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Publié le 27 janvier 2022 par Laure Marolleau

Droit pénal de l’environnement : quels impacts de la Loi Climat et Résilience ?

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi Climat et Résilience), adoptée le 20 juillet 2021, a été promulguée le 24 août 2021. Ses dispositions sont inspirées des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Le texte final comprend 305 articles répartis en 8 titres. Certaines dispositions sont entrées en vigueur dès la promulgation de la loi, d’autres mesures s’appliqueront en 2022, 2023, 2025, jusqu’en 2034.

Nous proposons ce mois-ci un éclairage sur ses apports en droit pénal de l’environnement.

La loi vient principalement durcir l’échelle des peines existantes en matière environnementale (par exemple en matière de pollution marine : article L. 218-11 ; article L. 218-34 ; article L. 218-48 ; article L. 218-64 ; article L. 218-73 du Code de l’environnement) ou d’activités illégales de sites protégés (L. 331-26 et L. 331-27 du Code de l’environnement) et créer un délit de mise en danger de l’environnement et un délit d’atteinte à l’environnement.

Délit de mise en danger de l’environnement

L’article 279 de la loi a créé un délit de mise en danger de l’environnement dans les situations de non-respect des prescriptions des polices spéciales de l’environnement.

Pour rappel, le Code de l’environnement contient déjà un article qui sanctionne les atteintes graves à la santé ou la sécurité des personnes ou qui ont provoqué une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.

L’article L. 173-3 du Code de l’environnement prévoit en effet :

« Lorsqu’ils ont porté gravement atteinte à la santé ou la sécurité des personnes ou provoqué une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau :

1° Le fait de réaliser un ouvrage, d’exploiter une installation, de réaliser des travaux ou une activité soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration, sans satisfaire aux prescriptions fixées par l’autorité administrative lors de l’accomplissement de cette formalité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ;

2° Les faits prévus à l’article L. 173-1 et au I de l’article L. 173-2 sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ;

3° Les faits prévus au II de l’article L. 173-2 sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. »

Sont concernés les délits d’exploitation d’une Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ou d’une Installation, Ouvrage, Travaux, et Activité (IOTA) sans autorisation ou en violation d’une prescription (refus, retrait d’autorisation, fermeture, etc.) ou en l’absence de remise en état après cessation d’activité (article L. 173-1 du Code de l’environnement) ou les délits de poursuite d’une opération ou d’une activité, d’une exploitation d’une installation ou d’un ouvrage sans se conformer à une mise en demeure (article L. 173-2 du Code de l’environnement).

La loi Climat et Résilience prévoit trois dispositions permettant de sanctionner pénalement non pas une atteinte à l’environnement mais un risque d’atteinte à celui-ci.

Elle crée ainsi un nouvel article L. 173-3-1 dans le Code de l’environnement selon lequel :

« Lorsqu’ils exposent directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable, les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Sont considérées comme durables, au sens du présent article, les atteintes susceptibles de durer au moins sept ans.

Le premier alinéa de l’article 131-38 du code pénal s’applique uniquement aux amendes exprimées en valeur absolue. »

Une disposition identique est prévue dans le cadre des sanctions pénales prévues en cas de non-respect des règles en matière de déchets (article L. 541-46, X du Code de l’environnement) et de transport de marchandises dangereuses (article L. 1252-5, II du Code des transports).

Il est fort à craindre que cette exigence temporelle ne vienne rendre vaine l’incrimination, étant susceptible de faire naître des débats sans fin sur la durée potentielle des atteintes, alors que l’article L. 173-3 ne pose que l’exigence d’une dégradation substantielle.

Délit d’atteinte à l’environnement

L’article 280 de la loi Climat et Résilience a créé au sein du livre II du Code de l’environnement consacré aux milieux aquatiques un nouveau titre III sur les atteintes générales aux milieux physiques.

A noter que l’insertion de ce nouveau titre au sein du livre consacré à l’eau laisse perplexe puisqu’il contient des délits qui ne sont pas propres à ce milieu. En effet, l’air, les déchets et même les espèces – qui pour le coup ne sont pas des milieux physiques – sont également concernés.

Les trois nouveaux délits qu’il comprend concernent la pollution des milieux physiques et biologiques, l’abandon de déchets, et l’écocide (en cas d’élément intentionnel).

Délit général de pollution des milieux physiques et biologiques

La loi Climat et Résilience crée un nouveau délit général de pollution des milieux (article L. 231-1 du Code de l’environnement), celui-ci pouvant déboucher sur la qualification d’écocide en cas d’élément intentionnel (article L. 231-3 du Code de l’environnement).

L’incrimination du nouvel article L. 231-1 vise :

« Le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter, de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune, à l’exception des dommages mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau. »

Les peines applicables sont « cinq ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction ».

Quelques restrictions sont prévues :

  • S’agissant des rejets dans l’eau : il ne s’applique pas aux dommages mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, soit respectivement la pollution aquatique ayant un impact sur la faune et la flore aquatique ou la faune piscicole
  • S’agissant des émissions dans l’air : il ne s’applique qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente
  • S’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées : il ne s’applique qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente.

Enfin, il est précisé que « sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins sept ans ». Et que le délai de prescription de l’action publique de ce délit « court à compter de la découverte du dommage ».

Délit d’abandon de déchets

De la même façon, un nouveau délit spécifique à l’abandon de déchets est créé (article L. 231-2 du Code de l’environnement), celui-ci pouvant également déboucher sur la qualification d’écocide en cas d’élément intentionnel (article L. 231-3 du Code de l’environnement). 

Est visé :

« Le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets, dans des conditions contraires au chapitre Ier du titre IV du livre V, et le fait de gérer des déchets, au sens de l’article L. 541-1-1, sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22, lorsqu’ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ».

Les peines applicables sont trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

Le délai de prescription de l’action publique « court à compter de la découverte du dommage ».

Délit d’écocide

Ces deux délits – général de pollution des milieux physiques et biologiques d’une part et d’abandon de déchets d’autre part – sont qualifiés d’écocide lorsqu’ils ont été accomplis de manière intentionnelle (article L. 231-3 du Code de l’environnement).

Il faut savoir que les débats relatifs à l’écocide ont été très vifs.

L’inscription de l’écocide dans la loi française a été défendue dans un premier temps par une proposition de loi présentée en 2019. L’écocide, défini comme « toute action concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème, commise en connaissance des conséquences », aurait notamment été puni d’une amende de 20 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.

Cette idée a été reprise par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui avait défini l’écocide comme « toute action ayant causé un dommage écologique grave consistant en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ». 

Finalement, la définition a été fortement remaniée.

C’est ainsi que l’article L. 231-3 prévoit :

« Constitue un écocide l’infraction prévue à l’article L. 231-1 lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle ».

« Constituent également un écocide les infractions prévues à l’article L. 231-2, commises de façon intentionnelle, lorsqu’elles entraînent des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ».

Les sanctions sont « portée à dix ans d’emprisonnement » et « 4,5 millions d’euros, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction ».

Sont considérés comme durables « les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore, à la faune ou à la qualité des sols ou des eaux superficielles ou souterraines qui sont susceptibles de durer au moins sept ans ».

Enfin, le délai de prescription « court à compter de la découverte du dommage. »

Conclusion

Au final, le champ des délits se superpose partiellement à certains délits existants : par exemple les délits de pollution des eaux et d’abandon de déchets dans les milieux aquatiques (article L. 216-6 du Code de l’environnement) ou encore le délit d’abandon de déchet (article L. 541-46, 4° du Code de l’environnement).

Dans le cas du délit général de pollution des milieux physiques et biologiques, il s’agit plus d’une aggravation du délit antérieur de pollution des milieux aquatiques et de son extension à la pollution de l’air, la pollution des sols en étant exclue.

Enfin, la reconnaissance de l’écocide revêt plus une dimension symbolique qu’autre chose. Vu la durée des effets (7 ans) et la condition de l’intentionnalité (qui sera difficile à caractériser), on peut imaginer qu’il sera difficile de le retenir.

A noter que pour les infractions décrites ci-dessus (prévues aux articles L. 173-3 et L. 231-1 à L. 231-3 précités), en plus les peines d’amende et d’emprisonnement, le tribunal peut également imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 173-9 dudit code (article L. 231-4 du Code de l’environnement).

Ajoutons enfin que l’article 288 de la loi Climat et Résilience dote le bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels (BEA-RI), créé à la suite de l’accident de Lubrizol survenu en septembre 2019, d’un cadre légal.