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Publié le 1 mai 2009 par Jean-Luc Soulier

La nouvelle reponsabilité environnementale de l’exploitant : publication du décret d’application de la loi du 1er Août 2008

L’entrée en application de la loi du 1er août 2008  sur la nouvelle responsabilité environnementale de l’exploitant nécessitait l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat relatif à la prévention et la réparation de certains dommages causés à l’environnement. C’est chose faite (D. n° 2009-468 du 23 avril 2009, publié au Journal officiel du 26 avril 2009).

S’agissant du contenu de la loi du 1er août 2008, nous vous invitons à vous reporter à l’article que nous avons publié dans notre e-newsletter d’octobre 2008.

Aux termes de cette loi, un décret en Conseil d’Etat devait déterminer notamment (i) la liste des activités soumises à ce nouveau régime de responsabilité, (ii) les conditions d’appréciation de la gravité d’un dommage à l’environnement et de l’existence d’une menace imminente d’un tel dommage, (iii) le contenu et les conditions de mise en œuvre de mesures de prévention ou de réparation, (iv) les conditions d’information et de consultation du public, des associations pour la protection de l’environnement et des collectivités locales concernées ainsi que des conditions dans lesquelles certaines personnes peuvent être autorisées à réaliser les mesures de réparation prescrites par l’autorité compétente (le préfet) en cas ce défaillance de l’exploitant ou de difficulté dans l’identification du responsable du dommage.

Dans notre article du mois d’octobre 2008, nous exprimions la crainte que ce nouveau régime de responsabilité n’accroisse de manière conséquente les contraintes auxquelles les entreprises relevant de la réglementation des installations classées étaient déjà soumises.

Le décret donne tout d’abord la liste des activités auxquelles la loi du 1er août 2008 s’applique. Celles-ci sont au nombre de douze et couvrent tout le champ des installations classées soumises à autorisation, les opérations de collecte, de transport et de traitement des déchets, le transport de marchandises dangereuses ou polluantes, l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés et la mise sur le marché et la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement.

Le champ d’application de la loi du 1er août 2008 est limité aux atteintes graves à l’environnement. Conformément à la directive européenne du 21 avril 2004, dont la loi est la transposition en droit interne, le décret qualifie de graves les dommages aux espèces et aux habitats qui ont également des incidences démontrées sur la santé humaine.

Le décret décrit ensuite les conditions de mise en œuvre des mesures de prévention et de réparation des dommages causés à l’environnement.

Aux termes de la loi, l’exploitant doit prendre sans délai et à ses frais toutes mesures de prévention et de réparation nécessaires pour éviter la réalisation d’un dommage ou en limiter les effets.

Le décret détaille les informations qui devront être communiquées par l’exploitant au préfet en cas de menace de dommage. Ces mesures incluent notamment l’origine et l’importance de la menace, l’identification des dommages susceptibles d’affecter la santé humaine et l’environnement, les mesures prises par l’exploitant pour écarter ou limiter la menace, l’évolution prévisible de la menace et les éléments qui peuvent permettre de penser que ces mesures ne sont pas de nature à prévenir le dommage.

En cas de dommage réalisé, les informations que l’exploitant doit communiquer au préfet comprennent notamment : l’origine et l’importance du dommage, l’identification des dommages affectant ou susceptibles d’affecter la santé humaine et l’environnement, l’évolution prévisible du dommage et ses conséquences sur la santé humaine et l’environnement, les mesures prises.

Conformément au principe « pollueur-payeur », l’exploitant doit supporter la charge des mesures de prévention et de réparation du dommage  à l’environnement même en l’absence de faute ou de négligence de sa part, c’est-à-dire même s’il a scrupuleusement respecté la réglementation des installations classées (sauf s’agissant des dommages causés aux espèces et habitats protégés qui requièrent l’existence d’une faute ou d’une négligence de l’exploitant pour que sa responsabilité puisse être engagée).

Aux termes du décret, c’est le préfet en tant qu’autorité administrative compétente qui doit veiller au respect de la loi par l’exploitant. Il dispose à cet égard de pouvoirs étendus.

Il a tout d’abord un pouvoir d’instruction des dossiers de prévention et de réparation. Dans ce cadre, il doit notamment consulter les associations de protection de l’environnement ainsi que toute personne directement concernée.

Il peut ensuite prescrire par arrêté motivé toutes mesures de prévention ou de réparation après avoir recueilli les observations de l’exploitant et l’avis du comité départemental de l’environnement. Il fixe le ou les délais de réalisation de ces mesures. Il peut le cas échéant imposer à l’exploitant récalcitrant la consignation d’une somme correspondant au montant des travaux de prévention ou de réparation.

Les associations de défense de l’environnement (même non agréées) et toutes les personnes directement concernées se voient reconnaître la possibilité d’alerter le préfet lorsqu’elles disposent d’éléments sérieux établissant l’existence d’une menace de dommage ou d’un dommage réalisé. Le préfet doit ensuite informer l’association ou la personne concernée de la suite donnée à sa « demande d’action. »

Quelles conséquences peut-on attendre de ce nouveau régime de responsabilité pour l’exploitant ?

Celui-ci est susceptible de se trouver exposé à un risque d’amende s’il ne révèle pas au préfet une menace de dommage à l’environnement, et ce même s’il respecte scrupuleusement la réglementation applicable. Mais une telle menace n’est-elle pas permanente dans le cadre de la plupart des activités industrielles? A quel moment pourra-t-on considérer que la loi a été violée ?

L’institutionnalisation du rôle des associations, qui se voient reconnaître officiellement une sorte de droit d’alerte, ne va-t-elle pas donner des ailes aux environnementalistes les plus radicaux pour qui toutes les activités à caractère industriel sont condamnables ? Quelle sera alors l’attitude du préfet, dont les décisions ont, par nature, une dimension politique, si l’affaire prend un tour médiatique à quelques semaines ou quelques jours d’une élection générale ?

Le risque est grand que des décisions soient prises en toute hâte sans que toutes les études sur la réalité de la menace, ou même du dommage, aient été réalisées au plan scientifique. Trop souvent déjà des interdictions sont prononcées ou des procédures enclenchées au nom du principe de précaution sur la foi d’expertises non officielles bientôt démenties par des études approfondies de l’ Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) ou l’Institut de veille sanitaire (InVS).