menu
Actualités
Publié le 23 décembre 2015 par Soulier Avocats

Pénalités de retard de paiement et capitalisation des intérêts

Par un arrêt du 10 novembre 2015, la Cour de cassation a confirmé que les pénalités de retard de paiement prévues par l’article L. 441-6 du Code de commerce constituent des intérêts moratoires.

Ces pénalités peuvent par conséquent être assujetties à la capitalisation des intérêts au titre de l’article 1154 du Code civil.

L’article L. 441-6 du Code de commerce, qui détermine le contenu des conditions générales de vente et le plafond des délais de paiement, prévoit notamment que les conditions de règlement doivent préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture.

Ces pénalités sont égales au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, sauf stipulation spécifique entre les parties. Les pénalités de retard de paiement ne peuvent cependant pas être fixées à un taux inférieur à trois fois le taux de l’intérêt légal.

La question s’est posée dans cette affaire de savoir si la nature des pénalités de retard prévues par L. 441-6 du Code de commerce permet de les soumettre à la capitalisation des intérêts au titre de l’article 1154 du Code civil.

On rappellera ici que la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1154 du Code civil, applicable aux intérêts conventionnels ainsi qu’aux intérêts légaux (ou intérêts moratoires), signifie que les intérêts échus des capitaux peuvent eux-mêmes produire des intérêts (étant précisé que cette capitalisation n’est possible que si les intérêts sont dus depuis au moins un an).

Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt[1], se prévalant du non-règlement de factures de marchandises par un acheteur, un fournisseur a obtenu une ordonnance d’injonction de payer à laquelle l’acheteur a fait opposition. L’arrêt d’appel a fait droit à la demande de paiement du fournisseur et a assujetti les pénalités de retard de 10,65 % et 10,38 % par an (sur la base des taux d’intérêt applicables en 2010 et 2011, majorés de dix points) à la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1154 du Code civil[2].

Dans le cadre du pourvoi formé par l’acheteur, ce dernier reprochait aux juges du fond d’avoir assorti la pénalité de l’article L. 441-6 du Code de commerce de la capitalisation des intérêts en ce qu’elle n’avait pas selon lui la nature d’intérêts moratoires et qu’il en résultait que l’article 1154 du Code civil ne lui était pas applicable.

Aux termes de son arrêt du 10 novembre 2015, la Cour de cassation a confirmé la solution retenue par la Cour d’appel en retenant expressément que « la pénalité de retard prévue par l’article L. 441-6 du code de commerce constituant un intérêt moratoire, la cour d’appel a pu l’assortir de la capitalisation prévue par l’article 1154 du code civil » conformément à la demande du fournisseur impayé. 

Il ressort ainsi de cet arrêt que les pénalités de retard prévues par l’article L. 441-6 du Code de commerce constituent des intérêts moratoires et qu’elles peuvent dès lors être capitalisées.

On relèvera cependant que la Cour de cassation a, au visa de l’article L. 441-6 du Code de commerce, censuré l’arrêt d’appel qui avait condamné le débiteur à des pénalités de retard à compter du 9 juillet 2010, « après avoir constaté que les panneaux de bois, objet des factures litigieuses, commandés au mois d’avril 2010, avaient été livrés au mois de juillet 2010 ».

La Haute juridiction a reproché à la Cour d’appel de s’être déterminée ainsi « sans constater que les conditions générales applicables entre les parties ou qu’un accord conclu par les organisations professionnelles du secteur concerné faisaient exception au délai de règlement de trente jours prévu par le texte susvisé ». Selon la Cour de cassation, les juges du fond auraient en effet dû vérifier si le délai de règlement de principe de trente jours à compter de la date de réception des marchandises n’avait pas été écarté en l’espèce par des dispositions spécifiques convenues entre les parties ou par un accord professionnel comme le prévoit l’article L. 441-6 du Code de commerce.

 

[1] Cass. Com., 10 novembre 2015, n°14-15.968

[2] CA Nancy, 27 novembre 2013, n°12/02367