menu
Actualités
Publié le 29 mai 2023 par Matthieu Blaschczyk

Le contrat de travail peut prévoir une clause de remboursement partiel de la prime d’arrivée en cas de démission

Par un arrêt en date du 11 mai 2023, la Cour de cassation a jugé qu’un contrat de travail peut prévoir l’obligation pour le salarié de rembourser une partie de son « welcome bonus » en cas de démission avant l’échéance prévue pour que ce bonus soit versé intégralement.

Afin d’attirer et de fidéliser des salariés certaines entreprises proposent une prime d’arrivée, appelée également « welcome bonus ».

Néanmoins, bien que le versement intégral d’une telle prime ait généralement lieu à l’occasion de la prise de fonction du salarié ou à l’issue de la période d’essai, l’acquisition de la prime d’arrivée peut être conditionnée contractuellement à la présence du salarié au sein de la société pendant une certaine durée. Le welcome bonus prend alors la forme d’un « retention bous ».

Cette condition de présence a pour conséquence qu’en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, ce dernier a l’obligation de rembourser à la société le prorata de la prime déjà perçue et correspondant au temps restant à courir jusqu’à l’acquisition totale de la prime.

Il a ainsi été demandé à la Cour de cassation de se prononcer sur la licéité d’une telle clause au regard de l’atteinte qu’elle est susceptible de porter à la liberté du travail.

En l’espèce, un salarié avait été embauché par une société à compter du 1er janvier 2016 et avait démissionné de son poste de travail le 16 mars 2017.

Son contrat de travail prévoyait le versement d’une prime d’arrivée d’un montant de 150.000 euros bruts dans les 30 jours de l’entrée en fonction du salarié.

La clause du contrat de travail relative à la prime d’arrivée précisait que dans le cas d’une démission ou d’un licenciement pour faute grave ou lourde avant la fin de la troisième année à compter de la prise de fonction, le salarié pourrait conserver 1/36ème de la prime d’arrivée pour chaque mois complet de travail. En d’autres termes, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié avait l’obligation de rembourser le solde de la prime correspondant au nombre de mois qu’il n’aurait pas passés dans la société entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018.

Le salarié ayant démissionné le 16 mars 2017, la société a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de remboursement partiel de la prime d’arrivée conformément à la clause prévue dans le contrat de travail.

La Cour d’appel n’a pas suivi le raisonnement de la société et a considéré que la clause obligeant un salarié à rembourser le prorata de la prime en cas de démission était illicite dans la mesure où si une telle prime pouvait être subordonnée à une condition d’appartenance du salarié à la société au moment du versement, elle ne pouvait pas être liée à la présence du salarié à une date postérieure à son versement sous peine de porter atteinte à la liberté du travail.

La Cour de cassation quant à elle a donné raison à la société en considérant, dans sa décision du 11 mai 2023[1], que l’obligation de remboursement du prorata de la prime d’arrivée en cas de démission était licite car elle ne porte pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail dès lors que la clause convenue entre les parties a pour objet de fidéliser le salarié et est indépendante de la rémunération de l’activité du salarié.

Par conséquent, en raison de sa démission, le salarié est contraint de rembourser une partie de sa prime d’arrivée correspondant au nombre de mois non travaillés entre sa sortie des effectifs de la société et le 31 décembre 2018.

Cependant, une zone d’ombre persiste concernant la licéité de cette clause contractuelle en cas de licenciement pour faute grave ou lourde du salarié. En effet, le remboursement de la prime pourrait s’analyser en une sanction pécuniaire interdite.

Dans l’attente d’une décision sur ce point, il est recommandé de prévoir un versement échelonné de la prime au cours de la période de « rétention » prévue contractuellement, ceci afin d’éviter un éventuel litige lié à une demande de remboursement du trop-perçu par le salarié.


[1] Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-25.136