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Publié le 11 août 2020 par Soulier Avocats

La Cour d’appel de Paris confirme que la pandémie de Covid-19 constitue un cas de force majeure

Le 28 juillet 2020, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le litige entre EDF et TOTAL DIRECT ENERGIE concernant la suspension par cette dernière, en raison de la pandémie de Covid-19, du contrat-cadre d’achat d’électricité d’origine nucléaire qu’elles avaient conclu.

La Cour d’appel confirme l’ordonnance rendue par le Tribunal de Commerce de Paris le 20 mai dernier et conclut à son tour que la pandémie de Covid-19 constitue un cas de force majeure justifiant la suspension par TOTAL DIRECT ENERGIE de l’accord-cadre dès la survenance de cet évènement. 

Pour mémoire, les sociétés EDF et TOTAL DIRECT ENERGIE s’opposaient sur le fait que la pandémie de Covid-19 puisse constituer un cas de force majeure devant suspendre l’accord-cadre d’achat d’électricité conclu entre elles au titre de l’ARENH (« Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique »).

En particulier, TOTAL DIRECT ENERGIE soutenait que le refus d’EDF de reconnaître la survenance de la pandémie de Covid-19 comme étant un cas de force majeure et de suspendre le contrat-cadre constituait un trouble manifestement illicite. EDF considérait quant à elle que sa cocontractante ne faisait pas face à une impossibilité d’exécuter mais souhaitait simplement remettre en cause l’accord.

Le 20 mai 2020, le Président du Tribunal de commerce de Paris statuant en référé avait considéré que les conditions de la force majeure prévue par l’accord-cadre signé par EDF et TOTAL DIRECT ENERGIE étaient réunies et avait ordonné à EDF d’accepter la suspension de cet accord-cadre[1].

Comme annoncé, EDF a interjeté appel de cette ordonnance.

Par son arrêt du 28 juillet, la Cour d’appel de Paris confirme donc cette décision en retenant que la pandémie de Covid-19 doit être considérée comme un cas de force majeure – avec l’évidence requise en référé – au regard de la définition large contractuellement prévue et que le refus d’EDF d’interrompre la cession d’électricité constitue un trouble manifestement illicite.

Outre cette confirmation, la Cour apporte également quelques précisions et rappels bienvenus.

Tout d’abord, aux termes d’un attendu de principe, la Cour d’appel souligne que « le refus pour une partie d’exécuter une disposition du contrat ne souffrant d’aucune difficulté d’interprétation est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite dès lors que le comportement de cette partie remet en cause de manière flagrante le principe de la force obligatoire des contrats et est contraire au principe selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même ».

Une fois ce principe rappelé, la Cour adopte une approche plus pragmatique.

Tout d’abord, elle indique que bien que d’origine réglementaire – puisque encadré par l’arrêté du 28 avril 2011[2] – ce contrat-cadre ne lie que EDF et TOTAL DIRECT ENERGIE et est donc un contrat de droit privé. Elle relève à cet égard que la nature de droit privé de ce contrat est confirmée par la compétence qu’il attribue au Tribunal de commerce de Paris.

La Cour exclut ainsi tout débat remettant en cause la portée de cette décision en raison de la nature spécifique de la relation contractuelle entre TOTAL DIRECT ENERGIE et EDF.

Ceci précisé, la Cour analyse le mécanisme contractuel spécifiquement prévu et énonce qu’il est d’effet automatique dans la mesure où il prévoit clairement que la suspension du contrat prend effet dès la survenance d’un évènement de force majeure laquelle entraîne « de plein droit » l’interruption de la cession annuelle d’électricité.

Plus encore, la Cour retient que cette « temporalité » est adaptée à ce type de contrat et qu’elle est « manifestement en lien avec l’impossibilité matérielle de stocker l’électricité livrée et qui ne pourrait être vendue de sorte qu’aucun retard n’est envisageable ». Elle considère ainsi que la clause est « parfaitement bilatérale » et équilibrée en ce qu’elle préserve les droits de chacune des parties.

Dans ces circonstances, elle conclut que la force majeure étant caractérisée, il appartiendra à EDF de démontrer devant les juges du fond que la clause a été mise en œuvre à tort par TOTAL DIRECT ENERGIE.

EDF a d’ores et déjà indiqué qu’elle n’excluait pas de se pourvoir en cassation.

Affaire à suivre donc.


[1] Cf. notre article intitulé Le Tribunal de Commerce de Paris considère que le Covid-19 constitue un cas de force majeure publié sur notre Blog en mail 2020

[2] Cet arrêté a été pris en application de l’article 4-1 II de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité