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Publié le 4 octobre 2023 par Claire Filliatre

La Commission européenne présente un nouveau train de mesures pour stimuler la compétitivité et la résilience des PME

Le 12 septembre dernier, la Commission européenne a présenté une série d’initiatives visant à apporter aux petites et moyennes entreprises (« PME ») un soutien à court terme, stimuler leur compétitivité et résilience à long terme et favoriser un environnement commercial équitable dans l’ensemble du marché unique.

Parmi les mesures annoncées figurent notamment une proposition de règlement concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, une proposition de directive établissant un système fiscal fondé sur les règles de l’État membre du siège social et la mise en place d’un certain nombre d’outils destinés à soutenir les PME tout au long de leur cycle de vie économique.

Les 24 millions de PME européennes représentent 99 % de l’ensemble des entreprises de l’Union européenne (« UE ») et deux tiers des emplois du secteur privé. Elles sont profondément ancrées dans les communautés locales, en particulier dans les zones rurales.

Elles représentent plus de la moitié de la valeur ajoutée dans le secteur des entreprises non financières de l’UE et constituent un terreau propice à l’innovation, à la diversité et à l’égalité en Europe.

Les PME européennes ont été touchées de manière disproportionnée par l’enchaînement des crises au cours des dernières années (COVID-19, guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, crise énergétique, hausse de l’inflation, etc.). Elles demeurent confrontées à la volatilité et à l’imprévisibilité du marché, et font face à des contraintes d’approvisionnement, à des pénuries de main-d’œuvre et, souvent, à une concurrence déloyale avec des conditions de concurrence inégales lorsqu’elles exercent leurs activités en Europe.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne a annoncé le 12 septembre dernier un nouveau train de mesures[1] visant à relever les derniers défis auxquels les PME européennes sont confrontées, en vue de leur apporter un soutien et de renforcer leur compétitivité et leur résilience.

Les principales mesures proposées sont brièvement exposées ci-dessous.

Une nouvelle proposition de règlement concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales

Les retards de paiement ont une incidence majeure sur les PME.

L’une des causes principales des retards de paiement est l’asymétrie du pouvoir de négociation entre un client important ou plus puissant et un fournisseur de plus petite taille. Cette situation conduit souvent les fournisseurs à accepter des conditions et des délais de paiement abusifs et constitue une pratique déloyale qui compromet les flux de trésorerie des PME et entrave la compétitivité et la résilience des chaînes d’approvisionnement.

Pour remédier à cet état de fait, la nouvelle proposition de règlement[2] établit un cadre plus solide qui rationalise les règles dans l’ensemble de l’UE, élimine l’ambiguïté, donne aux PME les moyens de faire valoir leurs droits en cas de retard de paiement et crée des mécanismes d’exécution et de recours assurant le respect des règles.

La directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales[3] actuellement en vigueur prévoit un délai de paiement de 30 jours pour les opérations B2B. Toutefois, ce délai peut être porté à 60 jours ou plus « pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier ».

Dans la pratique, l’absence de délai de paiement maximal effectif et l’ambiguïté de la définition de l’« abus manifeste » dans la directive ont conduit à une situation dans laquelle des délais de paiement de 120 jours ou plus sont souvent imposés aux petits créanciers.

La nouvelle proposition de règlement rationalise désormais les dispositions en vigueur et introduit un délai de paiement maximal unique de 30 jours pour toutes les transactions commerciales, y compris les transactions B2B et les transactions entre les pouvoirs publics et les entreprises. Ce délai sera le même dans l’ensemble de l’UE. La liberté contractuelle est toutefois préservée puisque les parties peuvent négocier tout délai de paiement pour autant qu’il ne dépasse pas 30 jours. La proposition n’a pas d’incidence sur les délais de paiement plus courts prévus par la législation nationale, afin de garantir la sécurité juridique.

Elle élimine le concept ambigu de dispositions contractuelles « manifestement abusives » et le remplace par une liste de clauses et de pratiques de paiement abusives bien identifiées.

La nouvelle proposition vise également à mieux protéger les créanciers contre leurs débiteurs. Elle rend le paiement des intérêts automatique et obligatoire jusqu’au règlement de la dette et prévoit que le créancier ne pourra renoncer à son droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement. Le taux des intérêts de retard devrait correspondre au taux de référence de la Banque Centrale Européenne, majoré de 8 %. Dans le cas des États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, le taux de référence sera fixé par la banque centrale nationale. Par ailleurs, l’indemnité forfaitaire de 40 euros (ou équivalent) devrait passer à 50 euros (ou équivalent) par transaction commerciale payée tardivement.

Enfin, la nouvelle proposition prévoit des mesures d’exécution et de recours pour protéger les créanciers contre les « mauvais payeurs ». Les États membres auront ainsi l’obligation de mettre en place des autorités chargées de contrôler et d’assurer l’application des règles. Elles seront habilitées à recevoir des plaintes, à ouvrir des enquêtes et à infliger des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l’égard des mauvais payeurs. Les États membres devront également promouvoir le recours volontaire au règlement extrajudiciaire des litiges afin de préserver la relation contractuelle entre le débiteur et le créancier et d’assurer un règlement rapide du litige en matière de paiement entre les parties.

Les nouvelles règles deviendront applicables un an après l’entrée en vigueur du futur règlement afin de permettre aux acteurs concernés (pouvoirs publics et entreprises) de prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer.

Les transactions commerciales effectuées après la date d’application du futur règlement seront soumises à ses dispositions même si le contrat auquel elles se rattachent a été conclu avant cette date.

Mise en place d’un système d’imposition en fonction du siège social des PME

La proposition de directive de la Commission européenne concernant la mise en place d’un système d’imposition en fonction du siège social des PME[4] vise à ce que les PME opérant dans différents États membres soient en mesure de tirer pleinement profit de la liberté d’établissement et de la libre circulation des capitaux sans être entravées par des obstacles fiscaux inutiles.

Les PME qui exercent des activités transfrontières deviennent imposables dans plusieurs États membres dès lors que leur activité à l’étranger donne lieu à la création d’un établissement stable.

Les systèmes de fiscalité des entreprises en vigueur dans l’UE peuvent être complexes, de sorte que les entreprises transfrontières peuvent être confrontées à des coûts élevés de mise en conformité fiscale, ainsi qu’à des risques de double ou de surimposition et de contentieux chronophages. Cette situation est également susceptible d’empêcher les PME, et notamment les entreprises nouvellement créées, de développer leurs activités dans plusieurs États membres.

La proposition de directive de la Commission européenne vise à offrir aux PME exerçant des activités transfrontières par l’intermédiaire d’établissements stables la possibilité d’interagir avec une seule administration fiscale — celle du siège social — plutôt que de devoir se conformer à de multiples systèmes fiscaux.

Dans ce nouveau cadre, les PME calculeraient leurs impôts uniquement sur la base des règles fiscales de l’État membre de leur siège social. Elles rempliraient une seule déclaration auprès de l’administration fiscale de leur siège social, qui la transmettrait ensuite aux autres États membres dans lesquels la PME exerce ses activités. L’État membre du siège social transférerait également par la suite les éventuelles recettes fiscales vers les pays où les établissements stables de la PME sont situés.

Le champ d’application de ces nouvelles règles serait limité aux PME autonomes disposant d’établissements stables. Il ne serait pas étendu aux groupes de PME avec filiales.

Lorsqu’une PME choisira d’appliquer les nouvelles règles, elle devra rester soumise à ce système pendant cinq exercices fiscaux, sauf (i) en cas de changement de pays de son siège social, ou (ii) en cas d’augmentation exponentielle de son activité commerciale à l’étranger par rapport à l’activité commerciale dans l’État membre d’origine, auxquels cas les règles de ce futur dispositif cesseront de s’appliquer.

Les dispositions relatives à l’admissibilité des PME à ce futur dispositif et à sa résiliation sont conçues de sorte à décourager toute éventuelle pratique de planification fiscale, notamment le transfert délibéré du siège social vers un pays à faible imposition.

Cette proposition de directive relative à un système fiscal fondé sur les règles de l’État membre du siège social simplifie ainsi les règles applicables aux PME au cours de leurs premières phases d’expansion.

Dans l’hypothèse où les PME se développeraient au point de sortir du champ d’application de ce nouveau cadre, elles pourraient alors opter pour l’initiative « Entreprises en Europe : cadre pour l’imposition des revenus » ou « BEFIT » (Business in Europe : Framework for Income Taxation) destinée à réduire les coûts de mise en conformité fiscale pour les grandes entreprises, principalement celles qui exercent leurs activités dans plus d’un État membre, et permettre aux autorités nationales de déterminer plus facilement quels impôts sont dus[5].

Autres mesures destinées à soutenir les PME

Mise en place d’un cadre réglementaire plus favorable aux PME

La charge administrative ou les obstacles règlementaires figurent parmi les plus gros problèmes pour 55 % des PME, selon l’Eurobaromètre 486 sur les PME, les entreprises en démarrage, les entreprises en phase d’expansion et la volonté d’entreprendre publié en septembre 2020[6].

Plusieurs outils règlementaires ont été déployés afin de prendre davantage en compte les PME dans le processus d’élaboration des politiques européennes :

  • Le « test PME » qui permet d’analyser l’incidence des propositions juridiques de la Commission sur les PME ;
  • le nouveau contrôle de compétitivité, qui vise à rendre compte de manière intégrée des incidences de compétitivité sur les entreprises, y compris les PME ;
  • le « filtre PME » qui a pour but de recenser les initiatives politiques pertinentes pour les PME aux premiers stades de leur élaboration.

La Commission européenne s’engage à recourir davantage à ces outils, notamment dans les rapports d’analyse d’impact, et à encourager le Parlement européen et le Conseil à évaluer « sur le terrain » l’incidence sur les PME et la compétitivité des modifications substantielles qu’ils apportent aux propositions de la Commission au cours du processus co-législatif.

La Commission européenne désignera prochainement un représentant des PME de l’UE chargé de la guider et de la conseiller sur les questions relatives aux PME, afin de défendre les intérêts des PME vis-à-vis du monde extérieur.

Enfin, la Commission européenne a déclaré qu’elle envisagera systématiquement à l’avenir l’utilisation de dispositions favorables aux PME dans ses nouvelles propositions législatives (par exemple périodes de transition plus longues pour les PME, orientations ciblées sur les PME, prise en compte de l’incidence des actes délégués et des actes d’exécution sur les PME ainsi que des clauses de réexamen et de caducité dans le droit dérivé).

Toutes ces mesures ont pour objectif de mieux prendre en compte les besoins des PME lors de l’élaboration de toute nouvelle proposition législative ou réglementaire.

Réduction de la charge administrative

La généralisation annoncée de l’approche dite « un ajout, un retrait » vise à contribuer à réduire la charge réglementaire pesant sur les PME par une meilleure prise en compte en amont des conséquences et des coûts d’application de la législation européenne. Ce principe « un ajout, un retrait » garantit que toute charge nouvellement introduite doit être compensée par la suppression de charges équivalentes dans le même domaine d’action.

Par ailleurs, afin de mettre en place un cadre plus propice à l’innovation, la Commission européenne encourage l’utilisation de « sas réglementaires » dans un certain nombre de domaines innovants, tels que l’intelligence artificielle. Ces instruments devraient permettre, notamment aux PME et aux jeunes pousses, d’expérimenter en situation réelle de nouvelles technologies, de nouvelles pratiques, de nouveaux services, de nouvelles applications dans un environnement réel contrôlé, en particulier dans les cas où une insécurité juridique ou des lacunes ou obstacles réglementaires entravent leur développement.

Parallèlement, la Commission européenne souhaite généraliser l’utilisation du portail numérique destiné à améliorer l’environnement économique européen pour les entreprises, notamment pour les PME, en réduisant considérablement les formalités et charges administratives. Ce portail fournit un guichet unique pour des informations administratives et réglementaires fiables, des procédures en ligne, contribuant ainsi à aider les PME à mieux exploiter les possibilités offertes par le marché unique.

D’ici la fin de l’année, les États membres devront veiller à ce que les procédures administratives dans 21 domaines clés (tels que la création et la gestion d’une entreprise, la cessation d’activité, l’installation dans un autre État membre, etc.) soient pleinement accessibles en ligne.

Ils devront également mettre en place le système technique « une fois pour toutes » (Once-Only Technical System ou « OOTS ») qui permettra l’échange transfrontière de documents clés entre les autorités publiques, évitant ainsi aux PME de soumettre dans des États membres des documents qu’elles ont déjà soumis dans d’autres États membres. Cela réduira également le coût de la libre circulation au sein du marché unique et les frictions administratives, sans imposer d’obligations supplémentaires aux entreprises et tout en réduisant considérablement leur charge administrative au moyen de procédures en ligne dans des domaines clés.

Enfin, afin d’améliorer la compétitivité à long terme des entreprises et notamment des PME, la Commission européenne devrait annoncer en octobre une série de propositions visant à rationaliser les obligations de déclaration avec pour objectif de réduire cette charge de 25 % sans compromettre les objectifs stratégiques correspondants.

Amélioration de l’accès au financement

La Commission européenne souhaite améliorer l’accès au financement des PME. 200 milliards d’euros devraient être mis à la disposition des PME dans le cadre des différents programmes de financement de l’UE jusqu’en 2027.

Elle entend tirer parti du succès du volet PME du programme InvestEU – lequel offre aux PME un meilleur accès au financement et des conditions de financement plus favorables – en encourageant les États membres à allouer des ressources supplémentaires aux compartiments nationaux de ce programme.

Par ailleurs, selon l’OCDE[7], les PME jouent un rôle important pour aider l’Europe à atteindre ses objectifs de neutralité climatique et autres objectifs environnementaux. La Commission européenne souhaite ainsi faciliter également l’accès des PME au financement durable, notamment via la mise en place d’un cadre simple et normalisé pour rendre compte des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et en encourageant les établissements financiers à inclure le financement vert des PME dans leurs modèles d’entreprise.

Les PME, à l’exception des PME cotées, ne sont pas formellement soumises aux exigences du cadre de l’UE pour la finance durable. Toutefois, la Commission européenne est consciente du fait que ces PME sont confrontées à des demandes croissantes d’informations sur la durabilité, souvent dans un format non normalisé, de la part de leurs partenaires financiers et de la chaîne de valeur.

Concrètement, la Commission européenne souhaite mettre en place des normes d’informations simplifiées pour les PME cotées, une norme d’application volontaire pour les PME non cotées, et fixer ainsi une limite juridique aux informations que les grandes entreprises doivent obtenir des PME intervenant dans leur chaîne de valeur en vertu des normes européennes d’informations en matière de durabilité afin de (i) réduire l’incidence indirecte sur les PME des obligations de déclaration de la chaîne de valeur imposées aux grandes entreprises, et (ii) améliorer les possibilités pour les PME d’obtenir un financement vert pour tirer parti de la transition vers une économie durable.

Par ailleurs, la Commission européenne souhaite encourager les établissements financiers à inclure le financement vert des PME dans leurs modèles d’entreprise en œuvrant à l’élaboration d’une norme ou d’une définition des prêts verts et en envisageant une adaptation favorable aux PME du ratio d’actifs verts des banques.

Amélioration de la participation des PME aux marchés publics

Les marchés publics représentent 14 % du PIB de l’UE. Pourtant, les PME éprouvent encore des difficultés à y accéder.

La Commission européenne a donc présenté des initiatives visant à faciliter l’accès des PME aux marchés publics, y compris aux marchés transfrontières. L’objectif sous-jacent est d’accroître la part des PME dans les marchés publics de sorte à ce que celle-ci corresponde à leur poids global dans l’économie.

Pour ce faire, la Commission entend faciliter le traitement des documents d’appels d’offres par les PME, notamment à travers la promotion de l’utilisation de dispositions et de clauses normalisées dans les documents de marché, en particulier pour les marchés à faible risque ou de faible valeur, et de pratiques susceptibles d’accroître la participation des PME, telles que l’adoption de qualifications financières plus favorables et l’adaptation des conditions de paiement.


[1] Cf. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité Economique et Social européen et au Comité des Régions sur le train de mesures de soutien aux PME : https://www.soulier-avocats.com/wp-content/uploads/2023/09/COM_2023_535_1_FR_ACT_part1_v2-1.pdf

[2] https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/proposal-regulation-combating-late-payment-commercial-transactions_fr

[3] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32011L0007

[4] https://taxation-customs.ec.europa.eu/taxation-1/corporate-taxation/head-office-tax-system-smes_fr (en anglais uniquement)

[5] Pour plus d’informations sur l’initiative « BEFIT » : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_23_4407

[6] https://europa.eu/eurobarometer/surveys/detail/2244 (disponible en anglais uniquement)

[7] Rapport d’activité 2023 de la plateforme de l’OCDE sur le financement des PME pour la durabilité https://www.oecd.org/cfe/smes/SME%20activity-report-2023.pdf (disponible en anglais uniquement)