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Publié le 27 avril 2018 par Soulier Avocats

Déséquilibre significatif : sur la preuve de l’absence de négociation effective des clauses abusives

Par une décision du 16 février 2018, la Cour d’appel de Paris rappelle que la partie victime d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce doit démontrer l’absence de pouvoir réel de négociation des clauses incriminées, notamment en présence d’une convention-type ou d’un contrat d’adhésion. A défaut, les demandes formées sur ce fondement doivent être rejetées.

Pour rappel, l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce sanctionne le fait, pour un opérateur économique, « de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Le premier élément constitutif de cette pratique restrictive de concurrence est la soumission ou la tentative de soumission, dont la Cour d’appel de Paris vient préciser à nouveau les conditions de caractérisation dans la décision commentée[1].

En l’espèce, la partie demanderesse soutient que l’insertion de clauses abusives dans un contrat d’adhésion peut constituer une tentative de soumission par l’autre partie au sens de l’article 442-6, I, 2° du code de commerce.

La partie défenderesse argue de son côté :

  • Qu’elle n’a jamais exercé aucune contrainte sur son cocontractant et qu’elle n’a pas refusé de négocier avec ce dernier les clauses du contrat ;
  • Que leurs relations contractuelles ne traduisent aucun rapport de force économique en sa faveur puisqu’elle n’est pas un partenaire incontournable pour son cocontractant ; et
  • Que son cocontractant ne lui a jamais fait part de sa volonté de négocier les termes du contrat.

Retenant que les allégations de la partie demanderesse ne sont démontrées par aucune pièce ni aucun élément, la Cour d’appel de Paris juge expressément que celle-ci « n’établit pas que le contrat lui ait été imposé ni qu’elle n’ait pas eu la possibilité de le négocier comme cela a été dit précédemment alors qu’elle est une professionnelle avertie de la vente en ligne et qu’elle avait tout loisir d’utiliser d’autres plateformes en l’absence de clause d’exclusivité ».

En conséquence, les juges d’appel rejettent les demandes formées sur le fondement de l’article L. l’article 442-6, I, 2° du code de commerce.

La Cour d’appel rappelle ainsi par cette décision que la charge de la preuve de l’élément de soumission ou de tentative de soumission à un déséquilibre significatif incombe à la partie qui s’en prétend victime. La démonstration de l’absence de négociation effective des clauses litigieuses devant être étayée par des éléments justificatifs suffisamment probants.

Il est en outre rappelé par cette décision que l’existence d’un contrat d’adhésion ne suffit pas à caractériser la preuve de l’absence de pouvoir réel de négociation des clauses abusives. Il doit être prouvé que les clauses litigieuses n’ont pas été négociées en raison de l’exclusion de toute possibilité de négociation.

Cette exigence accrue dans la preuve de la soumission ou la tentative de soumission à un déséquilibre significatif est une position déjà adoptée par la Cour d’appel de Paris dans une autre décision récente rendue dans le secteur de la grande distribution.

Par un arrêt du 20 décembre 2017[2], la Cours d’appel a ainsi considéré en particulier que « l’insertion de clauses « déséquilibrées » dans un contrat-type ne peut suffire en soi à démontrer cet élément, seule la preuve de l’absence de négociation effective pouvant l’établir, la soumission ne pouvant être déduite de la seule puissance de négociation du distributeur, in abstracto. »

Les juges d’appel avaient pris le soin de préciser avant cette décision que la seule considération de la structure d’ensemble fortement déséquilibrée du marché de la grande distribution ne peut pas suffire à démontrer l’élément de soumission ou de tentative de soumission d’une clause du contrat, même si ce contrat est un contrat-type, et qu’un tel indice doit être complété par d’autres indices. 

Ces décisions viennent manifestement confirmer la nécessaire appréciation in concreto par le juge des relations contractuelles entre partenaires commerciaux.

 

[1] CA Paris, 16 février 2018, n°16/05737

[2] CA Paris, 20 décembre 2017, n°13/04879