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Publié le 29 juin 2018 par Soulier Avocats

Les enjeux juridiques d’une implantation à l’international

Le développement à l’international est, dans bien des cas, une nécessité pour les entreprises souhaitant s’ouvrir à d’autres marchés. Mais se développer à l’international n’est pas sans comporter des risques, notamment juridiques et financiers, qu’il est important d’identifier et d’appréhender dès la phase de réflexion.

Si le choix de la structure juridique ou du mode d’exportation retenu est déterminant, il est également essentiel que l’entreprise concernée ait à l’esprit certains points d’attention de nature juridique.

Cet article fait suite à la conférence que nous avons coorganisée avec la Banque Rhône Alpes le 31 mai dernier sur le thème « Réussir son implantation à l’international : les bons réflexes juridiques et financiers ».

S’implanter ou se développer sur un marché étranger ne s’improvise pas et peut parfois constituer une vraie prise de risque pour l’entreprise qui ne s’est pas suffisamment préparée ou qui n’a pas retenu la structure ou le schéma juridique adapté à son projet et au marché cible.

Une pluralité de possibilités s’offre au chef d’entreprise souhaitant s’engager à l’international. Pour que son implantation soit réussie, il est nécessaire d’identifier les facteurs clés et le projet d’entreprise afin de déterminer la meilleure structure à mettre en place.

 

  1. Le choix de la structure selon l’objectif poursuivi par l’entreprise

 Le choix de la structure qui sera retenue par l’entreprise passe avant tout par l’identification de son projet et des objectifs poursuivis.

S’agit-il en effet pour l’entreprise d’engager des actions de prospection, de vendre ou d’acheter sur un marché donné ou directement d’y assurer la production de ses produits ? Le projet d’implantation à l’étranger s’inscrit-il dans le cadre d’une activité ponctuelle ou d’un développement à long terme ? Par ailleurs, l’entreprise entretient-elle déjà des relations avec des partenaires locaux et souhaite-t-elle créer avec ces derniers un partenariat, une société commune ?

Avant l’engagement de tout projet de développement de son activité à l’international, il est également essentiel que l’entreprise puisse évaluer son potentiel export et ses atouts, constitués des moyens qu’elle est en mesure de mettre en œuvre et d’affecter à son projet.

La démarche export est coûteuse et l’entreprise devra très rapidement déterminer quels moyens financiers et humains elle est en mesure d’affecter à ce développement. Par ailleurs, sa capacité de gestion pour un tel projet (compétences juridiques, linguistiques, l’existence d’un service export ou de compétences export…) et son éventuelle expérience à l’international seront également des critères à intégrer pour appréhender, avec toutes les cartes en main, le marché de l’international.

 

  1. Les structures envisageables

 Il existe plusieurs schémas d’implantation dont le degré d’intégration et de risque est plus ou moins fort :

  • Agent commercial ;
  • Distributeur ;
  • Bureau de représentation ;
  • Succursale ;
  • Joint-venture ;

Si l’entreprise veut engager une démarche de prospection ou tester ses produits ou services sur le marché étranger, l’intervention d’un agent commercial local ou la création d’un bureau de représentation s’avèreront plus adaptées que l’ouverture d’une filiale ou même la création d’une succursale.

La filiale, entité juridiquement autonome de sa maison mère française, pourra être retenue si l’entreprise souhaite reproduire à l’étranger son modèle de production ou de commercialisation et son mode fonctionnement.

A ces considérations s’ajoutent des enjeux fiscaux (imposition des bénéfices, TVA, régimes fiscaux de faveur mère-fille, prix de transfert) et sociaux (statut des salariés expatriés ou employés localement), des enjeux relatifs à la protection des droits de propriété intellectuelle au-delà des frontières (brevet, marque, savoir-faire), ainsi que d’éventuelles contraintes règlementaires sur les investissements étrangers dans le pays de destination. Certains pays exigent en effet ou recommandent fortement la création d’une entité locale propre et indépendante sur leur territoire. Il s’agit notamment de la Chine, de l’Iran, ou encore des Emirats Arabes Unis.

La constitution d’une Joint-venture, en partenariat avec une entreprise locale, permettra à l’entreprise de s’appuyer sur un acteur connaissant le marché et son fonctionnement, par la création d’une société commune, d’un partenariat contractuel permettant de répondre conjointement à un appel d’offre pour un projet ponctuel. Ce type de structure peut bien souvent répondre à l’obligation faite dans certains pays (Chine, Iran, Emirats Arabes Unis) de s’associer avec une entreprise locale pour y développer une activité.

 

  1. Les divers points d’attention lors d’un projet de développement à l’international

 Le contrat de vente internationale : l’importance du choix de la loi applicable et des tribunaux compétents

Le contrat de vente formalise l’accord intervenu entre l’exportateur et l’importateur. Il peut s’inscrire dans le cadre d’une relation avec un agent commercial, un distributeur ou un client final.

Sur un plan juridique, la détermination de la loi applicable au contrat de vente et de la juridiction compétente en cas de différend entre les parties est un élément important qu’il convient d’appréhender au même titre que les clauses de paiement, de livraison ou de garanties par exemple.

Ce choix n’est en effet pas sans conséquences lorsque l’interprétation du contrat s’impose en raison de la survenance d’un litige.

Plusieurs conventions internationales traitent du sort de ces dispositions dans le cadre de contrats internationaux.

  • Choix de la loi applicable entre Etats membres de l’Union européenne : le Règlement dit Rome 1 [1]:

Aux termes de ce règlement, les parties peuvent librement choisir le droit applicable à leur contrat, sous réserve notamment que ce choix n’ait pas pour conséquence de faire obstacle à des dispositions impératives [2] [3].

A défaut de choix de la loi applicable, le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle[4].

Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur cette base, le contrat sera régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

  • Choix de la loi applicable hors de l’Union européenne : la convention de La Haye en matière de vente internationale de biens mobiliers corporels :

Le principe posé par la convention de la Haye du 15 juin 1955 est celui de la liberté contractuelle.

A défaut de choix de loi applicable, la convention opte en faveur de la loi de la résidence habituelle du vendeur ou de l’établissement du vendeur qui a reçu la commande.

  • Choix du juge compétent : le règlement Bruxelles 1 Bis[5]

Le principe est ici encore la liberté contractuelle puisque les parties peuvent choisir, lors de la rédaction du contrat, d’insérer soit une clause attributive de juridiction (appel à un juge pour régler leur différend), soit une clause compromissoire (faire trancher le litige par un arbitre).

A défaut de choix par les parties, le demandeur à l’action pourra choisir :

  • la juridiction du lieu où le défendeur est domicilié (Article 4 du Règlement) ; ou
  • la juridiction du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande (fourniture de marchandises ou de prestations de service) a été ou doit être exécutée (Article 7 § 1, a) du Règlement).

 

La rupture du contrat d’agent : la problématique liée au calcul de l’indemnité en fin de contrat

La détermination du droit applicable dans le contrat d’agent commercial est une bonne illustration de l’enjeux attaché à ce choix.

La directive européenne du 18 décembre 1986 (86/653/EEC) fixe les modalités du contrat d’agent pour les pays membres de l’UE.

Ainsi, et en application de cette directive, les Etats membres ont pu opter entre deux types d’indemnité au profit de l’agent commercial en cas de cessation de contrat à savoir :

  • Le régime dit de « l’indemnisation[6]», qui prend en compte la clientèle apportée par l’agent commercial et limite l’indemnité à une année de commissions calculée sur la moyenne des commissions de l’agent commercial des cinq dernières années
  • Le régime dit de la compensation[7] qui vise à compenser le préjudice résultant de la rupture du contrat.

Lors de la transposition de la directive, la quasi-totalité des Etats membres ont retenu le système d’indemnisation prévu par l’article 17.2 de la directive, c’est-à-dire le régime de l’indemnité.

Seul la France et l’Irlande ont opté pour le régime de la compensation.

Or, il ressort de la jurisprudence dégagée par les tribunaux français en la matière que l’indemnité susceptible de compenser ce préjudice équivaut à deux années de commissions, calculée sur la moyenne des commissions de l’agent commercial des 3 dernières années.

Ainsi, l’exportateur français pourrait avoir intérêt à proposer l’application de la loi de l’Etat de son agent, notamment si ce dernier est situé en Allemagne, dès lors que le montant de l’indemnité due à ce dernier en cas de résiliation sera d’une année de commissions et non pas deux.

 

[1] Règlement CE n°593/2008

[2] Article 3, alinéa 4 du Règlement CE n°593/2008 dit Règlement Rome 1

[3] Article 3, alinéa 3 du Règlement CE n°593/2008 dit Règlement Rome 1

[4] Article 4 du Règlement CE n°593/2008 dit Règlement Rome 1

[5] Règlement UE n° 1215/2012

[6] Article 17.2 de la Directive concernant les agents commerciaux indépendants (86/653/EEC)

[7] Article 17.3 de la Directive concernant les agents commerciaux indépendants (86/653/EEC)