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Publié le 1 novembre 2012 par Soulier Avocats

Dissolution judiciaire pour mésentente entre associés

Malgré son importance, la question de la gestion d’un éventuel conflit entre associés ou blocs d’associés en cours de vie sociale est rarement anticipée. Pourtant, une telle situation, fréquente en pratique, peut être lourde de conséquences et entraîner, en cas de paralysie du fonctionnement de la société, la dissolution de celle-ci.

C’est d’ailleurs ce que vient de rappeler la Cour de cassation[1], en prononçant la dissolution judiciaire d’une holding et de sa filiale, après avoir constaté que la mésentente entre les deux blocs d’associés égalitaires de la holding mettait en péril la pérennité du groupe.

Le capital de la société Saumuroise de participations est détenu majoritairement par la société civile Les Terres Froides, elle-même détenue à parité par deux groupes d’associés d’une même famille (ci-après les blocs « A » et « B »).

En raison de dissensions importantes, les sociétés du groupe sont placées en 2008 sous mandat judiciaire. Un accord est conclu en juillet 2009, suivi d’une procédure de médiation.

Faisant valoir que cette mésentente se traduit, en dépit de ce qui précède, par une paralysie du fonctionnement de la société Les Terres Froides et, par voie de conséquence, de la société Saumuroise de participations, un associé membre du bloc A demande en justice leur dissolution, sur le fondement de l’article 1844-7, 5° du Code civil[2].

Deux associés membres du bloc B s’y opposent, en invoquant :

  • Le renouvellement de la composition des organes sociaux des sociétés, par la nomination de membres extérieurs, afin de restaurer le fonctionnement desdites sociétés et de favoriser la recherche d’un acquéreur potentiel pour l’ensemble du groupe ;
  • Le rétablissement du fonctionnement normal des organes sociaux des deux sociétés, ainsi qu’en témoignent notamment les procès-verbaux des assemblées générales et réunions du Directoire tenues depuis 2009, et ce, malgré le gel provisoire du projet de cession susvisé.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les associés membres du bloc B et confirme la décision prise par la Cour d’appel de Grenoble[3], qui avait prononcé la dissolution des deux sociétés, après avoir constaté que :

  • L’échec de la procédure de médiation montre que les termes de l’accord susvisé, intervenu en 2009, n’ont pas, ou plus, vocation à être exécutés ;
  • Le fait que les associés qui s’opposent aient conclu devant la Cour d’appel chacun de leur côté au nom des deux sociétés révèle le maintien de deux blocs antagonistes ;
  • Les débats relatifs à la gouvernance, qui se sont tenus fin 2010 et début 2011, montrent que les dissensions persistent et que ce blocage structurel, tenant à la répartition de l’actionnariat, « a pour effet de mettre en cause la pérennité du groupe ».

Cet arrêt vient confirmer la nécessité de mettre en place, dès la constitution de la société, les mécanismes contractuels adéquats en présence d’une situation de blocage. Ces mécanismes, intégrés dans un pacte d’associés, peuvent prendre la forme de promesses unilatérales de vente et/ou d’achat, clauses d’exclusion ou de retrait, ou clauses dite de « buy or sell ».

La clause de « buy or sell » (ou clause d’offre alternative, clause texane, ou encore clause « shot-gun ») demeure la plus adaptée en présence de deux blocs antagonistes, comme ce fut le cas en l’espèce.

Sa mise en œuvre est relativement simple :

En présence d’une situation de crise (qu’il convient de définir très précisément), l’un des associés ou bloc d’associés propose à l’autre associé ou bloc d’associés d’acquérir ses titres à un prix déterminé, généralement par application d’une formule préétablie. Ce dernier a alors la possibilité soit (i) d’accepter l’offre ainsi émise et de céder ses titres aux termes et conditions énoncés dans l’offre, soit (ii) de refuser celle-ci et d’acquérir les titres de l’associé ou bloc d’associés offrant au prix proposé par ce dernier.

Ce type de clause, compte tenu de ses effets et de son issue incertaine, a le mérite de « provoquer » la négociation amiable et est un mode simple de résolution des dissensions entre associés ou blocs d’associés égalitaires.


 

[1] Cass. com., 9 oct. 2012, n° 11-21.761, n° 989 F-D

[2] « La société prend fin : […]
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas […] de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. »

[3] CA Grenoble, 31 mars 2011