déclenchement du délai pour sanctionner le salarié et connaissance de faits fautifs par le supérieur hiérarchique, la Cour de cassation rappelle le principe

Par deux décisions du 23 juin 2021, la Cour de cassation a rappelé que « l’employeur ayant connaissance de faits fautifs d’un salarié » s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir.

Le pouvoir de sanction de l’employeur est fortement encadré par la législation française et la jurisprudence.

Selon l’article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif d’un salarié ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Les juges avaient déjà eu à se prononcer auparavant sur la définition de la « connaissance des faits fautifs » et avaient précisé qu’il s’agissait de l’information exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié[1].

Un doute pouvait encore subsister sur la personne identifiée comme « l’employeur » ayant connaissance de ces faits.

Par deux arrêts du 23 juin 2021, la Cour de cassation vient rappeler la notion « d’employeur » en matière disciplinaire.

L’employeur était dans un premier temps assimilé à la « personne ayant le pouvoir de sanctionner ». En pratique, il s’agissait du représentant légal de l’entreprise ou son délégataire, qui en règle générale n’est autre que le Directeur des Ressources Humaines. En d’autres termes, ce n’était qu’à partir du moment où l’employeur ou le DRH avait connaissance des faits fautifs du salarié que le délai de deux mois, pour sanctionner ce dernier ou le convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement, commençait à courir[2].

Néanmoins, la Cour de cassation a élargi la définition de l’employeur aux personnes pouvant avoir connaissance de faits fautifs et ainsi déclencher le délai de deux mois, comme elle le rappelle dans ses décisions du 23 juin 2021. Ainsi, le délai pour convoquer le salarié commence à courir également à partir du moment où le supérieur hiérarchique direct de l’intéressé a connaissance des faits, peu importe qu’il ne dispose pas expressément du pouvoir de sanctionner.

En l’espèce dans le premier arrêt, un salarié avait dénigré sa société auprès de clients lors d’une réunion qui s’était tenue le 6 avril 2012. Son supérieur hiérarchique, présent également à cette réunion n’avait prévenu la direction de la société que le 17 avril de cet incident et décision avait alors été prise le 7 juin 2021 de convoquer le salarié à un entretien préalable, soit un jour trop tard[3].

Dans le second arrêt, l’affaire est un peu plus complexe. Le salarié avait commis une faute le 30 décembre 2012 et son supérieur hiérarchique avait été averti dès le lendemain de cet incident. Le 4 janvier 2013, ce même salarié avait reçu un avertissement en raison d’absences injustifiées. Par la suite, le supérieur hiérarchique a averti la direction le 17 janvier 2013, de l’incident ayant eu lieu le 30 décembre et le salarié fut convoqué de suite à un entretien préalable.

Ici, pour la Cour de cassation, l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs et qui choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction[4].

Il faut comprendre ainsi que lorsque le supérieur hiérarchique direct a connaissance de faits fautifs, le simple fait de sanctionner une autre faute survenue ultérieurement épuise le pouvoir disciplinaire de l’employeur pour l’ensemble des faits fautifs antérieurs, peu importe que l’employeur (la Direction) n’ait été prévenu de l’incident que postérieurement au prononcé de la sanction. Le supérieur hiérarchique direct avait, en l’espèce, connaissance, avant la première sanction, des faits fautifs du 30 décembre 2012.

Pour ces deux arrêts, le dépassement du délai de prescription de deux mois pour convoquer le salarié rend le licenciement injustifié avec toutes les conséquences pour la société.

Il convient ainsi de veiller à ce que le responsable hiérarchique direct de chaque salarié remonte efficacement et dans le délai de deux mois tout fait qui pourrait être considéré comme fautif et entraîner une sanction disciplinaire.


[1] Cass. Soc., 17 févr. 1993, n° 88-45.539

[2] Cass. Soc., 28 juin 1990, n° 88-43.674

[3] Cas. Soc., 23 juin 2021, n° 20-13.762 

[4] Cas. Soc., 23 juin 2021, n° 19-24.020