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Publié le 29 avril 2020 par Soulier Avocats

Coronavirus Covid-19 : Prorogation des délais d’approbation des comptes annuels des groupements de droit privé

Prise sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de covid-19 est venue apporter des dérogations temporaires de nature exceptionnelle en matière notamment d’approbation des comptes.

A titre liminaire, nous rappelons que le champ d’application de l’ordonnance n°2020-318 est large puisqu’il concerne toutes les personnes morales et les groupements sans personnalité morale de droit privé (ci-après les « Entités Concernées »), notamment :

  • Les sociétés civiles et commerciales (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, société à responsabilité limitée, sociétés en nom collectif, etc.),
  • Les associations, fondations et fonds de dotation,
  • Les groupements d’intérêt économique et groupements européens d’intérêt économique,
  • Les coopératives,
  • Les mutuelles, unions de mutuelles, etc.

Cela étant, certaines dispositions de l’ordonnance n°2020-318 ont un champ d’application beaucoup plus restreint, à l’instar par exemple de l’article 2 qui ne vise que les sociétés commerciales en liquidation.

A notre sens, l’une des mesures phares de l’ordonnance n°2020-318 est introduite à l’article 3, qui prévoit notamment, s’agissant des Entités Concernées, que les délais imposés par des textes législatifs ou réglementaires ou par les statuts pour approuver les comptes, ou pour convoquer l’assemblée chargée de procéder à cette approbation, sont prorogés de trois (3) mois.

Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-318 précise à propos de l’article 3 que « ces dispositions ont pour but de prendre en compte la situation des sociétés et entités pour lesquelles les travaux d’établissement des comptes et/ou d’audit étaient en cours au moment de l’entrée en vigueur des mesures administratives et qui ne pourraient pas être achevés dans des délais compatibles avec la tenue de l’assemblée générale, dans la mesure où les documents comptables peuvent ne plus être accessibles ».

Cette prorogation automatique implique cependant que deux (2) conditions soient satisfaites. Ces dispositions ne sont, en effet, applicables qu’aux Entités Concernées :

  • clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, à savoir le 24 juin 2020[1] (sauf prolongation de l’état d’urgence) d’une part, et
  • dont le commissaire aux comptes, lorsque l’Entité Concernée en est pourvue, n’a pas déjà émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020 d’autre part.

A titre d’exemple, une société par actions simplifiée clôturant ses comptes au 31 décembre de chaque année, et dont les statuts prévoient que l’approbation des comptes doit avoir lieu dans les cinq (5) mois de la clôture des comptes, soit le 31 mai 2020 au plus tard, bénéficie donc d’un délai de trois (3) mois supplémentaires pour approuver ses comptes. La société aura ainsi jusqu’au 31 août 2020 pour faire approuver ses comptes par son ou ses associés.

Dans l’hypothèse cependant où la société par actions simplifiée disposerait d’un Commissaire aux comptes et que ce dernier aurait déjà émis son rapport sur les comptes avant la date du 12 mars 2020, la société ne pourrait pas bénéficier de la mesure de report de trois (3) mois pour procéder à l’approbation de ses comptes.

Dès lors que les conditions prévues par l’ordonnance n°2020-318 pour bénéficier du délai automatique de trois (3) mois ne sont pas satisfaites, ou s’il est nécessaire pour la société de reporter l’approbation de ses comptes au-delà du délai de trois (3) mois prévu par l’ordonnance n°2020-318, la prolongation du délai doit alors être sollicitée par les dirigeants dans les conditions prévues par les règles normalement applicables, c’est-à-dire par demande formulée auprès du Président du Tribunal de commerce statuant sur requête.

L’ordonnance n°2020-318 prévoit également la prorogation d’autres délais dont le champ d’application est plus spécifique.

Citons pêle-mêle :

  • la présentation, dans une société anonyme clôturant ses comptes entre le 31 décembre 2019 et le 24 juin 2020[2], par le directoire au conseil de surveillance, aux fins de vérification et de contrôle, des documents mentionnés à l’article L 225-100, I-al. 2 du Code de commerce (comptes annuels, rapport de gestion et rapport sur le gouvernement d’entreprise) prorogée de trois (3) mois[3],
  • l’établissement, par le liquidateur d’une société commerciale clôturant ses comptes entre le 31 décembre 2019 et le 24 juin 2020[4], des comptes annuels et du rapport écrit dans lequel il rend compte des opérations de liquidation au cours de l’exercice écoulé prorogée de deux (2) mois[5],
  • l’établissement de certains documents relatifs aux comptes ou aux semestres clôturés entre le 30 novembre 2019 et le 24 juin 2020[6] par les dirigeants des sociétés commerciales employant au moins 300 salariés ou ayant réalisé un chiffre d’affaires net d’au moins 18 millions d’euros (situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible, compte de résultat prévisionnel, tableau de financement, bilan annuel et plan de financement prévisionnel) prorogé de deux (2) mois[7], et
  • le dépôt d’un compte-rendu financier relatif aux comptes clôturés entre le 30 septembre 2019 et le 24 juin 2020 par un organisme de droit privé bénéficiaire d’une subvention affectée à une dépense déterminée et dépassant un seuil annuel de 153 000 euros prorogée de trois (3) mois[8].

A noter enfin qu’un autre texte spécial est venu, en urgence, adapter les règles relatives à la tenue des assemblées des sociétés et autres groupements de droit privé afin de faire face à la situation exceptionnelle découlant du confinement strict imposé par l’épidémie de Covid-19. Il s’agit de l’ordonnance n°2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19.


[1] La date de cessation de l’état d’urgence sanitaire telle que déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est actuellement fixée au 24 mai 2020.

[2] Soit un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire qui est actuellement fixée au 24 mai 2020 (sauf prolongation de l’état d’urgence)

[3] Article 1 de l’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020

[4] Soit un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire qui est actuellement fixée au 24 mai 2020 (sauf prolongation de l’état d’urgence)

[5] Article 2 de l’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020

[6] Soit un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire qui est actuellement fixée au 24 mai 2020 (sauf prolongation de l’état d’urgence)

[7] Article 4 de l’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020

[8] Article 5 de l’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020