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Publié le 15 avril 2009 par Soulier Avocats

Abus de position dominante : les nouvelles orientations de la commission européenne

Les nouvelles orientations élaborées par la Commission européenne

 S’il n’est pas illégal pour une ou plusieurs entreprises d’occuper une position dominante dans le marché commun, est, en revanche, interdite par l’article 82 du Traité CE l’exploitation abusive de cette position de domination.

 Jusqu’à présent, afin de déterminer les risques d’abus liés à certaines pratiques, les opérateurs économiques ont pu se référer aux indices énoncés par l’article 82 CE (imposition des prix d’achat ou de vente, limitation de la production ou des débouchés, etc.), ou à la jurisprudence communautaire, qui adopte une approche plus globale en analysant les effets structurels de certaines pratiques[1].

 Afin de faciliter l’interprétation de l’article 82 CE et d’en améliorer la prévisibilité, la Commission vient de publier un guide d’ « orientations sur les priorités retenues » … « pour l’application de l’article 82 du Traité CE ».

 Ce guide de vingt-sept pages, s’il n’a pas de force contraignante, constitue un outil de référence attractif pour les entreprises, qui illustre la méthode par laquelle la Commission entend désormais contrôler les pratiques d’entreprises dominantes susceptibles d’être anticoncurrentielles[2]. Cette dernière profite d’ailleurs de cette publication pour entériner en grande majorité la jurisprudence communautaire applicable en la matière.

 Le guide d’orientations est disponible sur le site internet de la Direction Générale de la Commission européenne[3].

La méthode désormais adoptée par la Commission

La Commission présente tout d’abord les indices auxquels elle entend désormais se référer afin de déterminer l’existence d’une position dominante (a), ainsi que celle d’un abus (b). Elle reconnaît également la possibilité pour les entreprises en cause de justifier leur comportement (c).   

a : Sur la notion de position dominante

Confirmant la jurisprudence communautaire sur ce point, la Commission définit la notion de « position dominante » par référence à la notion de « pouvoir de marché » (puissance économique d’une entreprise qui lui permet d’adopter un comportement indépendant vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs et de faire ainsi obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause), et pas seulement par référence au critère des parts de marché.

b : Sur la notion d’abus

La définition de l’abus constitue l’une des principales innovations apportées par les orientations de la Commission. Cette dernière se réfère dorénavant aux effets anticoncurrentiels (exclusion d’un concurrent du marché, ralentissement du développement du marché, etc.) qui découlent du comportement de l’entreprise dominante (approche dite « par les effets »).

Elle renonce ainsi clairement à adopter une approche par la forme de l’abus (dite « approche per se »), qui consiste à réputer abusives certaines pratiques déterminées, quand bien même ces dernières ne produiraient aucune conséquence néfaste sur la concurrence entre Etats membres.

Afin de se déterminer, la Commission examinera notamment les indices suivants :

  • La position plus ou moins forte de domination de l’entreprise en cause ;
  • Les conditions d’entrée et d’expansion régnant sur le marché en cause ;
  • La position des concurrents de l’entreprise dominante ;
  • La position des clients ou des fournisseurs ;
  • La portée du comportement abusif présumé ;
  • Les preuves éventuelles d’une éviction réelle ou d’une stratégie d’éviction ;
  • Les pratiques de prix de l’entreprise dominante et de ses concurrents sur le marché en cause.

c : Sur la généralisation des possibilités de justification accordée aux entreprises

Enfin, autre innovation importante, la Commission généralise la faculté pour l’entreprise dominante de lui démontrer que son comportement est justifié, soit qu’il est objectivement nécessaire (santé ou sécurité liée à la nature du produit, etc.), soit qu’il produit des gains d’efficacité substantiels (améliorations techniques de la qualité des biens, réduction des coûts, etc.), ces arguments l’emportant sur les effets anticoncurrentiels produits sur les consommateurs.

Les principaux comportements susceptibles de constituer un abus de position dominante

Après avoir exposé la méthode par laquelle elle contrôlera désormais les pratiques d’entreprises dominantes susceptibles d’être abusives, la Commission en liste quatre catégories qui, lorsqu’elles seront adoptées par une entreprise dominante, feront l’objet d’un contrôle :

  • Les accords exclusifs (a);
  • Les ventes liées et groupées (b);
  • La prédation (c);
  • Le refus de fourniture (d).

a : Sur les accords exclusifs

Sont susceptibles d’être abusives et feront l’objet d’un contrôle par la Commission les situations dans lesquelles une entreprise dominante impose à ses clients des obligations d’achats exclusifs ou leur accorde des rabais conditionnels si leur achat dépasse un certain seuil.

b : Sur les ventes liées et groupées

Il s’agit de pratiques par lesquelles une entreprise dominante sur le marché d’un premier produit tend à renforcer sa position sur le marché d’un second produit en pratiquant des ventes liées et groupées, c’est-à-dire en subordonnant la vente d’un produit à l’achat d’un autre produit.

c : Sur la prédation

La Commission vise ici tout comportement dit « prédateur » d’une entreprise dominante, qui consiste pour celle-ci à fixer un prix inférieur pour tout ou partie de sa production au cours d’une période considérée et à subir des pertes qui auraient pu être évitées, et qui pourront ensuite être récupérées par une augmentation des prix.

d : Sur le refus de fourniture

Enfin, sera examiné tout refus, par une entreprise dominante, d’approvisionner un acheteur en produit ou service objectivement nécessaire à la fabrication d’un autre produit ou à la fourniture d’un autre service, proposé sur un marché en aval, lorsque cette pratique sera susceptible de conduire à l’élimination d’une concurrence effective sur le marché en aval.

 


[1] CJCE, arrêt Continental Can, 21 février 1973, aff. 6/72, R. p. 215

[2] Parution le 3 décembre 2008, Publication au JOUE n° C 45, 24 février 2009, p.7.