menu
Actualités
Publié le 30 octobre 2014 par Soulier Avocats

Précision sur le régime fiscal des management packages : le Conseil d’Etat «punit» les managers actionnaires.

Le mécanisme du management package s’est développé concomitamment aux LBO comme instrument de motivation des managers, hommes clefs pour la réussite de l’opération, en leur permettant d’accéder au capital de l’entreprise, et donc à la plus- value de sortie, à des conditions généralement relativement favorables.

La pratique s’est longtemps accordée pour considérer le gain réalisé comme une plus-value sur titres et non comme un salaire jusqu’à ce que l’administration fiscale, par une première instruction publiée en 1995, et toujours en vigueur dans les dernières mises à jour, indique clairement que le recours à des mécanismes d’accès au capital autres que ceux prévus par le législateur (stock option, maintenant actions gratuites etc.) serait susceptible de donner lieu à une requalification des gains imposables.

Toutefois, les premiers contrôles effectifs ne sont intervenus que plus tardivement, c’est-à-dire au début des années 2000.

Le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois à notre connaissance sur la nature du gain taxable.

Depuis l’instruction de 1995 et les premiers contrôles, les praticiens ont essayé de définir les critères caractérisant le gain en capital par opposition au salaire.

L’idée générale se dégageant étant que la qualification de plus-value resterait acquise dès lors que les managers prendraient un risque financier dans l’opération. Cette approche était plutôt économique que juridique.

Cela s’est traduit dans la pratique principalement par la mise en place des précautions suivantes :

  • Paiement dès l’origine par les managers d’un prix (une indemnité d’immobilisation) correspondant à la valeur des options qui leur étaient offertes, déterminé par le biais de valorisations réalisées par des experts,
  • Absence de garantie donnée aux managers que ce soit par rapport aux gains futurs ou la perte éventuelle.

Le Conseil d’Etat1 semble balayer ces précautions, en validant le raisonnement principalement juridique sur lequel était fondé l’arrêt de la cour administrative d’appel contre lequel le contribuable s’était pourvu en cassation, même si le critère de l’importance de l’investissement est évoqué. 

Les faits de l’espèce

Ils nous semblent représentatif du mode de structuration le plus fréquent du management package. En l’espèce le contribuable s’était vu octroyer une option d’achat sur un nombre d’actions dépendant du TRI de l’investissement moyennant le versement d’une indemnité d’immobilisation. Cette indemnité était relativement modique pour autant que l’on puisse en juger au vu des éléments donnés par le juge. Le prix de levée de l’option était bien entendu fixé dès l’origine et s’est révélé bien inférieur à la valeur finale de l’action.

Par convention, le droit d’exercer les options était subordonné à la condition que le bénéficiaire exerce pendant une durée d’au moins cinq ans les fonctions de dirigeant au sein du groupe.

La solution retenue par la Haute Cour

Le Conseil d’Etat valide la position de la cour administrative d’appel, laquelle a relevé à titre principal que l’attribution de l’option d’achat des actions était liée à la nomination du contribuable aux fonctions de dirigeant du groupe et que la levée des options était subordonnée à sa présence cinq ans au sein du groupe.

Cette simple constatation permet au juge de l’impôt de considérer que la plus-value trouvait sa source dans les conditions financières d’attribution des actions, lesquelles avaient elles-mêmes comme origine la fonction de dirigeant exercée au sein du groupe. 

Par ailleurs, le Conseil d’Etat valide deux autres considérants intéressants de l’arrêt de la cour administrative d’appel :

  • En premier lieu, il indique que la cour a suffisamment motivé son arrêt en jugeant que l’indemnité d’immobilisation versée, 1% du gain final, revêtait un caractère modique.

L’élément novateur apporté par cette précision au regard de la pratique actuelle réside dans le fait que le juge se réfère à la valeur des actions au jour de la cession et non à celui de l’attribution, ce qui génère de facto un écart significatif. 

Cette position semble critiquable, puisque dans le monde des affaires, la possibilité d’acquérir des options est offerte à des actionnaires qui n’ont pas de liens de subordination avec la société au sein de laquelle ils investissent. La détermination de la valeur de l’option répond alors à des méthodes parfaitement connues des experts. C’est le mécanisme même de l’option qui permet la réalisation d’une plus-value qui peut être élevée.

  • En second lieu, le Conseil d’Etat écarte sans plus de considération la circonstance que le contribuable ait accordé une garantie de passif. 

Ce point est également critiquable, un salaire étant par définition définitivement acquis. Au contraire d’une plus-value.

D’ailleurs, la position du juge ne tient globalement aucun compte de l’incertitude du gain qui n’est pas normalement la caractéristique du salaire, lequel résulte d’une obligation contractuelle.

Cette jurisprudence fait peser un risque important sur l’ensemble des management packages existants puisque, selon notre expérience, pratiquement tous les schémas utilisés en pratique à ce jour présentent les deux tares désignées par le juge :

  • Levée des options subordonnée à la présence des managers,
  • Insuffisance certaine de l’indemnité d’immobilisation, si elle doit être appréciée au regard du prix de sortie.

Peut-être, la solution devra-t-elle être confirmée par le Conseil d’Etat dans des cas où les managers auront investi des sommes plus significatives ? Cependant, le Conseil d’Etat s’appuyant dans sa décision principalement sur l’analyse de la cause juridique de l’attribution d’options avantageuse, il nous semble qu’elle revêt une portée de principe.

Face à cette décision défavorable, il apparaît difficile de présenter une alternative :

  • Plus que jamais, le recours au PEA doit être écarté pour les actions de management package (mais les simples options sont exclues de toute façon, ainsi que les BSA et les actions de préférence depuis le 1er janvier 2014) ; toute irrégularité se traduisant par la menace de l’application d’une amende de 80%, la négociation avec l’administration se concentre sur la remise de celle-ci et bloque de facto toute velléité de contentieux,
  • Les managers devront sans doute prendre plus de risques qu’ils n’en prenaient jusque-là, peut être en investissant dès l’origine une part significative en actions, quitte à les assortir d’options,
  • Enfin, il paraît difficile de conserver des clauses de style « bad leaver » ce qui pose un vrai problème par rapport à la fonction supposée de motivation des management packages. Les conseils devront faire preuve d’encore plus d’imagination.

1 Conseil d’Etat, 26 septembre 2014 n°365 573