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Publié le 1 octobre 2011 par Soulier Avocats

Egalité femmes/hommes dans les entreprises d’au moins 50 salariés : à compter du 1er janvier 2012, l’inaction de l’entreprise pourra être sanctionnée

Les entreprises d’au moins 50 salariés doivent avoir conclu, d’ici le 1er janvier 2012, un accord collectif d’entreprise ou un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En cas de défaillance, les entreprises s’exposent au paiement d’une pénalité financière.

Aux termes du préambule de la Constitution de 1946, « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux des hommes ». Un long chemin a été parcouru depuis cette déclaration de principe, sur le plan de l’égalité entre les femmes et les hommes et tout particulièrement, pour ce qui nous intéresse, l’égalité professionnelle.

Alors que le principe de l’égalité salariale « pour un même travail ou pour un travail de valeur égale » a fait son entrée dans le Code du travail en 1972[1], il faut encore attendre la loi Roudy du 13 juillet 1983 pour qu’obligation soit notamment faite aux entreprises de formaliser et de quantifier les inégalités professionnelles par la remise d’un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Cependant, si cette loi représente une avancée incontestable, elle est suivie de peu d’effets, de même que la loi Génisson adoptée le 9 mai 2001, qui institue la négociation annuelle obligatoire en matière d’égalité professionnelle dans les entreprises. Le législateur continuant son avancée a adopté la loi du 23 mars 2006 prévoyant notamment une suppression des écarts de rémunération à la date du 31 décembre 2010[2].

Force est pourtant de constater à la lecture du rapport Grésy remis au Ministère du Travail le 8 juillet 2009[3] que les femmes sont largement pénalisées notamment par un taux de chômage supérieur à celui des hommes, un accès moindre à la formation continue dans le secteur privé, une précarité plus grande, des écarts de rémunération, une sous-représentation dans la gouvernance des entreprises.

Par ailleurs, le rapport constate qu’en 2008, seules 7,5% des entreprises déclarant un délégué syndical ont signé un accord d’égalité professionnelle et plus de la moitié n’ont pas élaboré de rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes.

Suite à ce rapport Grésy, deux nouvelles lois sur l’égalité professionnelle recherchant très clairement à garantir l’effectivité de l’égalité professionnelle, ont vu le jour. Ainsi, la loi du 27 janvier 2011 sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des organes de direction fixe des seuils de représentation des deux sexes dans les conseils d’administration (ou de surveillance) et prévoit, pour assurer l’effectivité de la mixité, que les nominations intervenues en violation des proportions fixées par la loi se verront frappées automatiquement de nullité et entraîneront une suspension temporaire du versement des jetons de présence.

Suivant le même objectif d’efficacité, l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 sur la réforme des retraites a introduit, à l’instar de la méthode retenue pour encourager l’emploi des seniors, une pénalité financière à laquelle s’exposent les entreprises d’au moins 50 salariés qui ne seront pas couvertes, d’ici le 1er janvier 2012, (i) soit par un accord collectif (ii) soit, à défaut, par un plan d’action portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Un décret n°2011-822 du 7 juillet 2011 définit le contenu de l’accord ou du plan d’action et précise les modalités de calcul de la pénalité.

Une obligation renforcée en matière de négociation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes

Comment mettre en place l’accord ou le plan : quand et avec qui ?

Chaque année, les entreprises, dès lors qu’elles sont dotées d’un délégué syndical, sont tenues d’engager des négociations avec les organisations syndicales portant sur « les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre »[4].

Parallèlement, les entreprises sont tenues de soumettre chaque année pour avis au Comité d’entreprise :

  • –      un rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes (ci-après « RSC ») en ce qui concerne les entreprises d’au moins 300 salariés[5] ;
  • –      un rapport unique sur la situation économique incluant des informations sur la situation comparée en ce qui concerne les entreprises de moins de 300 salariés[6] .

Ces rapports, dont la mise en place est issue de la fameuse loi Roudy de 1983, constituent de véritables outils concrets de mesure des inégalités existant au sein de l’entreprise

L’obligation d’établir de tels rapports n’est certes pas nouvelle. En revanche, la nouveauté issue de la loi de novembre 2010 et applicable au 1er janvier 2012 réside dans le fait que :

  • ces rapports doivent obligatoirement inclure un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle femmes/hommes fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, et en cas d’échec des négociations avec les organisations syndicales et d’absence de conclusion d’un accord, le projet de plan d’action, qui aura été préalablement débattu avec le comité d’entreprise, devra être impérativement soumis à son avis et devenir opérationnel, sous peine de s’exposer au paiement de la pénalité financière.

En termes de calendrier, il apparaît essentiel d’articuler la consultation du comité d’entreprise sur le projet de rapport (RSC ou rapport unique suivant l’effectif) avec la négociation annuelle obligatoire. Il convient donc d’organiser en premier lieu une réunion d’information avec le comité d’entreprise pour lui soumettre le projet de rapport (RSC ou rapport unique suivant l’effectif) incluant le projet de plan d’action. En second lieu, l’entreprise engagera la négociation avec les organisations syndicales sur la base des projets de rapport sur la situation comparée et de plan d’action. Même si ce n’est aucunement obligatoire, cette négociation pourra utilement avoir lieu en même temps que la négociation annuelle particulière portant sur la suppression des écarts de rémunération imposée par l’article L. 2242-7 du Code du travail. Notons que dans la mesure où un accord collectif portant sur l’égalité femmes/hommes relève des compétences du comité d’entreprise en termes de conditions de travail et d’emploi, l’entreprise devra obligatoirement le consulter avant de conclure l’accord.

Enfin, une fois le processus de négociation collective achevé, la consultation du comité d’entreprise portant cette fois sur le plan d’action proprement dit aura utilement lieu.

En cas de conclusion d’un accord, la périodicité de la négociation sera portée à trois ans. En revanche, le comité d’entreprise doit être consulté tous les ans sur le rapport et le plan d’action.

Quel doit-être le contenu de l’accord ou du plan d’action ?

Aux termes de l’article L. 2242-5 du Code du travail, la négociation relative à l’égalité professionnelle femmes/hommes doit s’appuyer sur les éléments figurant dans le RSC (ou rapport unique suivant l’effectif de l’entreprise).

Ainsi, la négociation portera notamment sur les domaines d’action suivants : (i) l’embauche, (ii) la formation, (iii) la promotion professionnelle, (iv) la qualification, (v) la classification, (vi) les conditions de travail, (vii) la rémunération effective, (viii) l’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.

Le législateur a souhaité que les décisions prises ne se résument pas à l’énoncé de principes et de bonnes intentions :

  • L’accord collectif ou le plan d’action devra porter sur au moins trois des huit domaines précités pour les entreprises de 300 salariées et plus ; sur au moins deux des domaines susvisés pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 300 salariés.
  • Par ailleurs, doivent être fixés des objectifs de progression et les mesures concrètes permettant de les atteindre, avec des indicateurs chiffrés de suivi[7].

Dans le plan d’action, l’entreprise devra mentionner[8]:

  • les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle. Il s’agit de présenter le bilan des actions de l’année écoulée et de l’année précédente lorsqu’un plan d’action a été antérieurement mis en œuvre par accord collectif ou de façon unilatérale. L’entreprise devra également s’expliquer sur les actions prévues mais non réalisées ;
  • les objectifs de progression pour l’année à venir et les indicateurs associés (définition qualitative et quantitative des mesures permettant de les atteindre, évaluation de leur coût, échéancier des mesures prévues).
  • En pratique, quels sont les grands thèmes abordés par les accords déjà existants des entreprises françaises ?

De nombreux accords en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sont publiés sur le site www.egaliteprofessionnelle.org.

À la lecture de plusieurs de ces accords, on retient les grands thèmes et les mesures suivants :

  • favoriser la mixité, voire la féminisation de certains métiers délaissés par les femmes : travailler avec l’éducation nationale pour changer certains stéréotypes de genres autour des métiers, accorder une « attention particulière » à la situation des femmes dans le cadre de propositions de postes à responsabilité, réduction des contraintes physiques au travail, horaire souple… ;
  • développer la présence des femmes au niveau de l’encadrement et des organes de direction de l’entreprise : mise en place de quotas, CV anonyme… ;
  • favoriser la promotion professionnelle des femmes : organisation d’entretiens de retour de congés de maternité pour planifier les besoins en formation et le rattrapage d’évolution professionnelle… ;
  • résorber les écarts salariaux entre les hommes et les femmes : attribution d’une enveloppe spécifique d’un million d’euros sur 3 ans afin d’augmenter la masse salariale mensuelle des femmes du groupe, étude par panel, prime de rattrapage… ;
  • concilier vie professionnelle et responsabilités familiales : expérimentation du télétravail, développement de crèche d’entreprise ou d’aide à la garde d’enfant….

Une obligation renforcée en matière d’information et de communication sur l’égalité professionnelle femmes/hommes

La loi prévoit également qu’une synthèse du plan d’action sera portée à la connaissance des salariés par l’entreprise, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise.

Cette synthèse est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande, mais surtout elle doit être publiée sur le site internet de l’entreprise, sous réserve qu’il en existe un.

La synthèse doit comprendre au minimum des indicateurs portant sur la situation respective des femmes et des hommes par rapport (i) au salaire médian ou au salaire moyen, (ii) à la durée moyenne entre deux promotions, (iii) à l’exercice de fonctions décisionnelles et d’encadrement. Cette synthèse doit également inclure les objectifs de progression et les actions, accompagnés d’indicateurs chiffrés de l’accord ou du plan d’actions[9].

On imagine bien l’objectif de cette transparence forcée de l’entreprise sur ses efforts accomplis: faire courir un risque en termes d’image publique aux mauvais élèves de l’égalité femmes/hommes. Par ailleurs, l’absence de toute mise en ligne de la synthèse sur le site internet constituera un fort indice de la non-conformité de l’entreprise à son obligation de mise en place d’un accord ou plan.

L’exposition à une sanction financière dissuasive en cas de défaillance

Quelle est la procédure applicable ?

A partir du 1er janvier 2012, les inspecteurs ou contrôleurs du travail seront amenés à vérifier si les entreprises de plus de 50 salariés sont bien dotées d’un accord ou d’un plan d’action valable. S’ils constatent que l’entreprise n’est pas couverte ou que son accord collectif ou plan d’action n’est pas conforme, ils devront mettre en demeure l’entreprise, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (ci-après « LRAR »), de remédier à cette situation dans un délai de six mois.

L’entreprise devra alors communiquer par retour, par LRAR, l’accord ou le plan d’action mis en place ou régularisé. À défaut, elle pourra le cas échéant expliquer les raisons de sa défaillance au regard de cette obligation et pourra si besoin demander à être entendue, a priori par l’inspecteur ou le contrôleur du travail[10].

A l’issue du délai de six mois, le DIRECCTE[11] décidera si oui ou non l’entreprise doit verser une pénalité financière et en fixera le taux[12] en tenant compte des motifs de défaillance[13] dont l’entreprise a justifié, des mesures qu’elle a prises en matière d’égalité professionnelle et de sa bonne foi. Le DIRECCTE disposera d’un délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de mise en demeure de six mois, pour adresser à l’entreprise, par LRAR, le taux de la pénalité et les raisons justifiant sa décision, et lui demander de lui communiquer, dans le délai d’un mois, le montant de sa masse salariale pour le calcul de la pénalité.

Quel est le montant de la pénalité ?

Le montant de la pénalité peut s’élever jusqu’à 1 % de la masse salariale versée au cours de la période pendant laquelle l’entreprise n’est couverte ni par un accord ni par un plan d’action[14]. Si l’entreprise ne communique aucun montant sur sa masse salariale, la pénalité sera alors calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale[15] par salarié et par mois compris dans la période pendant laquelle l’entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan[16].

La pénalité est due pour chaque mois entier au cours duquel l’entreprise ne respecte pas ses obligations, sur une période qui va du terme de la mise en demeure jusqu’à la réception par l’inspection du travail de l’accord ou du plan d’action valable[17]. Elle s’applique donc aussi longtemps que l’entreprise ne se plie pas aux exigences de la loi.

Mon entreprise est-elle exposée au risque de sanction ?

Les nouvelles dispositions légales relatives au plan d’action sur la résorption des inégalités entre les hommes et les femmes entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2012. Toutefois, la pénalité de 1 % ne s’applique pas aux entreprises couvertes, au 10 novembre 2010, par un accord ou, à défaut, par le plan d’action visé à l’article L. 2245-5-1 du Code du travail.

Pour ces dernières, les nouvelles dispositions n’entrent en vigueur qu’à l’échéance de leur accord ou, à défaut d’accord, à l’échéance de leur plan d’action.

En revanche, en ce qui concerne les entreprises qui ont négocié, à partir du 11 novembre 2010, un accord collectif sur l’égalité femmes/hommes sans qu’il comporte les objectifs du plan d’action, elles devront soit réviser leur accord pour le compléter, soit établir un plan conforme soumis à l’avis du comité d’entreprise. En effet, l’accord dispense d’une nouvelle négociation obligatoire, mais ne peut exonérer l’entreprise d’un plan adéquat à la nouvelle exigence légale.

Pour échapper à la pénalité, les entreprises qui ne sont pas en conformité doivent donc conclure un accord ou établir un plan d’action conforme, idéalement avant la date théorique du 1er juillet 2012 (expiration du délai de mise en demeure de six mois courant à compter du 1er janvier 2012) et en tout état de cause avant l’expiration du délai de six mois qui courra à compter de la mise en demeure de l’inspecteur du travail constatant la défaillance.

Notre avis sur la réelle efficacité de ce nouveau dispositif en matière d’égalité professionnelle femmes/hommes

La pénalité financière comme levier de progrès social nous semble discutable. D’autres pays ont fait un autre choix que cette pénalisation idéologique. C’est le cas de l’Allemagne qui a choisi d’encourager les entreprises qui atteignent ou dépassent les seuils imposés.

En outre, même si le dispositif pousse à adopter une approche plus concrète des mesures mises en place (actions permettant d’atteindre les objectifs chiffrés et indicateurs chiffrés de suivi), il n’est pas certain que cette méthode donnera plus de résultats que la situation antérieure.

Ce qui compte au final, c’est une réelle volonté des hommes et des femmes, acteurs sociaux de l’entreprise, de faire évoluer les choses.

 


[1] Article L. 3221-2 du Code du travail.

[2] Cette date butoir du 31 décembre 2010 a été supprimée par la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010.

[3] Rapport préparatoire à la concertation des partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes établi par Mme Grésy, membre de l’Inspection générale des affaires sociales.

[4] Article L. 2242-5 du Code du travail.

[5] Article L. 2323-57 du Code du travail.

[6] Article L. 2323-47 du Code du travail.

[7] Article R. 2242-2 nouveau du Code du travail.

[8] Articles R. 2323-9 et R. 2323-12 nouveaux du Code du travail.

[9] Articles D. 2323-9-1 et D. 2323-12-1 nouveau du Code du travail.

[10] Article R. 2242-4 nouveau du Code du travail.

[11] Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

[12] Article R.2242-5 nouveau du Code du travail.

[13] Au titre des motifs de défaillance, sont notamment pris en compte : la survenance de difficultés économiques de l’entreprise, les restructurations ou fusions en cours, l’existence d’une procédure collective en cours, et le franchissement du seuil d’effectifs de 50 salariés au cours des 12 mois précédant celui de l’envoi de la mise en demeure (article R. 2242-6 nouveau du Code du travail).

[14] Article L. 2242-5-1 du Code du travail.

[15] 2 946 € × 2 = 5 892 € pour 2011.

[16] Article R. 2242-8 nouveau du Code du travail.

[17] Article R. 2242-7 nouveau du Code du travail.