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Publié le 31 octobre 2018 par Soulier Avocats

Les nouvelles réformes de simplification du fonctionnement interne des sociétés

A l’agenda du ministre de l’économie et des finances se trouvent le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, ainsi que la proposition de loi sur la modernisation de la transmission d’entreprises.

Si l’un est à l’initiative du gouvernement et l’autre à l’initiative du parlement, les deux ont pour objectif commun de simplifier le fonctionnement interne des sociétés.

Focus sur deux mesures qui visent à corriger des dispositifs précédemment mis en place et parfois contestés.

Article rédigé en collaboration avec Emilie YILDIZ, Avocat Corporate

Réforme du dispositif d’information ponctuelle des salariés en cas de cession d’entreprise

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite « loi Hamon », avait institué dans les petites et moyennes entreprises[1] une obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise.

Cette obligation d’information concernait initialement tout propriétaire d’une entreprise envisageant de céder, à titre gratuit ou onéreux, son fonds de commerce ou la majorité des parts de sa société, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre de reprise.

La cession ne pouvait intervenir avant un délai de deux mois suivant la notification de l’information aux salariés et le défaut d’information des salariés était lourdement sanctionné, le juge de commerce pouvant prononcer la nullité de la cession.

Dès sa mise en application le 1er novembre 2014[2], cette obligation avait suscité de très fortes critiques. En effet, d’une part, le champ d’application de l’obligation, qui devait s’appliquer aux « cessions » et qui englobait alors des situations dans lesquelles les salariés ne pouvaient présenter d’offre concurrente, était trop large, et d’autre part, le caractère disproportionné de la sanction de nullité pesant sur toute cession menaçait la sécurité juridique de l’entreprise transmise.

Conscient des difficultés, le Gouvernement avait réformé le dispositif, dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques[3], dite « loi Macron », dont le décret d’application a fait l’objet d’une précédente e-newsletter[4], en restreignant le champ de l’obligation d’information aux seules opérations de vente de l’entreprise et en remplaçant la sanction de nullité de la cession par une amende civile d’un maximum de 2 % du montant de la vente.

Malgré l’objectif initial louable de favoriser les reprises internes, l’effet contre-productif de ce dispositif, en raison d’un délai à la fois trop court pour permettre aux salariés de s’organiser et suffisamment long pour fragiliser l’entreprise qui devenait ainsi vulnérable aux yeux des clients et des fournisseurs, a rendu cette mesure inopérante et amené à ce que la proposition de loi sur la modernisation de la transmission d’entreprise[5], supprime tout simplement le dispositif d’information ponctuelle des salariés en cas de cession d’entreprise.

Pour l’heure, la proposition de loi a été adoptée par le Sénat en première lecture le 7 juin 2018 et a été transmise à l’Assemblée Nationale.

 Réforme de l’obligation de désigner un commissaire aux comptes

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises[6], dit loi « Pacte », prévoit de modifier les dispositions[7] relatives à la désignation des commissaires aux comptes afin de diminuer les contraintes financières pesant sur les petites sociétés commerciales en restreignant les cas dans lesquels elles doivent faire auditer leurs comptes par un commissaire aux comptes (CAC).

Même si le projet renvoie la fixation des seuils à un décret en Conseil d’État[8], la loi Pacte prévoit un alignement avec la directive UE 2013/34 du 26 juin 2013, dite « directive comptable », à savoir la nomination obligatoire d’un CAC pour les sociétés dépassant à la date de clôture d’un exercice deux des trois critères suivants : 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés.

Les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions, actuellement tenues de désigner un CAC dans tous les cas et sans condition de seuils, verraient donc l’introduction de seuils pour la désignation d’un CAC.

En outre, afin d’éviter les montages juridiques visant à contourner l’obligation d’une telle nomination, les sociétés mères contrôlant des filiales qui ne dépassent pas ces nouveaux seuils devront néanmoins désigner un CAC dans le cas où l’ensemble du groupe dépasse lesdits seuils.

Le projet vient d’être adopté en première lecture le 9 octobre 2018 et, à l’issue de l’adoption par le Sénat, les dispositions envisagées devraient entrer en vigueur à compter du premier exercice ouvert après la publication du décret d’application fixant les nouveaux seuils de désignation du CAC et au plus tard le 1er janvier 2019. Néanmoins, les mandats des CAC en cours à cette date se poursuivraient jusqu’à leur terme[9].

 Réforme de la multi-représentation de personnes morales

En marge de ces deux réformes, une autre concernant le fonctionnement interne des sociétés vient déjà, quant à elle, d’entrer en vigueur au 1er octobre 2018.

En effet, la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018[10] ratifiant l’ordonnance réformant le droit des obligations a modifié le texte de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations que nous avions précédemment commentée[11].

En conséquence, l’article 1161 du code civil relatif aux conflits d’intérêts en matière de représentation, qui interdit, à peine de nullité, la représentation par une même personne de plusieurs parties au contrat ou la conclusion d’un contrat entre un représenté et son représentant, vient d’être modifié afin qu’échappe à son champ d’application la représentation des personnes morales. 

Le législateur restreint désormais aux seules personnes physiques le champ d’application de l’article 1161 du code civil, qui prévoit à présent qu’« en matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ».

Dès lors et depuis le 1er octobre 2018 :

  • la restriction ne s’applique plus aux personnes morales qui relèvent des règles spécifiques du droit des sociétés ;
  • la représentation multiple de plusieurs personnes physiques sera interdite seulement en cas d’opposition d’intérêts ;
  • la personne représentée garde, en tout état de cause, la possibilité d’autoriser ou de ratifier la représentation multiple.

Il est néanmoins regrettable que la notion de conflit d’intérêt ne soit pas définie. En effet, est-il possible de considérer qu’une personne physique poursuit le même intérêt que les autres personnes physiques qu’elle représente à un contrat de cession ?

A suivre.

 

[1] Soit les entreprises de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou de 43 millions d’euros de total de bilan

[2] Publication du décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise

[3] Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

[4] Cf. article intitulé « Loi Macron : décret d’application relatif à l’information des salariés en cas de vente ou de reprise de leur entreprise »

[5] http://www.senat.fr/leg/ppl17-343.html

[6]https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do;jsessionid=99F4BA6525B4A48E4BC5882A2F15C676.tplgfr33s_1?idDocument=JORFDOLE000037080861&type=contenu&id=2&typeLoi=proj&legislature=15

[7] Article 9 du projet

[8] Article 9, 9°, 12° et 16° du projet

[9] Article 9, 18° du projet

[10]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=99F4BA6525B4A48E4BC5882A2F15C676.tplgfr33s_1?cidTexte=JORFTEXT000036825602&dateTexte=20181024

[11] Cf. article intitulé « La représentation dans les groupes de sociétés à l’épreuve du nouveau droit des contrats »