Le drone, un nouveau moyen de preuve ?
Le drone, autrefois objet réservé au domaine militaire est aujourd’hui tombé dans le domaine public.
En effet, il connait actuellement un véritable engouement auprès des services enquêteurs. Davantage, les drones deviennent aujourd’hui des outils indispensables en matière de sécurité. En témoigne l’acquisition récente par la ville de Toulouse de plusieurs drones afin de protéger leurs habitants.
Mais ces drones peuvent-ils être utilisés afin de permettre la constitution de preuves dans une affaire pénale ?
C’est la question à laquelle la chambre criminelle de la Cour de Cassation a répondu dans un arrêt du 15 novembre 2022[1].
Un individu était mis en examen pour diverses infractions à la législation sur les stupéfiants. Durant l’information, il présentait une demande d’annulation de pièces de la procédure en estimant que la captation d’images avait été réalisée par un drone et n’était donc pas régulière.
La Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 16 décembre 2021, rejetait cette requête en nullité d’actes de la procédure.
Il formait alors un pourvoi en cassation contre cette décision. En effet, le mis en examen souhaitait voir annuler la décision de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel de Bordeaux notamment au moyen que seuls les dispositifs fixes de captation d’images étaient autorisés et non la captation d’images par voie aérienne. Il ajoutait qu’en tout état de cause le juge avait autorisé une telle captation aérienne sans préciser en quoi les circonstances excluaient toute possibilité de recours à un autre dispositif.
Dès lors, l’usage du drone peut-il être autorisé afin de réaliser des captations d’images permettant la constitution de preuves durant une information judiciaire ?
La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation s’est positionnée dans cet arrêt du 15 novembre 2022.
La Cour de Cassation, rappelle dans un premier temps que l’usage d’un dispositif de captation d’image notamment par voie aérienne est une ingérence active dans le droit à la protection de la vie privée et familiale et du domicile prévue par l’article 8 de la Convention Européenne des droits de l’Homme[2].
Par conséquent, cette ingérence ne peut se faire que sous deux conditions :
- Que l’ingérence ait une base légale suffisante ;
- Que l’ingérence poursuive un but légitime dans une société démocratique et soit donc nécessaire est proportionnée.
Concernant la base légale suffisante
Prenant appui sur la jurisprudence européenne[3], la Cour de cassation précise qu’un texte pour être prévisible ne doit pas nécessairement prévoir toutes les situations qu’il doit encadrer.
Elle ajoute que l’article 706-96 du Code de procédure pénale qui prévoit le recours à la captation d’images ne distingue pas selon que le dispositif est fixe ou mobile et donc, selon l’adage classique, qu’on ne doit distinguer là où la loi ne distingue pas[4].
De surcroît, l’usage d’un tel dispositif est limité aux enquêtes criminelles ou celles portant sur une infraction commise en bande organisée.
Elle statue alors dans le présence d’une base légale suffisamment claire, prévisible et accessible.
Concernant le caractère nécessaire et proportionné de la captation d’images par drone
La Cour de cassation remarque que la Chambre de l’Instruction relève les conditions dans lesquelles les enquêteurs ont, avant de mettre en place la prise d’images par caméra aéroportée, découvert et constaté le réseau de stupéfiants auquel participait le mis en examen.
Elle ajoute que ladite captation a été autorisée par un juge d’instruction, pour 4 mois, après réquisition du procureur de la République et que les enquêteurs ont agi sur délégation expresse du magistrat.
Elle conclut que la configuration des lieux rendait difficile un autre type de surveillance et que le juge d’instruction avait précisé en quoi cette captation d’images était essentielle pour l’enquête.
Ainsi, selon elle, au regard de tous ces éléments, la décision de la Chambre de l’Instruction refusant de faire droit aux prétentions du mis en cause était parfaitement conforme aux dispositions conventionnelles et aux textes invoqués par le requérant en ce qu’elle était nécessaire et proportionnée.
Il est donc parfaitement possible pour les services enquêteurs d’avoir recours au drone dans le cadre de l’article 706-96 du Code de procédure pénale.
[1] C.Cass, 15 nov. 2022 n°22-80.097
[2] Art. 8 « Droit au respect de la vie privée et familiale » Conv. EDH
[3] CEDH, arrêt du 8 mai 2018, Ben Faiza c. France, n°31446/12
[4] « Il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas » (Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus)