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Publié le 31 mars 2023 par Laure Marolleau

Régularisation des autorisations environnementales : le Conseil d’État précise les conditions

Par un arrêt du 1er mars 2023[1], le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles le juge administratif exerce son pouvoir de surseoir à statuer pour régulariser les vices d’une autorisation environnementale.

Par un arrêté du 29 juillet 2019, la préfète des Deux-Sèvres a délivré à la société Ferme éolienne de Saint-Maurice une autorisation environnementale pour l’implantation et l’exploitation d’un parc éolien comportant 6 éoliennes sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-Etusson.

Saisie d’un recours formé par un riverain, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé partiellement l’autorisation en tant qu’elle ne comportait pas la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, a suspendu l’exécution de l’arrêté jusqu’à la délivrance de cette dérogation et a sursis à statuer afin de permettre à la société Ferme éolienne de Saint-Maurice de régulariser un autre vice tenant aux insuffisances du volet écologique de l’étude d’impact sur les chiroptères.

La société Ferme éolienne de Saint-Maurice a attaqué cet arrêt devant le Conseil d’État.

Sursis à statuer pour régularisation de l’étude d’impact

L’article L. 181-18, I, 2° du code de l’environnement prévoit que:

« Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, même après l’achèvement des travaux : (…) Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »

Selon une jurisprudence bien établie, « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative »[2].

Dans son arrêt, la Cour d’appel avait jugé l’étude d’impact insuffisante au motif que celle-ci reposait sur une mauvaise analyse du nombre et des espèces de chiroptères présentes sur le site, à défaut d’écoutes en altitude.

Dans son arrêt du 1er mars 2023, le Conseil d’État reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché au préalable si les insuffisances de l’étude d’impact avaient pour effet de nuire à l’information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative, et donc à entraîner l’illégalité de l’autorisation environnementale.

Pouvoir propre du juge

Selon l’article L. 411-1, I, 3° du code de l’environnement :

« Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : (…) La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces »

L’article L. 411-2 du même code renvoie quant à lui à un décret en Conseil d’État (Article R. 411-1 et s. du code de l’environnement) la détermination de la procédure destinée à fixer la liste des espèces ainsi protégées, la durée des interdictions, la partie du territoire sur laquelle elles s’appliquent et la délivrance de dérogations.

La société Ferme éolienne de Saint-Maurice reprochait à l’arrêt de la Cour d’appel d’avoir prononcé l’annulation partielle de l’autorisation environnementale au motif de l’absence de dérogation au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, alors qu’elle avait demandé qu’il soit fait usage de la possibilité de régularisation prévue par L. 181-18, I, 2° précité du code de l’environnement.

Le Conseil d’État précise que la faculté ouverte par cet article « relève de l’exercice d’un pouvoir propre du juge, qui n’est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu’il n’est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n’y est pas tenu, son choix relevant d’une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables. Dans cette hypothèse, il ne peut substituer l’annulation partielle prévue au 1° du I du même article à la mesure demandée ».

Or, en l’espèce, la société Ferme éolienne de Saint-Maurice avait demandé à la Cour de surseoir à statuer en application de cet article pour lui permettre de demander la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

En conséquence, le Conseil d’État juge qu’« en prononçant une annulation partielle de l’autorisation en tant qu’elle ne comportait pas la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, alors qu’elle relevait, en suspendant l’autorisation jusqu’à la délivrance de la dérogation en cause, qu’un tel vice était susceptible d’être régularisé, la cour administrative a entaché son arrêt d’une erreur de droit ».


[1] Disponible ici : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-03-01/458933

[2] CE, 14 oct. 2011, n° 323257, Société Ocreal