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Publié le 30 octobre 2019 par Soulier Avocats

Simplification du droit des sociétés : quelques mesure phares de la Loi du 19 juillet 2019

A la suite de la Loi Pacte qui a récemment modifié plusieurs domaines majeurs du droit des sociétés (Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), la Loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés,publiée au journal officiel le 19 juillet 2019 sous le numéro 2019-744, est entrée en vigueur le 21 juillet 2019.

Cette loi résulte d’une proposition déposée en 2013, dont le contenu a été fortement réduit du fait de l’insertion de plusieurs de ses dispositions dans divers textes récents, et en particulier dans la loi Pacte.

Les changements en résultant n’en demeurent pas moins significatifs et nous relèverons ci-après quelques mesures phares de ce texte.

Mesures en matière de fonds de commerce

Contrairement à ce que l’intitulé de la Loi pourrait laisser penser, certaines de ses dispositions concernent la vente et la location gérance des fonds de commerce et les modifications en résultant ne sont pas des moindres.

Ainsi, l’acte de vente d’un fonds de commerce ne doit plus désormais comporter les énonciations obligatoires prévues à peine de nullité par l’article L. 141-1 du Code de commerce (identité du précédent exploitant et prix d’acquisition, état des privilèges et nantissements pouvant grever le fonds, chiffre d’affaires et résultats des trois derniers exercices), lequel a été purement et simplement abrogé.

Le respect de ce formalisme légal était destiné à protéger l’acheteur, en tant que partie à l’opération potentiellement la plus faible. Dès lors, l’acquéreur d’un fonds de commerce est-il désormais moins protégé ?  Une attention renforcée sera certes nécessaire mais, en pratique, la communication d’informations autres que celles légalement requises, tout aussi essentielles pour apprécier la réelle consistance d’un fonds de commerce (notamment, nombre de salariés, contrats en cours, contentieux éventuels), est généralement demandé au vendeur avant la réalisation de la vente.

Par ailleurs, l’obligation précontractuelle d’information issue de l’ordonnance du 10 février 2016[1] devrait, dans une certaine mesure, protéger les acquéreurs de la non divulgation d’information dont l’importance est déterminante pour leur consentement.

Autre mesure notable, l’article L.144-3 du Code de commerce imposant une exploitation minimum du fonds de commerce pendant deux années préalablement à sa mise en location-gérance a été abrogé.  Cette condition était supposée garantir au locataire l’existence de la clientèle, mais constituait en pratique un frein au développement ou à la continuation de l’activité via le recours au régime de la location-gérance.

Nouvelles conditions d’octroi des garanties par une société mère S.A. pour le compte de ses filiales

La loi du 19 juillet 2019 est venue assouplir la procédure d’autorisation des cautions, avals et garanties, émises par les sociétés anonymes pour sécuriser les engagements de leurs filiales.

Avant son entrée en vigueur, les articles L. 225-35 et L. 225-68 du Code de commerce prévoyaient que les cautions, avals et garanties donnés par des sociétés anonymes autres que celles exploitant des établissements de crédit devaient faire l’objet d’une autorisation du conseil d’administration ou de surveillance, d’une durée maximale d’une année et pour un montant déterminé, global ou par engagement, montant au-delà duquel la garantie ne pouvait être émise sans une nouvelle autorisation.

Il est apparu en pratique que ce formalisme pouvait, dans les groupes de sociétés, et notamment à l’international, être un obstacle au développement de leur activité en créant une insécurité sur la validité des garanties données ; les bénéficiaires, souvent prêteurs, ne pouvant matériellement pas s’assurer que la sûreté qui leur était consentie ne dépassait pas le plafond annuel autorisé par le conseil d’administration.

La loi de simplification du droit des sociétés facilite désormais l’octroi de telles garanties puisque le conseil d’administration ou de surveillance peut désormais autoriser annuellement et globalement leur émission, sans limitation de montant, dès lors qu’elles garantissent les engagements de sociétés contrôlées au sens de l’article L 233-16, II du Code de commerce[2]. Par ailleurs, ce même conseil peut autoriser le directeur général ou le directoire à donner globalement et sans limitation de montant ces mêmes garanties, à charge pour ce dernier d’en rendre compte au moins une fois par an.

Cette mesure devrait faciliter l’octroi de marchés ou de financements à des filiales étrangères de groupes français en contrepartie desquels la garantie des sociétés mères françaises est souvent exigée.

Augmentation de capital réservée aux salariés : fin à l’obligation périodique de consultation

La loi de simplification du droit des sociétés met fin à l’obligation de consultation périodique des actionnaires en vue de se prononcer sur une augmentation de capital réservée aux salariés.

Avant l’entrée en vigueur de la loi, les sociétés par actions (société anonyme, société en commandite par actions, société par actions simplifiée) dont les actions détenues par les salariés représentaient moins de 3 % du capital devaient présenter tous les 3 ans à l’Assemblée générale des associés un projet de résolution d’augmentation de capital réservée aux salariés. Ce délai était porté à cinq ans dans certaines situations.

Ce dispositif, destiné à favoriser l’actionnariat salarié, s’est montré inefficace en pratique, les actionnaires refusant généralement les projets de résolutions qui leur étaient soumis à ce sujet.

Est en revanche maintenue l’obligation, lors de toute décision d’augmentation de capital par apport en numéraire dans une société par actions, de se prononcer sur un projet de résolution d’augmentation réservée aux salariés[3].

A noter également ….

La loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés aborde de nombreux sujets touchant le fonctionnement et l’organisation des sociétés.

C’est ainsi que notamment :

  • La répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et usufruitier en cas de démembrement de parts sociales ou d’actions de SAS a été redéfinie[4][5];
  • Il a été institué une procédure permettant aux associés de prolonger la durée de vie de la société[6];
  • Le rachat par une société non cotée de ses propres actions a été simplifié[7];
  • Les apports en industrie faits à une SAS sont dispensés d’évaluation par un commissaire aux comptes[8];
  • Dans les sociétés anonymes, la nullité obligatoire de l’assemblée en cas de non présentation du rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels est rétablie et la nullité de la délibération adoptée sans avoir été inscrite à l’ordre du jour est facultative[9];
  • Les simplifications existant en cas de fusion-absorption d’une filiale sont étendues aux fusions réalisées entre sociétés sœurs, aux apports partiels d’actifs d’une société mère vers une filiale et aux fusions entre sociétés civiles[10].

[1] Article 1112-1 du Code civil

[2] II- Le contrôle exclusif par une société résulte : 1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; 2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance d’une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu’elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d’une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ; 3° Soit du droit d’exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

[3] C. com. art. L 225-129-6, al. 1 pour la société anonyme et sur renvoi des articles L 227-1, al. 3 et L 226-1, al. 2 pour la société en commandite par actions et la société par actions simplifiée

[4] A noter que l’article L. 225-110 du code de commerce prévoit un régime dérogatoire pour les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions, aux termes duquel, et sous réserve des dispositions statutaires, le droit de vote appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires.

[5] Article 1844 du code civil

[6] Article 1844-6 al. 2 et 3 du code civil

[7] Article L. 225-214 du code de commerce

[8] Article L. 227-1 al. 4 du code de commerce

[9] Articles 16 à 19 de la loi

[10] Articles 6, 32 et 33 de la loi