menu
Actualités
Publié le 1 octobre 2009 par Soulier Avocats

Le conseil constitutionnel invalide partiellement la loi pendant à favoriser l’accès des PME au crédit

La loi n° 2009-1255 tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers a été promulguée par le Président de la République le 19 octobre 2009 après une invalidation partielle par le Conseil Constitutionnel.

Adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture le 17 septembre 2009, cette loi a fait l’objet dès le lendemain d’un recours devant le Conseil Constitutionnel qui, aux termes d’une décision n°2009-589 DC en date du 14 Octobre 2009 a retenu l’inconstitutionnalité de deux articles, dont l’article 16 aurait permis en France l’émission d’obligations islamiques, dites « Sukuk ».

1. Loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises

Dans le contexte de la crise financière internationale et du sentiment d’insécurité des PME, conforté par la frilosité de la grande majorité des établissements bancaires, la proposition de loi n° 2009-1255 tend notamment à responsabiliser les comportements des établissements dispensateurs de crédits et à assurer une plus grande transparence envers les entreprises.

Le texte prévoit ainsi l’obligation pour les banques et les organismes d’assurance de notifier par écrit et avec un préavis de 60 jours toute diminution ou interruption des facilités accordées. Par ailleurs, les établissements de crédit sont tenus de fournir, à toute entreprise concernée qui en ferait la demande, les raisons de cette interruption ou réduction.

Les PME sollicitant un crédit pourront également se faire communiquer des explications sur leur notation interne par la banque (évaluation du risque de crédit par la banque à partir des informations collectées et retraitées par la Banque de France dans son Fichier Bancaire des Entreprises – FIBEN).

Pour s’assurer que les banques contribuent réellement au financement des PME, la loi rend obligatoire la publication par les établissements bancaires d’un rapport mensuel sur les montants des financements accordés aux entreprises créées depuis moins de trois ans et de publier chaque année le volume des encours de crédit accordés.

2. Le Conseil Constitutionnel censure deux articles de la loi

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d’un recours tendant à la censure des articles 14 et 16 de la loi, issus d’amendements parlementaires, au motif que ces articles étaient dépourvus de tout lien avec l’objet du texte.

L’article 14 de la loi exonérait les experts-comptables, lorsque ces derniers se livrent à des consultations juridiques, de la déclaration de soupçon d’éventuelles constatations d’opérations de blanchiment d’argent telle qu’elle résulte, au code monétaire et financier, des dispositions qui y ont été introduites par l’ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 transposant les objectifs de la directive 2005/60/CE, dite  » 3ème directive anti-blanchiment « .

Cet article a été ajouté au texte initial par l’effet d’un amendement parlementaire adopté lors de l’examen en séance publique au Sénat.

L’article 16 de la loi, complétait l’article 2011 du code civil relatif au régime de la fiducie.

Aux termes du premier alinéa de l’article 2011,  la fiducie est  » l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires « .

La particularité de la fiducie est d’engendrer un dédoublement de la propriété entre, d’une part, un propriétaire en titre, le fiduciaire, qui a pour mission de gérer des biens sans en détenir la richesse et, d’autre part, un propriétaire économique, le bénéficiaire, qui est celui qui conserve la richesse.

L’introduction de ce contrat spécial dans le code civil a constitué une novation importante, résultant de la loi n°2007-211 du 19 février 2007, permettant d’introduire dans notre droit un outil se présentant comme un concurrent solide du trust de droit anglais. Toutefois, la fiducie demeure à ce jour peu utilisée en France, en dépit de certains ajustements récents résultant notamment de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 dite de modernisation de l’économie.

L’Article 16 devait compléter l’article 2011 du Code civil afin d’adapter le régime de la fiducie pour notamment permettre l’émission en France d’instruments financiers conformes aux principes de la finance islamique, c’est-à-dire l’émission de sukuk (obligations islamiques permettant de contourner l’interdiction religieuse du versement d’intérêts).

Les sukuk sont des titres dont la rémunération et le capital sont indexés sur la performance d’un ou plusieurs actifs détenus par l’émetteur, affectés au paiement de la rémunération et au remboursement des sukuk. Leur porteur bénéficie d’un droit indirect sur ce ou ces actifs qu’il peut exercer en cas de défaillance de l’émetteur. A la différence d’une obligation, le sukuk est adossé à un actif permettant de rémunérer le placement en contournant le principe de l’intérêt.

Cette adaptation du régime de la fiducie s’inscrivait dans le prolongement de la consultation engagée par la ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi sur les modifications juridiques de la fiducie afin de faciliter son utilisation par la finance islamique et de l’annonce au printemps dernier qu’une réforme législative en ce sens serait mise en place à l’automne.

Dans sa décision du 14 octobre 2009, le Conseil constitutionnel a constaté que les articles 14 et 16 de la loi étaient dépourvus de tout lien, même indirect, avec l’accès des PME au crédit. Dans son communiqué de presse officiel le Conseil Constitutionnel a précisé – la précision a son importance – qu’il avait donné raison aux députés en se prononçant sur la forme et non sur le fond.