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Publié le 29 août 2016 par Soulier Avocats

Après le crowdfunding, le prêt interentreprises

Pour pallier la frilosité des banques de moins en moins enclines à participer au financement des microentreprises, petites et moyennes entreprises, et entreprises de taille intermédiaire, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ou « loi Macron », crée une nouvelle dérogation au monopole bancaire, en permettant à certaines sociétés de consentir, sous certaines conditions, des prêts à court terme.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques crée, pour pallier la frilosité des banques à l’origine déjà de la généralisation du crowdfunding[1], une nouvelle dérogation au monopole bancaire institué par l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier[2], en autorisant les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes, de consentir, « à titre accessoire à leur activité principale », des prêts à moins de deux ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire « avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant »[3].

1. Caractéristiques du prêteur et de l’emprunteur

1.1. Caractéristiques du prêteur

Le prêteur doit être une société par actions ou une société à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes, et remplir les conditions suivantes[4] :

  1. A la date de clôture de chacun des deux exercices comptables précédant la date d’octroi du prêt, les capitaux propres du prêteur doivent être supérieurs au montant du capital social et l’excédent brut d’exploitation doit être positif ;
  2. La trésorerie nette définie comme la valeur des actifs financiers courants à moins d’un an, minorée de la valeur des dettes financières courantes à moins d’un an, constatée à la date de clôture de chacun des deux exercices comptables du prêteur précédant la date d’octroi du prêt doit être positive ;
  3. Le montant en principal de l’ensemble des prêts ainsi accordés par une même entreprise au cours d’un exercice comptable ne peut être supérieur à un plafond égal au plus petit des deux montants suivants :
    1. 50 % de la trésorerie nette ou 10 % de ce montant calculé sur une base consolidée au niveau du groupe de sociétés auquel appartient le prêteur ;
    2. 10 millions d’euros, 50 millions d’euros ou 100 millions d’euros pour les prêts accordés respectivement par une petite ou moyenne entreprise, une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise ;
  4. Le montant en principal de l’ensemble des prêts accordés par une même entreprise à une autre entreprise au cours d’un exercice comptable ne peut être supérieur au plus grand des deux montants suivants :
    1. 5 % du plafond défini au point 3 ci-avant ;
    2. 25 % du plafond défini au point 3 ci-avant dans la limite de 10 000 euros.

L’activité de crédit résultant de l’octroi de prêts dans les conditions ainsi fixées doit être accessoire à l’activité principale du prêteur.

1.2. Caractéristiques de l’emprunteur

L’emprunteur doit être une microentreprise, une petite ou moyenne entreprise, ou une entreprise de taille intermédiaire.

L’article 3 du décret du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique définit ces entreprises comme suit :

  • La catégorie des microentreprises est constituée des entreprises qui occupent moins de 10 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros ;
  • La catégorie des petites et moyennes entreprises est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ;
  • La catégorie des entreprises de taille intermédiaire est constituée des entreprises qui n’appartiennent pas à la catégorie des petites et moyennes entreprises, et qui occupent moins de 5 000 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros.

 

2. Caractéristiques de la relation prêteur / emprunteur

2.1. Définition des liens économiques requis

Un prêt interentreprises peut être octroyé lorsque le prêteur ou un membre de son groupe[5], d’une part, et l’emprunteur ou un membre de son groupe, d’autre part, sont économiquement liés selon l’une ou l’autre des modalités suivantes[6] :

  • Ils sont membres d’un même groupement d’intérêt économique ou d’un même groupement attributaire d’un marché public ou d’un contrat privé prévu par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
  • Une des parties a bénéficié, au cours des deux derniers exercices, ou bénéficie d’une subvention publique dans le cadre d’un même projet associant les deux entités et, le cas échéant, d’autres entités, et remplissant les critères suivants :
    • Le projet doit avoir été labellisé par un pôle de compétitivité au sens de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 ;
    • Une subvention doit avoir été accordée par (i) la Commission européenne ou par toute entité à qui la Commission européenne a délégué ce rôle ; (ii) une région ou par toute entité à qui la région a délégué ce rôle ; ou (iii) l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Agence nationale de la recherche, ou la Banque publique d’investissement ;
  • L’emprunteur ou un membre de son groupe est un sous-traitant direct ou indirect, au sens de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, du prêteur ou d’un membre de son groupe agissant en qualité d’entrepreneur principal ou de sous-traitant ou de maître de l’ouvrage[7];
  • Le prêteur ou un membre de son groupe a consenti à l’emprunteur ou un membre de son groupe une concession de licence d’exploitation de brevet, une concession de licence d’exploitation de marque, une franchise ou un contrat de location-gérance;
  • Le prêteur ou un membre de son groupe est client de l’emprunteur ou d’un membre de son groupe. Dans ce cas, le montant total des biens et services acquis au cours du dernier exercice clos précédant la date du prêt ou au cours de l’exercice courant dans le cadre d’une relation contractuelle établie à la date du prêt est d’au moins 500 000 euros ou représente au minimum 5 % du chiffre d’affaires de l’emprunteur ou du membre de son groupe concerné au cours du même exercice ;
  • Le prêteur ou un membre de son groupe est lié indirectement à l’emprunteur ou un membre de son groupe par l’intermédiaire d’un tiers, avec lequel le prêteur ou un membre de son groupe et l’emprunteur ou un membre de son groupe, chacun pour ce qui le concerne, ont eu une relation commerciale au cours du dernier exercice clos précédant la date du prêt ou ont une relation commerciale établie à la date du prêt. Dans le cadre de cette relation commerciale, les biens et services acquis par le client auprès du fournisseur au cours du dernier exercice clos précédant la date du prêt ou au cours de l’exercice courant dans le cadre d’une relation établie à la date du prêt est d’au moins 500 000 euros ou représente au minimum 5 % du chiffre d’affaires du fournisseur.

2.2. Limitations

Le prêt consenti ne doit toutefois ni (i) placer l’emprunteur en état de dépendance économique contraire aux dispositions du second alinéa de l’article L. 420-2 du Code de commerce, ni (ii) avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du Code de commerce.

 

3. Formalisme à respecter

3.1. Respect de la procédure des conventions dites « réglementée »

Les prêts ainsi accordés sont formalisés dans un contrat de prêt, soumis au régime des conventions dites « réglementées », visé, selon le cas, aux articles L. 225-38 à L. 225-40 ou L. 223-19 et L. 223-20 du Code de commerce.

3.2. Intervention du commissaire aux comptes

Le montant des prêts consentis est communiqué dans le rapport de gestion et fait l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes.

Le commissaire aux comptes est avisé annuellement des contrats de prêts en cours ainsi consentis. Dans une déclaration jointe au rapport de gestion, le commissaire aux comptes atteste, pour chaque contrat, du montant initial et du capital restant dû de ces contrats de prêts ainsi que du respect des dispositions qui les régissent[8].

 

[1] Cf. article intitulé « Le crowdfunding à la française » publié dans notre e-newsletter de janvier 2015.

[2] Cet article interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit « à titre habituel ».

[3] Article 167 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, modifiant l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier.

[4] Article 1 du décret du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises, créant l’article R. 511-2-1-2.

[5] Le groupe s’entend ici de l’ensemble des entreprises entrant dans le même périmètre de consolidation au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce lorsque l’organisation de la trésorerie de ces entreprises s’établit au niveau du groupe.

[6] Décret n° 2016-501 du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises.

[7] Étant précisé que tout prêt mis en place dans ce cadre ne saurait affecter ou se substituer aux obligations du prêteur ou du membre concerné de son groupe agissant en qualité d’entrepreneur principal, de sous-traitant ou de maître de l’ouvrage.

[8] Article 1 du décret n° 2016-501 du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises, créant l’article R. 511-2-1-3.