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Publié le 1 mars 2007 par Soulier Avocats

L’entreprise et la mobilité géographique du salarié

Comme nombre de clauses du contrat de travail, celles relatives au lieu de travail du salarié et à sa mobilité géographique ont fait l’objet d’évolutions jurisprudentielles qui nous amènent à faire la synthèse sur les possibilités offertes aujourd’hui aux employeurs au regard de la mobilité des salariés.

1. En l’absence de clause de mobilité dans le contrat de travail 

Si l’employeur souhaite procéder à un changement de lieu de travail, il conviendra de déterminer si cette modification s’analyse en une modification des conditions de travail ou en une modification du contrat de travail.

Il est rappelé en effet que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail est considérée comme une simple information, à moins qu’il ne soit expressément mentionné que le salarié travaillera exclusivement en ce lieu.

Le principe consacré par la jurisprudence est qu’il s’agit d’un simple changement des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l’employeur, dès lors que le lieu  de travail est situé dans le même secteur géographique. Dans le cas contraire, il s’agira d’une modification du contrat de travail qui imposera donc l’accord formel du salarié.

Si la notion de secteur géographique reste floue, faute de définition par la Cour de Cassation, cette dernière a cependant précisé que le « changement de lieu de travail doit être apprécié de manière objective » : seront donc pris en compte les localisations des deux lieux de travail (l’ancien et le nouveau) pour déterminer s’ils sont dans le même secteur ou non, sans que le domicile du salarié ou les conséquences sur sa vie personnelle n’interviennent dans l’approche.

Il n’en reste pas moins que cette approche « objective » reste très subjective et soumise au contrôle souverain des juges. Dans un arrêt du 25 janvier 2006, la Cour de Cassation a validé la décision d’une cour d’appel qui avait tenu compte de la distance entre les deux sites et de leur desserte par les transports en commun pour décider que le changement d’affectation constituait bien une modification du contrat et non simplement des conditions de travail. Il est ainsi aujourd’hui impossible d’affirmer que la région parisienne est un seul et même secteur géographique : la cour d’appel de Versailles a estimé que, pour ne pas entraîner de modification de contrat, le changement devait être réalisé dans un « espace géographique plus homogène que l’Ile de France ». 

Cette notion de secteur géographique est cependant écartée dès lors que la mobilité est inhérente aux fonctions (chef de chantier, consultant, par exemple) et s’il s’agit d’une affectation temporaire ou d’un déplacement occasionnel. Il a été jugé qu’une mission de deux mois était bien un déplacement temporaire, mais il ne sera pas toujours aisé de déterminer la limite du caractère temporaire.

Le cas de figure du travail à domicile est aujourd’hui suffisamment précis : la Cour de Cassation a posé le principe en 2001, selon lequel l’employeur ne saurait contraindre son salarié à exercer ses fonctions à domicile. Cette position est bien celle retenue par l’accord national interprofessionnel sur le télétravail du 19 juillet 2005, étendu par arrêté du 30 mai 2006. Cet accord impose très logiquement que la fin du télétravail ne peut intervenir qu’avec l’accord des deux parties. Dans la continuité,  la Cour de Cassation a décidé le 31 mai 2006 que l’employeur n’était pas en droit de mettre fin à ce travail à domicile, y compris quand le contrat de travail prévoit une clause de mobilité.

2. En présence d’une clause de mobilité dans le contrat de travail 

La clause de mobilité permet à l’employeur de modifier le lieu de travail au-delà du secteur géographique sans requérir l’accord du salarié, ce dernier ayant donné par avance son accord.

La jurisprudence a cependant limité le pouvoir de l’employeur. Ainsi la Cour de Cassation a-t-elle précisé dans un arrêt du 7 juin 2006 que la zone géographique dans laquelle le salarié pouvait être muté devait être précisément définie. Cette zone peut être une région ou un périmètre plus large, dès lors qu’il est borné. Du fait de cette exigence de précision, l’employeur ne pourra pas étendre cette zone même s’il s’est réservé cette faculté dans la clause, dans le but par exemple de couvrir les extensions géographiques d’activité de l’entreprise. Impossible en conséquence de prévoir que le salarié pourra être affecté au sein des futurs établissements de l’entreprise, dans la mesure où ils ne seraient pas intégrés au secteur défini dans la clause.

Par ailleurs, la mobilité du salarié ne pourra être mise en œuvre qu’après respect d’un délai de prévenance suffisant, dont la durée variera avec l’ampleur du changement.

Il faut également veiller à ce que la mise en œuvre de cette clause ne puisse pas être considérée comme un abus de droit (par exemple en cas de délai de prévenance très insuffisant au regard des conséquences pour le salarié), ou comme un manquement de l’employeur à la bonne foi contractuelle. Ainsi ont été considérées comme abusives les mutations d’une femme enceinte de sept mois ou d’une salariée mère d’un enfant handicapé dès lors que les postes proposés pouvaient être occupés par d’autres salariés. La Cour de Cassation estime  « qu’il n’est pas de bonne foi contractuelle d’imposer une mutation à un salarié en situation de fragilité familiale ou de santé ».

Enfin, il conviendra de tenir compte, avant de mettre en application une telle clause, des possibles conséquences de la mutation en termes de rémunération. En effet, il est impossible de réduire unilatéralement la rémunération du salarié ce qui pourra être la conséquence d’une mutation pour un salarié ayant une rémunération variable (commissions sur le chiffre d’affaires de son secteur). Aussi dès lors que la mutation entraînera une diminution de la rémunération contractuelle, il faudra requérir l’accord express du salarié.

Il sera également rappelé qu’une telle mobilité ne pourra pas être imposée aux salariés protégés par leur mandat social (représentants du personnel) et que l’employeur devra requérir leur accord express.