menu
Actualités
Publié le 1 mai 2014 par Soulier Avocats

Les entretiens professionnels et le compte personnel de formation

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale comporte notamment plusieurs dispositions créant de nouvelles obligations pour les entreprises de toute taille en termes d’entretiens professionnels (I) et modifie sensiblement l’actuel Droit Individuel à La Formation (DIF) qui deviendra à compter du 1er janvier 2015, le Compte Personnel de Formation (II).

I. Les entretiens professionnels obligatoires

Lors de son embauche, l’employeur doit désormais informer le salarié qu’il bénéficiera tous les 2 ans d’un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi.

L’article L.6315-1 précise bien que cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.

Cet entretien professionnel, contrairement au Bilan d’étape professionnel introduit par la loi du 24 novembre 2009, est à l’initiative de l’employeur. Par ailleurs, il doit impérativement donner lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.

Selon l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, à l’origine de cette loi, les Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA) pourraient fournir un modèle de compte rendu d’entretien. Ils devraient également diffuser auprès des petites entreprises tous les outils nécessaires à la réalisation des entretiens professionnels, ainsi que les informations sur les droits et dispositifs de formation.

Tous les six ans, l’entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cet état des lieux devra permettre de vérifier que le salarié a bénéficié, au cours des 6 dernières années :

  • Des entretiens professionnels bisannuels,
  • D’au moins une action de formation,
  • D’éléments de certification par la formation ou la validation des acquis,
  • D’une progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque, au cours de ces 6 années le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins deux des trois mesures ci-dessus, l’employeur devra abonder son Compte Personnel de Formation (cf. II ci-après) de 100 heures portées à 130 heures pour un salarié à temps partiel, et verser à l’OPCA dont il relève une somme forfaitaire, correspondant à ces heures.

Outre cette sanction financière, ne visant que les entreprises de 50 salariés et plus,  il est évident que tout employeur qui ne respecterait pas ces obligations pourrait se voir condamné, pour manquement à ses obligations, à verser des dommages et intérêts au salarié.

La Cour de Cassation a déjà considéré (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21255) qu’un employeur qui n’avait fait bénéficier d’aucune formation un salarié pendant 16 ans commettait un manquement au contrat de travail, du fait de ses obligations en termes d’adaptation au poste de travail et de maintien de l’employabilité des salariés (Article L.6321-1 du Code du travail). Un tel manquement ouvre droit à réparation et donc attribution de dommages et intérêts.

Le non-respect de ces obligations, dorénavant régulières et formalisées, aura également une influence non négligeable en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. Il pourra être difficile pour l’employeur de justifier d’une telle insuffisance s’il n’a pas rempli ses obligations en la matière.

Enfin, un tel entretien professionnel doit être proposé systématiquement au salarié qui reprend  son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de  soutien familial, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12 du Code du travail, d’une période de congé parental à temps partiel, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale (affection de longue durée ou arrêt de travail supérieur à 6 mois) ou à l’issue d’un mandat syndical.

En contrepartie, l’entretien de « seconde partie de carrière » prévu pour les salariés ayant 45 ans dans les entreprises d’au moins 50 salariés, est supprimé.

II. Le Compte Personnel de Formation

Date d’effet et champ d’application :

À compter du 1er janvier 2015, un Compte Personnel de Formation (CPF) remplacera l’actuel Droit Individuel à la Formation (DIF). Le CPF sera ouvert à toute personne d’au moins 16 ans en emploi ou à la recherche d’un emploi, ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles et, par dérogation, au jeune dès 15 ans qui signe un contrat d’apprentissage.

Le CPF sera également applicable aux salariés intermittents du spectacle, aux artistes auteurs et aux personnes handicapées accueillies dans un établissement et service d’aide par le travail.

Le CPF suivra son titulaire tout au long de sa vie professionnelle, jusqu’à la retraite, quel que soit son statut, salarié ou demandeur d’emploi. Le compte sera fermé lorsque la personne sera admise à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite.

Une mesure transitoire permettra de conserver le reliquat des heures de DIF non utilisées au 31 décembre 2014, en leur appliquant à partir de 2015 le régime du CPF. Ces heures seront utilisables jusqu’au 1er janvier 2021.

Acquisition des heures de CPF :

Chaque salarié va acquérir des heures de formation à la fin de chaque année, dans la limite d’un plafond total de 150 heures, à raison de :   

  • 24 heures par année de travail à temps complet, jusqu’à l’acquisition d’un capital de 120 heures ;
  • 12 heures par année de travail à temps complet, jusqu’à l’atteinte du plafond des 150 heures.

Lorsque le salarié n’aura pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année (temps partiel par exemple), l’alimentation du compte sera calculée à due proportion du temps de travail effectué.

Comme c’est actuellement le cas pour le DIF, les périodes d’absence du salarié dues à une maladie professionnelle ou à un accident de travail,  à un congé de maternité, de paternité, d’adoption, de présence parentale, de soutien familial ou à un congé parental d’éducation seront intégralement prises en compte pour le calcul des heures acquises dans le CPF.

Lorsque la durée de la formation souhaitée par le salarié ou le demandeur d’emploi est supérieure au nombre d’heures inscrites sur son compte, celui-ci peut faire l’objet, à la demande de son titulaire, d’abondements en heures complémentaires pour assurer le financement de cette formation. Ce financement complémentaire pourra être assuré par le titulaire du CPF lui-même, l’employeur, Pôle Emploi, un OPCA, etc.

Le compte sera également abondé, à hauteur de 100 voire 130 heures, en cas de manquement de l’employeur à ses obligations en matière d’entretiens professionnels (cf.I)

Les entreprises, les branches et les partenaires sociaux pourront prévoir par accord des abondements supplémentaires.

Gestion du CPF :

Les heures de formation inscrites sur le CPF resteront acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire et pourront être utilisées sans limite de délai, au cours d’un contrat de travail ou d’une période de recherche d’emploi. 

Ce ne sera donc pas à l’employeur de gérer le CPF de ses salariés. Ce dispositif prendra la forme d’un service dématérialisé gratuit et sera géré par la Caisse des dépôts et consignations. Chaque titulaire pourra accéder à un espace personnel lui permettant de connaître son nombre d’heures créditées, les formations éligibles ainsi que les abondements complémentaires pouvant être sollicités, et  d’élaborer et d’actualiser un «passeport d’orientation, de formation et de compétences ».

La consultation de ce «passeport» sera autorisée exclusivement par le titulaire. Il recensera les formations suivies et les qualifications obtenues dans le cadre de sa formation initiale ou continue, ainsi que les acquis de l’expérience professionnelle, selon des modalités à déterminer par décret. Cette mesure entraîne la suppression du «passeport orientation et formation », qui avait été créé lors de la réforme de la formation de 2009 mais qui n’avait jamais vu le jour, faute de décret d’application.

En pratique, les droits au CPF seront calculés à partir des données déclarées par les employeurs dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) et prochainement dans la déclaration sociale nominative (DSN).

Mobilisation du CPF :

La loi pose les principes selon lesquels le CPF est mobilisé à l’initiative de son titulaire, qu’il ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de ce dernier et que son refus de le mobiliser ne constitue pas une faute.

Le CPF ne pourra cependant pas être utilisé pour suivre toute formation au choix du salarié. Celui-ci devra choisir une formation ressortant de l’une des catégories suivantes:

  • formations permettant d’acquérir le « socle de connaissances et de compétences », concept qui reste à définir par décret ;
  • formations qualifiantes ou certifiantes ;
  • formations visant l’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience, dans des conditions à préciser par décret.

Lorsque la formation est suivie en tout ou partie pendant le temps de travail, le salarié devra recueillir l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation, sauf exceptions. L’employeur lui notifiera sa réponse dans des délais à déterminer par décret. À défaut de réponse, le salarié sera en droit de considérer que son départ en formation a été accepté.

Par exception, l’accord de l’employeur sur le contenu de la formation ne sera pas requis lorsque la formation, bien qu’ayant lieu pendant tout ou partie du temps de travail est financée au titre des heures acquises à la suite d’un « abondement-sanction »  dans les entreprises d’au moins 50 salariés ou si elle vise à l’acquisition du « socle de connaissances et de compétences » ou à l’accompagnement à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Les accords de branche, d’entreprise ou de groupe pourront également prévoir d’autres cas de formation sur le temps de travail sans l’accord de l’employeur sur le contenu de la formation.

En de tels cas, on peut penser que l’employeur pourrait cependant opposer un refus, ou du moins un ajournement, concernant le calendrier de la formation. A ce jour, l’administration n’a pas encore apporté de précisions en la matière.

Lorsque la formation choisie est suivie en dehors du temps de travail, le salarié pourra mobiliser son compte sans obtenir l’accord préalable de l’employeur.

Rémunération du salarié :

Les heures consacrées à la formation pendant le temps de travail constituent du temps de travail effectif et ouvrent droit au maintien de la rémunération du salarié.

En revanche, contrairement à ce qui existe aujourd’hui au titre du DIF, l’employeur n’aura pas d’allocation de formation à verser pour les formations se déroulant en dehors du temps de travail.

Prise en charge des frais de formation :

Les employeurs d’au moins 10 salariés, qui auront conclu un accord d’entreprise leur permettant de consacrer une fraction au moins égale à 0,2 % du montant des rémunérations au financement du CPF de leurs salariés et à son abondement, devront prendre en charge les frais pédagogiques et les frais annexes, que la formation soit suivie pendant ou en dehors du temps de travail. Ils ne pourront pas obtenir de prise en charge de leur OPCA.

À défaut d’accord, ainsi que dans les entreprises de moins de 10 salariés, les frais de formation seront pris en charge par l’OPCA qui reçoit la contribution formation de l’entreprise.