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Publié le 25 septembre 2014 par Soulier Avocats

La chambre sociale de la Cour de Cassation cherche-t-elle à encourager la natalité ou l’embauche des femmes seniors ??

La chambre sociale ne manque pas de me surprendre régulièrement. Elle m’avait déjà interloquée par son arrêt du 16 octobre 2013 (n° 12-15.638) dans lequel elle exposait qu’il n’y a rien d’anormal pour un salarié reconnu totalement inapte à la conduite de tout véhicule, d’être pilote de rallye durant ses périodes d’arrêt pour maladie professionnelle et que nul ne saurait y voir une quelconque déloyauté susceptible d’ouvrir droit à la rupture de son contrat de travail !

Elle m’interpelle par un nouvel arrêt du 2 juillet 2014 (n° 13-12.496) par lequel elle déclare qu’une salariée peut demander l’annulation de son licenciement dès lors qu’elle informe son employeur de son état de grossesse dans les quinze jours suivant la notification, et ce, même si l’état de grossesse est postérieur à la notification du licenciement !

D’où le titre de ce billet d’humeur …

Humeur provoquée par l’affaire suivante : une salariée est licenciée pour motif personnel en date du 15 octobre 2009. Par courrier en date du 30 octobre, elle adresse à son employeur un certificat médical daté du même jour, attestant de son état de grossesse. Ledit certificat médical attestant que la grossesse a débuté entre le 16 et le 30 octobre, l’employeur refuse de la réintégrer au motif qu’à la date de notification, l’état de grossesse n’était pas avéré.

Logique, et conforme à une jurisprudence constante de la chambre sociale quant à la date d’appréciation des faits.

 A ce titre, elle prend toujours en compte la date de l’évènement concerné. Ainsi en termes de licenciement, c’est bien toujours à la date de la notification de la rupture que doivent être appréciés les faits. Qu’il s’agisse des griefs, des motifs économiques ou de l’obligation de reclassement et de leurs périmètres d’appréciation.

Ce qui semble relever d’un certain bon sens, le licenciement n’étant définitif qu’à la date de notification.

Par ailleurs, le Code du travail comporte de longue date des dispositions protectrices de la salariée en état de grossesse et en congé maternité. Il s’agissait de répondre aux risques encourus par la salariée dont l’employeur pouvait être contrarié par la perspective d’un congé maternité. On y voit une protection légitime. La femme en état de grossesse ne doit pas perdre son emploi pour cette raison. Devrait-elle pour autant en gagner un de ce simple fait ?

Car la chambre sociale franchit le pas ! Par cette décision qui fait fi de tout bon sens, elle inverse le processus !

La maternité devient une aide, un motif, un droit à l’emploi !

L’annulation oblige en effet l’employeur à réintégrer la salariée dans son emploi. S’il ne le faisait pas, il s’exposerait à des conséquences financières très lourdes puisqu’il serait condamné à rémunérer la salariée pour toute la période comprise entre son licenciement et la date du jugement !  

En résumé, il suffit à une salariée licenciée de tomber enceinte dans les 15 jours suivant son licenciement pour sauver son emploi ! D’aucuns trouveront cette analyse déplacée et de mauvais aloi. Mais quand il s’agit de sauver son emploi, il est parfaitement concevable qu’une telle décision soit prise par la salariée en cause !

L’argument avancé par la chambre sociale pour tenter de justifier sa position est que la loi ne subordonne pas l’annulation du licenciement à une date de grossesse précise et que la cour d’appel avait ajouté à la loi une condition qui n’existait pas. La chambre sociale n’a pourtant jamais hésité à rajouter des conditions et donc en quelque sorte à légiférer! L’évolution de la jurisprudence puis, en découlant, de la loi sur le travail à temps partiel a été à ce titre édifiant par le passé ! Son argument n’en est donc pas un …

La chambre sociale a ouvert la porte à de nouvelles discriminations vis-à-vis des femmes en détournant des dispositions qui avaient vocation à les protéger.

Trop de protection tue la protection !

Ce type d’approche pourrait certes privilégier l’embauche de femmes seniors mais est-ce vraiment la solution ?

Les entreprises sont soumises à une insécurité juridique croissante et la perte du bon sens le plus élémentaire au profit d’une hyper-protection dénuée de fondement (hormis si l’on considère que les entreprises aient à prendre en charge une natalité française qui se porte pourtant très bien !) ne peut avoir que des conséquences négatives en termes de relations salarié/employeur, mais également en termes d’image de la France, déjà réputée pour son droit du travail très (trop) protecteur.