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Publié le 1 septembre 2006 par Soulier Avocats

Réforme du droit des sûretés : l’ordonnance du 23 mars 2006

Sous l’impulsion du Président de la République et du Ministre de la Justice, un groupe de travail a été constitué en juillet 2003 avec pour mission de concevoir et de rédiger le texte d’un projet de réforme du droit des sûretés.

Le droit commun des sûretés était alors, dans une large mesure, issu des textes du code civil de 1804 et constitué d’une multitude de textes spéciaux et de régimes propres à tels biens ou situations, donnant ainsi lieu à une activité jurisprudentielle incertaine et fluctuante.

Afin notamment de développer le crédit en assurant une meilleure sécurité aux créanciers prêteurs, il devenait urgent de réformer le droit des sûretés.

Aux termes de l’article 24 de la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie, le Parlement a donc autorisé le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance. On peut toutefois regretter que les contours quelque peu restrictifs de cette loi d’habilitation n’aient pas permis aux auteurs de la réforme de procéder à une refonte globale et complète du droit des sûretés. Ainsi cette habilitation excluait-elle notamment le droit du cautionnement, le nantissement d’instruments financiers et la cession fiduciaire à titre de garantie.

Mais bien qu’incomplète, cette réforme demeure néanmoins importante.

Sur un plan formel, la grande innovation est la création d’un nouveau Livre Quatrième du code civil intitulé « Des Sûretés », logiquement subdivisé en deux titres consacrés au Sûretés Personnelles et aux Sûretés Réelles.

1. Les sûretés personnelles

Si les innovations majeures de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux Sûretés concernent principalement les sûretés réelles (II), les sûretés personnelles ne sont pas pour autant négligées.

a) Le cautionnement 

Les dispositions relatives au cautionnement ont été transposées aux articles 2288 à 2320 du Code civil (figuraient anciennement aux articles 2011 à 2043 du même code), sans que le droit du cautionnement ait pour autant été modifié.

Comme avant la réforme, le droit du cautionnement demeure éclaté entre les dispositions du Code civil et celles du Code de la consommation mais son insertion dans le nouveau Titre IV du Code civil dédié aux Sûretés peut laisser penser que le législateur poursuivra son œuvre de clarification et d’uniformisation du droit des sûretés.

b) La garantie autonome et la lettre d’intention 

Ces deux sûretés, largement utilisées par les praticiens, étaient jusqu’alors soumises à la liberté contractuelle. Leur codification au sein du Code civil (articles 2321 et 2322) n’apporte aucune innovation fondamentale mais présente l’avantage d’une utile clarification et définition de leurs contours.

Il convient de noter que la garantie autonome désormais consacrée par le Code civil ne peut être émise en garantie des crédits à la consommation (article L. 313-10-1 du Code de la consommation).

Par ailleurs, le nouvel article 22-1-1 inséré dans la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que la garantie autonome ne peut être utilisée qu’en lieu et place du dépôt de garantie prévu au bail, dans la limite de deux mois de loyer.

S’agissant de la lettre d’intention, le nouvel article 2322 se borne à la définir (« … engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son engagement …. ») sans préciser si l’engagement de son émetteur constitue une obligation de moyens ou de résultats.

2. Les sûretés réelles

a) Les sûretés réelles mobilières 

Les règles applicables au gage ont été intégralement réécrites et comportent des solutions novatrices.

Du point de vu de la terminologie l’expression « gage » désigne désormais exclusivement une sûreté réelle mobilière corporelle alors que le terme « nantissement » est réservé aux garanties portant sur les biens meubles incorporels.

1. Le gage (articles 2333 à 2354 du Code Civil)

  • Abandon du caractère réel du gage et consécration des gages sans dépossession. Le principe du gage avec dépossession qui constitue un blocage au développement du crédit en privant notamment le débiteur de moyens d’exploitation, en épuisant sont crédit et en écartant tout garantie sur des biens futurs, subsiste toutefois.
  • L’assiette du gage est élargie puisqu’il peut désormais porter non seulement sur des biens meubles présents mais également futurs.
  • Les conditions d’opposabilité ainsi que les modes de réalisation du gage sont fortement simplifiées. Ainsi,

(i)        Le gage sans dépossession est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite sur un registre spécial dont les modalités seront réglées par un décret à venir. C’est donc le rang d’inscription sur le bien gagé qui règlera les hypothèses de concours entre les créanciers.

(ii)       Il est mis fin à la prohibition du pacte commissoire (*) : lors de la constitution du gage, les parties au contrat pourront convenir qu’en de défaillance du débiteur le créancier gagiste deviendra propriétaire du bien, sans passer par une procédure judiciaire.

(*) Le « pacte commissoire » est la convention conclue en même temps qu’un engagement principal (généralement un prêt), prévoyant qu’en cas d’inexécution des obligations mises à la charge du débiteur qui a donné un objet mobilier ou une valeur en gage, le créancier deviendra de plein droit et sans qu’il soit besoin d’une décision de justice, le propriétaire dudit gage.

L’interdiction du pacte commissoire est toutefois maintenue dans le cadre des crédits à la consommation. Par ailleurs, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’encontre d’une entreprise fait obstacle au pacte commissoire.

2. Le nantissement (articles 2355 à 2366 du Code Civil)

L’ordonnance du 23 mars 2006 ne traite que du nantissement de créances.

La cession de créances à titre de garantie de la Loi Dailly (*) n’a pas été généralisée (et on peut le regretter). De même, le Code civil ne traite ni du nantissement de monnaie scripturale ni d’instruments financiers. Le nantissement de compte d’instrument financier demeure régit par l’article L. 431-4 du Code monétaire et financier.

(*) La loi 81-1 du 2 janvier 1981, dite Loi Dailly (Code monétaire et financier, article L. 313-23 et s.), institue un mécanisme spécial et simplifié de cession de créances professionnelles au profit de banques.  La cession s’effectue par simple remise à la banque d’un bordereau répertoriant les créances cédées. Dès que la banque a apposé une date sur le bordereau, la cession de créance devient opposable aux tiers.  La banque notifiera la cession au débiteur, lequel devra alors la payer à l’échéance de la créance cédée.

Le formalisme du nantissement a été simplifié puisqu’il suffit désormais d’un acte sous seing privé non soumis à la formalité de l’enregistrement.

De même, l’opposabilité aux tiers est constituée à la date de signature de l’acte de nantissement. Une simple notification (et non plus signification par huissier) suffit à rendre le nantissement opposable au débiteur de la créance (formes de la notification non précisée mais le courrier recommandé est préconisé). Enfin, possibilité de nantir des créances futures.

b) Les sûretés réelles immobilières

1. L’hypothèque (articles 2413 à 2488 du Code civil)

Le gouvernement s’est attaché à moderniser cette sûreté, notamment pour développer le crédit hypothécaire. Ainsi, les innovations principales sont les suivantes :

  • Sauf si l’immeuble constitue la résidence principale du débiteur, le créancier hypothécaire peut désormais réaliser sa sûreté en demandant en justice que l’immeuble lui demeure en paiement. Cette attribution judiciaire est de droit puisque le juge saisi n’a pas de pouvoir d’appréciation. L’estimation de la valeur de l’immeuble est effectuée par un expert, désigné amiablement par les parties ou judiciairement.
  • L’assiette de l’hypothèque est étendue aux améliorations qui surviennent à l’immeuble.
  • L’hypothèque peut garantir une créance future déterminable.
  • l’hypothèque est transmise de plein droit en cas de cession de la créance garantie.
  • Introduction du mécanisme de l’hypothèque rechargeable (article 2422 du Code Civil) qui permet d’utiliser la même hypothèque en garantie de plusieurs crédits successifs, dans la limite d’un montant maximal déterminé et avec les modes de publicité allégés.

2. Création du prêt viager hypothécaire qui permet au propriétaire d’un bien immobilier d’emprunter de l’argent sans avoir à le vendre. Le prêteur se remboursera après le décès de l’emprunteur sur le bien, objet de l’hypothèque.

Ce nouveau dispositif permet ainsi aux établissements de crédit à la consommation de capter en toute sécurité une clientèle vieillissante propriétaire d’un patrimoine immobilier.