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Publié le 1 mai 2009 par Soulier Avocats

Extensions de l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail : conséquences pratiques pour les entreprises

L’accord National Interprofessionnel (ANI) du 2 juillet 2008 sur le stress au travail a été étendu par arrêté du 23 avril 2009, publié au Journal Officiel du 6 mai 2009. Les dispositions de cet accord sont donc désormais obligatoires pour toutes les entreprises quel que soit leur effectif.

Le stress au travail doit dorénavant impérativement être pris en compte par les entreprises. Celles-ci se sentent particulièrement démunies face à ce type de problématique. Il leur semble qu’il s’agit de facteurs éminemment subjectifs, personnels au salarié, dont l’origine est particulièrement difficile à établir. Elles en tirent ainsi souvent la conclusion hâtive que ce type de difficulté ne relève pas de leur responsabilité d’employeur et qu’elles sont impuissantes en la matière. Or comme nous allons le voir, le stress au travail relève pleinement de la responsabilité – civile voire pénale – des entreprises qui doivent mettre en œuvre des mesures concrètes et objectives.

L’ANI du 2 juillet 2008 est intervenu dans la suite des textes adoptés au niveau européen : accord-cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004 et accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au travail du 26 avril 2007.

1. Les dispositions du code du travail

Si ces textes apportent des précisions et des préconisations pour les employeurs, ils ne représentent cependant pas une nouvelle obligation, étant rappelé que la santé mentale des travailleurs a été expressément mentionnée dans le code du travail dès 2002 (loi n°2002-73 du 17 janvier 2002).

Nous rappelons en effet que l’article L.4121-1 du code du travail dispose:

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

  1. Des actions de prévention des risques professionnels ;
  2. Des actions d’information et de formation ;
  3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

La santé mentale des travailleurs fait donc partie intégrante des obligations des entreprises en termes de sécurité. Elles ont donc vis-à-vis de la santé mentale les mêmes obligations générales qu’au regard de la santé physique. En conséquence, les dispositions générales prévues à l’article L.4121-1 du code du travail sont pleinement applicables en ce domaine et à la seule lecture de cet article, elles ne sauraient rester passives en la matière.

2. La jurisprudence en termes de sécurité au travail

En termes de sécurité au travail, depuis les arrêts dits « amiante » du 28 février 2002, il est établi que « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers lui à une obligation de sécurité de résultat », et « que le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable », engageant ainsi sa responsabilité.

Les récentes reconnaissances des suicides d’abord sur les lieux de travail, puis ceux ayant lieu en dehors des lieux du travail mais ayant un lien avec le travail, comme accidents du travail doivent inciter les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité à prendre pleinement en compte les risques psychosociaux et à les intégrer dans leur politique et leur obligation de prévention des risques professionnels.

3. Les dispositions de l’ANI du 2 juillet 2008

a) Objet de l’accord :

  • Augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants ;
  • Attirer l’attention sur les signes susceptibles d’indiquer des problèmes de stress au travail ;
  • Fournir un cadre permettant de détecter, prévenir, éviter et faire face aux problèmes de stress au travail.

b) Identification du stress au travail et prescriptions :

« Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. »

L’accord fait bien mention que tout stress au travail n’est pas nécessairement lié au travail. Sans vouloir faire une liste exhaustive, il identifie certains signes qui peuvent être révélateurs de stress au travail au sein de l’entreprise. Nous citerons l’absentéisme, la rotation du personnel, le taux élevé d’accidents du travail.

L’identification du stress doit passer par une analyse de l’organisation du travail, des conditions et de l’environnement de travail, de la communication, et des facteurs subjectifs personnels.

« Dès qu’un problème de stress est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire. La responsabilité de déterminer les mesures appropriées incombent à l’employeur. Les institutions représentatives du personnel, et à défaut les travailleurs, sont associés à la mise en œuvre de ces mesures. »

L’ANI fait expressément référence aux articles L.4121-1 à L.4121-5 du code du travail pour rappeler aux employeurs principalement, mais également aux salariés, leurs obligations en termes de prévention des risques professionnels, y inclus le stress au travail : les premiers en mettant en œuvre les mesures adéquates, les seconds en les respectant.

L’accord précise que les mesures de prévention, d’élimination ou de réduction des risques liés au stress peuvent inclure aussi bien des mesures collectives que des mesures individuelles, ou bien les deux. Elles peuvent inclure des actions visant à l’amélioration de l’organisation ou de l’environnement du travail, de la communication, du soutien aux équipes, la formation des divers acteurs de la prévention au sein de l’entreprise ainsi que l’information/consultation des représentants du personnel.

Les entreprises qui n’auraient encore eu aucune approche du stress au travail auraient donc intérêt à initier rapidement une démarche d’identification des risques, première étape indispensable de la démarche de prévention. Ses acteurs privilégiés dans une telle démarche d’identification et de gestion de ce risque particulier seront, outre les représentants du personnel (notamment le Comité d’Hygiène, Sécurité et des Conditions de Travail – CHSCT) le Médecin du travail, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie, mais également souvent un consultant externe. L’approche de ce risque pouvant être potentiellement abordée sous un angle culpabilisant pour l’employeur comme pour les salariés, l’intervention d’un tiers, extérieur à l’entreprise mais surtout professionnel en la matière, sera de nature à faciliter l’approche.

Notre Département Droit Social est à votre disposition pour vous apporter toute précision et tout développement en la matière.