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Publié le 1 janvier 2011 par Laure Marolleau

Allégations de santé : quelques pistes pour y voir plus clair

Jusqu’au Règlement communautaire 1924/2006[1], le contrôle des allégations de santé figurant sur l’étiquetage, la présentation ou la publicité des produits alimentaires ne faisait l’objet, le plus souvent, que d’un contrôle a posteriori ; en France, la Direction Générale de la Concurrence, Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) contrôlait, postérieurement à la mise sur le marché du produit, si l’allégation litigieuse répondait à l’obligation générale de publicité non trompeuse, énoncée à l’article L.121-1 du Code de la consommation.

Désormais et depuis le règlement 1924/2006 (applicable depuis le 1er juillet 2007), un contrôle a priori a été institué : les allégations de santé doivent être impérativement et expressément autorisées par la Commission européenne et inscrites sur le registre des allégations validées avant d’être utilisées.

Quelle allégation de santé pour quel contrôle ?

L’article 2 du Règlement 1924/2006 définit l’allégation de santé comme « toute allégation qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé ».

La procédure de contrôle à laquelle doit se soumettre un industriel varie selon la « nature » de l’allégation de santé invoquée :

  • si l’allégation s’apparente à une « allégation de santé générique fonctionnelle », elle doit figurer sur la liste préétablie des allégations de cette nature autorisées[2], laquelle porte, à ce jour, sur 4637 allégations génériques fonctionnelles ; étant précisé que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) espère terminer son examen des allégations génériques fonctionnelles prioritaires en juin 2011. L’industriel n’a pas, s’agissant d’une telle allégation, à formuler une demande d’autorisation individualisée mais doit respecter l’intitulé exact de l’allégation autorisée et les conditions d’utilisation éventuellement prescrites par la Commission.[3]
  • si l’allégation de santé invoquée porte sur le développement et la santé infantiles ou a trait à la réduction d’un risque de maladie, elle doit faire l’objet d’une demande individuelle d’autorisation, soumise à une procédure beaucoup plus complexe et au résultat très aléatoire.

Quelle procédure doit suivre la demande d’autorisation ?

La procédure d’autorisation fait intervenir plusieurs acteurs à l’échelon national et communautaire : dans l’ordre, la DGCCRF, l’AESA et la Commission européenne.

La DGCCRF contrôle l’admissibilité de la demande

Avant de transmettre la demande d’autorisation à l’AESA, la DGCCRF doit s’assurer qu’elle est complète et que :

  • sur le plan formel, la demande adopte le format imposé par les autorités européennes (5 parties et 3 Annexes A, B, C) et qu’elle est accompagnée de l’ensemble des éléments la supportant ;
  • sur le plan du fond, la demande n’a trait qu’à une seule allégation de santé, que celle-ci se fonde sur les dispositions pertinentes du Règlement et que le risque de maladie et la population ciblée sont bien identifiés.

La demande n’est transmise à l’AESA que lorsqu’elle satisfait l’ensemble de ces conditions de forme et de fond.

L’AESA examine le bien-fondé de la demande en fonction de critères exclusivement scientifiques

L’autorisation d’une allégation de santé repose entièrement sur les preuves scientifiques qui la sous-tendent.

Pour orienter les industriels sur la nature et la portée des preuves scientifiques requises, plusieurs outils ont été créés : l’AESA a notamment adopté, en 2007, un document d’orientation pour la préparation et la présentation de la demande d’autorisation ; le règlement 353/2008[4] de la Commission fournit d’autres éléments-clefs relatifs aux preuves scientifiques admises. Bien que la pratique de l’AESA soit encore récente, la lecture attentive des avis qu’elle rend est également assez instructive sur le niveau élevé des attentes de cette autorité en matière de preuves scientifiques.

A titre d’illustration de ce niveau d’exigence, l’AESA considère que :

  • « les extraits de publications et articles parus dans les journaux, revues, lettres d’information ou communiqués qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation par des pairs ne peuvent être cités », ainsi que « les ouvrages ou chapitres d’ouvrages grand public ou destinés aux consommateurs [5] » ;
  • les études faites sur les animaux ou in vitro de même que les articles publiés dans des revues spécialisées, les  articles  publiés sur Internet  par des  scientifiques etc. ne suffisent pas à moins qu’ils ne viennent supporter les études faites sur l’homme, lesquelles constituent les preuves scientifiques par excellence[6].

Alors que sur les allégations fonctionnelles génériques, l’AESA a d’ores et déjà rendu des milliers d’avis, seuls 73 avis – pour la plupart négatifs – ont été rendus, à ce jour, s’agissant des allégations de santé relatives à la réduction d’un risque de maladie ou relatives au développement et à la santé infantiles.

Bien qu’il ne soit pas possible de faire ici la synthèse de tous les avis négatifs rendus par l’AESA, on peut dégager les principales raisons ayant motivé le rejet des autorisations demandées.

A la lecture de ces avis, il ressort que l’évaluation de l’AESA repose sur trois questions principales auxquelles il convient de répondre positivement pour espérer voir sa demande d’autorisation acceptée :

  1. Le nutriment ou la substance sur laquelle porte l’allégation et l’effet allégué est-il/elle identifiable ? cette condition est remplie si le nutriment est suffisamment caractérisé quant à son procédé de fabrication, son origine, sa composition etc.
  2. L’effet allégué est-il bénéfique ? cette preuve est difficile à rapporter car elle suppose que l’étude scientifique isole suffisamment la substance/le nutriment, dans sa composition, pour s’assurer que l’effet allégué peut être exclusivement attribué à tel ou tel agent de la substance ou nutriment testé. Cela est délicat dans la mesure où le nutriment/la substance est souvent constitué de plusieurs agents qu’il peut être difficile d’isoler.
  3. Est-il possible d’établir à partir des éléments scientifiques supportant la demande une relation de cause à effet entre la consommation de ce nutriment ou de cette substance et l’effet allégué (pour la population ciblée et dans les conditions d’utilisation proposées par le demandeur) ?

La plupart des demandes d’autorisation se heurtent surtout à la difficulté d’établir la relation de cause à effet (3) :

  • l’échantillon de personnes sur lesquelles sont réalisées les études scientifiques doit être suffisamment représentatif de la population ciblée par l’allégation demandée[7] ;
  • l’étude scientifique doit porter strictement sur les spécifications de composition de la denrée alimentaire soumise à autorisation[8] ;
  • les résultats obtenus doivent être significatifs, faute de quoi l’AESA conclura qu’aucune conclusion scientifique ne peut en être tirée.

La Commission européenne prend la décision finale d’autorisation

Les avis de l’AESA étant donnés à titre purement consultatif, il appartient à la Commission (CPCASA, Comité Permanent de la Chaîne Alimentaire et de la Santé Animale) d’autoriser ou de refuser l’allégation.

En pratique, la Commission suit, le plus souvent, les avis rendus par l’EFSA.

Quelles sanctions ?

Le décret n°2009-532[9] prévoit que les dispositions du règlement communautaire 1924/2006 constituent les mesures d’exécution prévues à l’article L 214-1 du Code de la consommation relatif à la conformité et à la sécurité des produits et des services.

Par conséquent, et en application de l’article L214-2 de ce même code, les infractions au règlement communautaire « qui ne se confondront avec aucun délit de fraude ou de falsification prévu par les articles L213-1 à L213-4 et L214-1 (7°), seront punies comme contraventions de 3e classe » (pouvant aller jusqu’à 450 euros).

Comment distinguer les infractions au règlement constitutives du délit de tromperie au sens de l’article L.213-1 (et, de fait passibles d’une amende de 37500 euros et d’une peine de prison de deux ans maximum) de celles qui seront punies par de simples contraventions de 3ème classe ?

La distinction entre les deux types d’infractions tient essentiellement à l’élément intentionnel. Lorsqu’il fait défaut, l’infraction en cause est punie par la seule contravention de troisième classe.

Il est ainsi possible d’imaginer que l’industriel qui produirait, à l’appui de sa demande d’autorisation, des études scientifiques faussées ou volontairement tronquées, pourrait être incriminé du chef de tromperie, l’élément intentionnel étant caractérisé dans de telles circonstances. De même, et dans la mesure où le Règlement n’autorise que l’utilisation d’allégations expressément autorisées, l’infraction consistant en l’utilisation de toute autre allégation pourrait être assimilée à de la publicité trompeuse (article L.121-1) punie des sanctions prévues à l’article L.213-1du Code de la consommation. Dans d’autres cas où l’élément intentionnel serait plus difficile à établir, les infractions au règlement pourraient plus probablement être sanctionnées par une contravention de troisième classe (étant précisé que le montant de l’amende peut être multiplié par le nombre d’infractions en cause).

Le contrôle des allégations de santé ayant été substantiellement renforcé par le règlement communautaire 1924/2006, il est nécessaire pour les industriels d’intégrer cette contrainte dans leur marketing alimentaire bien en amont du lancement du produit.

L’allégation de santé envisagée doit avoir été soumise à une batterie d’études scientifiques très sérieuses, ce qui peut représenter un investissement financier très lourd (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros pour des essais cliniques). En outre, la rédaction de l’allégation doit avoir été faite avec beaucoup de soin, de manière claire et compréhensible pour le consommateur moyen. 

Toujours est-il qu’il est recommandé la plus grande prudence à tout industriel désireux de faire état d’une quelconque allégation de santé, sachant qu’il est toujours possible et préférable de retirer sa demande d’autorisation, qui ne serait pas suffisamment aboutie, plutôt que de se voir opposer un refus sans appel[10].

 


[1] Règlement (CE) n°1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.

[2] Sont considérées comme des allégations de santé génériques fonctionnelles, les allégations faisant état du rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans (i) la croissance, le développement et les fonctions de l’organisme, (ii) les fonctions psychologiques et comportementales, (iii) l’amaigrissement et le contrôle du poids, la satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire.

[3] Sous réserve que l’allégation ne soit pas basée sur des preuves scientifiques nouvellement établies et/ou ne contienne pas une demande de protection de données relevant de la propriété exclusive du demandeur. Dans ce cas, une demande d’autorisation est nécessaire.

[4] Règlement (CE) n°353/2008 de la Commission du 18 avril 2008 fixant les dispositions d’exécution relatives aux demandes d’autorisation d’allégations de santé prévues à l’article 15 du Règlement (CE) n°P1924/2006 du Parlement européen et du Conseil.

[5] Art. 7 de l’Annexe au Règlement 353/2008 précité.

[6] Question n° EFSA-Q-2009-00751, avis adopté le 9 juillet 2010 : avis négatif, en l’absence d’études chez l’homme.

[7] Les études scientifiques ne sont pas considérées comme représentatives lorsqu’elles portent sur des échantillons, soit d’enfants avec des spécificités comme une intolérance au lactose, soit sur des échantillons d’adultes (question n°EFSA –Q-2008-283, avis adopté le 22 janvier 2009).

[8] Pour une allégation relative à une combinaison de Bifidobacterium bifidum, Bifidobacterium breve, Bifidobacterium infantis, Bifidobacterium longum, l’AESA a souligné que l’étude devait impérativement portée sur cette combinaison de bactéries (Question n° EFSA-Q-2009-00224, avis adopté le 4 décembre 2009).

[9] Décret n°2009-532 du 12 mai 2009 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires et l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires.

[10] Pour rappel, il est toujours possible de retirer une demande tant que l’Autorité n’a pas adopté son avis (à cette fin, il faut introduire une requête auprès de la DGGCCRF (cf. article 7 du Règlement 353/2008)).