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Publié le 1 septembre 2012 par Soulier Avocats

Le casse-tête du régime social des indemnités de rupture

Nouveau durcissement apporté par la loi de finances rectificatives pour 2012 et rappel des règles applicables en l’état actuel des textes

Jusqu’en 2011, les plafonds d’exonération diminuaient régulièrement certes, mais les principes d’exonération par nature demeuraient.

A l’heure du rabotage des niches sociales dans un contexte économique et social difficile, outre la poursuite de la descente vertigineuse des plafonds au-delà desquels les indemnités de rupture sont assujetties, on constate :

  • depuis le 1er janvier 2011 : une désolidarisation du régime fiscal et social des indemnités de rupture,
  • depuis le 1er janvier 2011 : la fin du régime d’exonération absolue des indemnités conventionnelles et légales de licenciement et des indemnités à verser dans le cadre d’une condamnation prud’homale,
  • depuis le 1er janvier 2012 : l’abattement de 3% pour frais professionnels qui était appliqué sur l’assiette de la CSG-CRDS est purement et simplement supprimé pour les indemnités de rupture, le taux applicable est donc de 8%,
  • nouveauté au 1er septembre 2012 : un coup supplémentaire porté aux fameux « parachutes dorés » : les indemnités de rupture versées qui, une fois cumulées, atteignent le plafond absolu de 10 plafonds annuels de sécurité sociale (« PASS »), soit 363.720 euros en 2012, sont soumises à charges sociales et à CSG-CRDS dès le premier euro.

Nouveauté apportée par la loi de finances rectificative pour 2012[1] : les parachutes dorés perdent décidément de leur éclat…

En 2009[2], dans un contexte de pleine crise économique, il avait été beaucoup question de ce premier coup de massue bien légitime porté aux indemnités dites « parachutes dorées » qui devenaient intégralement assujetties à cotisations sociales et à CSG-CRDS au premier euro, dès lors qu’elles dépassaient 1 million d’euros[3].

En 2012, ce nouveau rabotage semble presque passer inaperçu et même s’il s’avère bien nécessaire à l’heure où la Sécurité Sociale cherche à endiguer et limiter son déficit chronique, il n’est pas totalement anodin : désormais et depuis le 1er septembre 2012, les indemnités de licenciement ou de cessation forcée du mandat social sont assujetties en totalité au premier euro, dès que leur montant cumulé atteint 10 fois le PASS[4], soit 363.720 euros en 2012.

Les indemnités concernées sont les indemnités de rupture à l’initiative de l’employeur versées en dehors et dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), les indemnités de mise à la retraite, les indemnités versées à l’occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux et des dirigeants de société, les indemnités de clientèle des VRP, les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d’un PSE ou d’un accord de GPEC, les indemnités versées à l’occasion d’une rupture conventionnelle.

Quand on voit le montant des indemnités conventionnelles de licenciement qui sont d’office dues, en application de certaines conventions collectives de branche (ex : Métallurgie, Banque, Assurances etc.), aux cadres négociant leur départ en fin de carrière, le plafond peut finalement être assez rapidement atteint.

Il convient donc de bien garder en tête le montant de ce nouveau super plafond qui est susceptible de changer la donne dans beaucoup de négociations avec des cadres supérieurs (et non plus seulement les cadres dirigeants).

Retour sur le nouveau régime social des indemnités de rupture depuis la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012[5]

Outre le fait que ce nouveau régime confirme la fin de l’alignement des traitements fiscal et social des indemnités de rupture, il institue (comme l’avait fait la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011) un régime transitoire pour 2012 et un régime définitif qui ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier 2013 (si tant est qu’il ne soit pas modifié d’ici là par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013…).

  • A titre préliminaire : de quelles indemnités de rupture parle-t-on ?

Il s’agit de toutes les indemnités de rupture exonérées en totalité ou partiellement de l’impôt sur le revenu visées à l’article 80 duodecies du Code Général des Impôts (article L. 242-1, al. 12 du Code de la Sécurité Sociale), soit :

  • les indemnités versées pour licenciement abusif, irrégulier ou nul en vertu d’une décision de justice,
  • les indemnités de licenciement versées dans le cadre ou en dehors d’un PSE,
  • les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d’un PSE,
  • Les indemnités transactionnelles,
  • les indemnités de mise à la retraite,
  • les indemnités de rupture conventionnelle pour les salariés qui n’ont pas atteint l’âge d’ouverture du droit à la liquidation de la pension vieillesse (60 ans reportés à 62 ans),
  • les indemnités de cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l’article 80 ter du Code Général des Impôts[6].

Les autres sommes versées à l’occasion de la rupture, en particulier les sommes ayant un caractère de rémunération (indemnités compensatrices de préavis, de congés payés, indemnités de non-concurrence, indemnités de rupture anticipée d’un CDD) et les indemnités de départ volontaire hors PSE etc., sont assujetties dès le premier euro.

Pour la détermination du régime applicable, il est bien évidemment fait masse de l’ensemble des indemnités de rupture perçues, même lorsque les indemnités de licenciement sont versées par plusieurs entreprises.

  • Abaissement de la limite maximale d’exonération de cotisations et de contributions sociales (fin de l’alignement avec le régime fiscal)

Après sa réduction par la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011[7], le plafond d’exonération de cotisations et contributions sociales sur les indemnités de rupture a été une nouvelle fois abaissé par la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

A compter du 1er janvier 2013 (sauf nouvelle réforme), la limite d’exclusion d’assiette de cotisations sociales et de CSG-CRDS passera de trois PASS à deux PASS (à titre de référence uniquement : 72.744 euros en 2012).

Autrement dit, chaque euro versé, à titre d’indemnité de rupture, au delà de ce seuil sera en tout état de cause assujetti.

Ainsi, une indemnité conventionnelle de licenciement généreuse qui était, fut un temps, exonérée par principe de charges sociales dans son intégralité, est désormais facilement susceptible d’être assujettie pour la quote-part excédant 72.744 euros.

En attendant le 1er janvier 2013, un régime transitoire s’applique, dans les conditions suivantes :

  • Les indemnités versées en 2012 au titre d’une rupture notifiée ou intervenant dans le cadre d’un projet de licenciement collectif pour motif économique communiqué aux représentants du personnel au plus tard le 31 décembre 2011, bénéficient d’une exonération de cotisations sociales dans la limite de trois PASS (109.116 euros).
  • En ce qui concerne les indemnités versées en 2012 au titre d’une rupture notifiée ou intervenant dans le cadre d’un projet de licenciement collectif pour motif économique communiqué aux représentants du personnel en 2012, tout dépend du montant de l’indemnité prévue par l’accord collectif de travail (accord interprofessionnel, accord professionnel, convention collective de branche, d’entreprise ou d’établissement) en vigueur au 31 décembre 2011 ou, à défaut, de celui de l’indemnité légale:
  • si le montant de l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement est supérieur à trois PASS (109.116 euros), la limite d’exonération est égale à ce plafond de 109.116 euros,
  • si le montant de l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement est compris entre deux fois le PASS (72.744 euros) et 3 fois le PASS (109.116 euros), la limite d’exonération est égale au montant de l’indemnité conventionnelle ou légale,
  • si le montant de l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement est inférieur à deux PASS (72.744 euros), la limite d’exonération reste alors égale à ce plafond de 72.744 euros.

La franchise fiscale reste quant à elle fixée à 6 PASS (soit 218.232 euros en 2012).

Attention : bien évidemment, ces limites ne sont applicables que sous réserve de ne pas aboutir à une exonération plus favorable que celle en vigueur pour la détermination du montant exonéré d’impôt sur le revenu.

  • Le régime de base applicable, identique à celui servant à la détermination du montant exonéré d’impôt sur le revenu, reste en vigueur

Les limitations applicables en vertu de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale et de l’article 80 duodecies du Code Général des Impôts permettant la détermination du montant exonéré d’impôt sur le revenu restent applicables, comme précédemment, aux indemnités de licenciement hors PSE, aux indemnités transactionnelles, aux indemnités de mise à la retraite, aux indemnités de rupture conventionnelle pour les salariés qui ne peuvent pas liquider leur retraite, aux indemnités de rupture versées en cas de cessation forcée d’un mandat social.

Ainsi, les indemnités de rupture susvisées sont en réalité exonérées de cotisations de sécurité sociale, à hauteur du plus élevé des trois montants suivants:

  • pour ce qui concerne les salariés[8] : le montant de l’indemnité de licenciement prévu par un accord collectif de travail (convention collective de branche etc.) ou, à défaut, par la loi,
  • le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture,
  • la moitié de l’indemnité de rupture versée,

et en tout état de cause dans la limite de deux PASS (ou pour l’année 2012 des limites fixées par le régime transitoire).

NB : en ce qui concerne les indemnités versées dans le cadre d’un PSE et les indemnités versées pour licenciement abusif, irrégulier ou nul en vertu d’une décision de justice, seul le plafond d’exonération à hauteur de deux fois le PASS (ou pour l’année 2012, les limites fixées par le régime transitoire) a lieu de s’appliquer.

  • Quid du régime de la CSG-CRDS ?

On l’a dit, pour les indemnités de rupture, le taux applicable est de 8% depuis le 1er janvier 2012 (plus d’abattement pour frais professionnels).

En dehors des indemnités susmentionnées versées en vertu d’une décision de justice, l’ensemble des indemnités de rupture précitées sont exonérées de CSG-CRDS à hauteur :

  • soit de la quote-part du montant global des indemnités de rupture correspondant

à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, si cette dernière est intégralement exonérée de cotisations de sécurité sociale (tout ce qui est versé au delà de cette indemnité est assujetti à CSG-CRDS même si par ailleurs exonéré de cotisations de sécurité sociale),

  • soit, en tout état de cause, de la quote-part du montant global des indemnités de rupture exclue de l’assiette de cotisations.

La règle est en effet que l’exonération de CSG-CRDS ne peut pas excéder celle applicable aux cotisations de sécurité sociale (article L. 136-2, II 5° du Code de la Sécurité Sociale).

En ce qui concerne les indemnités susmentionnées versées en vertu d’une décision de justice, elles sont assujetties à CSG-CRDS pour la fraction qui dépasse le montant prévu par la Loi (un mois de salaire en cas d’inobservation de la procédure de licenciement, 6 mois en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 12 mois en cas d’inobservation de la procédure de licenciement économique, deux mois en cas de non-respect de la priorité de réembauchage).

En conclusion, outre le fait que le régime social des indemnités de rupture est devenu particulièrement complexe (pour ne pas dire un vrai casse-tête), force est de constater que les zones d’exonération se réduisent à peau de chagrin…et encore, compte-tenu du contexte économique, nous ne sommes pas tout à fait à l’abri d’une nouvelle modification du régime par la prochaine Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Si tel était le cas, espérons que cela sera uniquement pour le simplifier (en supprimant par exemple les divers plafonds actuels et en cantonnant l’exonération à un montant fixe et unique). En tous les cas, il n’existe aujourd’hui plus beaucoup de solutions alternatives pour échapper totalement à l’assujettissement des sommes versées dans le cadre d’une rupture : seuls les dommages et intérêts versés devant un Conseil de prud’hommes en application de l’article 1382 du Code Civil, c’est-à-dire pour compenser un préjudice distinct, semblent encore pouvoir y échapper…mais jusqu’à quand ?

 


[1] Article 30 de la Loi n°2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, modifiant les articles L. 242-1 al. 12 et L. 136-2, II du Code de la Sécurité Sociale

[2] Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 du 17 décembre 2008

[3] 30 fois le plafond annuel de la sécurité sociale soit 1.060.560 euros en 2011

[4] En 2012, le PASS est de 36.372 euros

[5] Loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011 du financement de la sécurité sociale pour 2012

[6] En cas de versement simultané d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail et à la cessation forcée d’un mandat social, il est fait masse de l’ensemble des indemnités.

[7] Loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010 du financement de la sécurité sociale pour 2011 : le plafond était passé de 6 PASS à 3 PASS

[8] hors mandataires sociaux