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Publié le 1 novembre 2013 par Soulier Avocats

Prévoyance d’entreprise : les catégories objectives applicables aux contrats

La réglementation relative aux régimes de prévoyance et de retraite supplémentaire souscrits par les entreprises a beaucoup évolué au fil du temps. 

Les administrations fiscales et sociales ont été amenées à opérer des redressements, contestant notamment les caractères collectif et obligatoire des contrats, critères fondamentaux permettant la déductibilité fiscale et l’exclusion des charges sociales pour la part patronale. 

Cette exonération est devenue de plus en plus relative, puisque les contributions patronales ont été successivement soumises aux CSG/CRDS, à la taxe prévoyance puis au forfait social, sans oublier le plafonnement de l’exonération. 

Le décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012 relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection complémentaire a introduit six articles (R.242-1-1 à R.242-1-6) dans le Code de la Sécurité Sociale (« CSS ») en vue de lister et détailler les conditions à remplir pour bénéficier de l’exonération des contributions patronales, et notamment définir la notion de catégorie objective de personnel et celle de caractère collectif du contrat. 

La circulaire DSS/SD5B/2013/344 du 25 septembre 2013 relative aux modalités d’assujettissement aux cotisations et contributions de sécurité sociale des contributions des employeurs destinées au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire précise les conditions d’application du régime d’exonération. 

Nous en reprenons les principales dispositions dont certaines qui nous semblent être des sources possibles de redressement pour le futur. 

A)  L’appréciation du critère collectif des garanties 

Le principe en est posé par l’article R.242-1-1 du CSS qui dispose : « Pour le bénéfice de l’exclusion de l’assiette des cotisations prévue au sixième alinéa de l’article L. 242-1, les garanties mentionnées au même alinéa, qu’elles soient prévues par un ou par plusieurs dispositifs mis en place conformément aux procédures mentionnées à l’article L. 911-1, doivent couvrir l’ensemble des salariés. (…) » 

Le caractère collectif est également reconnu si les garanties ne couvrent qu’une partie des salariés, sous réserve qu’ils appartiennent à une ou plusieurs catégories objectives.   

B)   La définition des critères objectifs 

Le même article définit 5 critères objectifs permettant de définir une catégorie de personnel valide au regard de la condition d’exonération. Il distingue un « cadre général » et des « cadres particuliers ». 

Le cadre général (critères 1, 2 et 3 sous condition) regroupe les cas constituant des catégories objectives. Les cadres particuliers (critères 3 à 5) correspondent à des situations pour lesquelles l’employeur doit justifier du caractère objectif des catégories instituées. 

  1. Critère n° 1 : catégorie cadre/non cadre 

Ce critère sera apprécié sur la base de la Convention Collective Nationale des Cadres du 14 mars 1947 qui définit les 3 catégories de personnel pouvant bénéficier du régime de retraite des cadres (AGIRC). Ces trois catégories sont : 

  • Les salariés relevant de l’article 4 : les ingénieurs, les cadres, les dirigeants affiliés au régime général de la sécurité sociale, certains V.R.P. ;
  • Les salariés relevant de l’article 4 Bis : ce sont des employés, techniciens ou agents de maîtrise assimilés cadres, bénéficiant d’un coefficient égal ou supérieur à 300 selon les arrêtés PARODI de 1945 ou leur équivalent ; 
  • Les salariés relevant de l’article 36, à savoir des employés, techniciens ou agents de maîtrise bénéficiant d’un coefficient au moins égal à 200 selon les arrêtés PARODI ou leur équivalent.

On trouve fréquemment dans les entreprises et leurs contrats des confusions entre ces catégories, notamment entre les Articles 4 et Articles 4 Bis. Une telle confusion est de nature à les exposer à des risques de réclamation de la part des salariés qui auraient été privés de l’avantage en cause d’une part, et de redressement fiscal ou social d’autre part. 

La circulaire rappelle à ce titre que les « cadres dirigeants » au sens de l’article L.3111-2 ne peuvent constituer une catégorie objective

  1. Critère n° 2 : les tranches de rémunération 

Sur ce point également, l’article R.242-1-1 est très précis ; il ne s’agit pas de n’importe quelles tranches de rémunération. Il ne peut s’agir que des tranches de rémunération fixées pour le calcul des cotisations de retraites cadres et non cadres (AGIRC et ARRCO). 

Compte tenu des seuils applicables, les tranches de rémunération pouvant être légitimement retenues par les entreprises sont celles de 1, 3, 4 ou 8 fois le plafond de la sécurité sociale. 

Un seuil de 6 plafonds ne sera pas conforme, mais par tolérance, la circulaire admet celui de 2 plafonds. Pour éviter tout redressement, il serait cependant préférable de n’appliquer que les tranches de rémunération visées par le décret.

  1. Critère n° 3 : les catégories et classifications professionnelles définies par la convention collective de branche 

Ce critère vise le seul premier niveau de classification des salariés, tel que défini par la convention collective de branche. Ce critère doit en conséquence s’apprécier au niveau de chaque accord de branche.  Les classifications internes, même par voie d’accord collectif d’entreprise, ne peuvent être retenues.  

  1. Critère n° 4 : les sous-catégories visées par les conventions collectives  

Ces possibles sous-catégories doivent correspondre à une définition. Les coefficients ne sont pas reconnus comme des sous-catégories. 

  1. Critère n° 5 : l’appartenance aux catégories définies à partir des usages constants, généraux et fixes dans la profession 

Il s’agit des seuls usages de la profession, et non de l’entreprise. Il s’agira par exemple des pigistes, des travailleurs à domicile, des intermittents, etc. 

La circulaire rappelle que les critères liés au temps de travail, à la nature du contrat, à l’âge ou à l’ancienneté du salarié ne peuvent être retenus, sous réserve du dernier alinéa de l’article R.242-1-2 qui admet une condition d’ancienneté de 12 mois pour les contrats de retraite supplémentaire et de prévoyance, et de 6 mois pour les autres garanties. La circulaire intègre la garantie dépendance aux garanties de prévoyance. 

Les dispositions applicables aux régimes de prévoyance et de frais de santé vont encore prochainement évoluer. 

Il sera rappelé que la loi de sécurisation de l’emploi a prévu l’obligation pour toutes les entreprises de faire bénéficier leurs salariés d’une couverture minimale au titre des Frais de Santé au plus tard le 1er janvier 2016. 

La loi de finances pour 2014 prévoit de son côté d’assujettir à l’impôt sur le revenu la part patronale des contrats Frais de Santé, et ce même s’ils ont un caractère obligatoire et collectif. La part patronale serait donc intégrée au net imposable de chaque salarié dès les revenus 2013. 

Pour terminer sur cette actualité prévoyance, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 18 septembre 2013, n°12-15.161, suffit à rappeler les risques encourus par une entreprise qui n’a pas vérifié la concordance entre ses obligations conventionnelles et les garanties souscrites auprès de son assureur : un chirurgien salarié a ainsi obtenu le paiement par son employeur de la rente d’incapacité prévue à la convention collective que le contrat d’assurance limitait aux seuls salariés de moins de 60 ans. L’entreprise a eu à assumer plusieurs centaines de milliers d’euros au titre de cette rente.