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Publié le 31 mars 2020 par Soulier Avocats

Coronavirus Covid-19 : Les mesures en matière sociale des premières « Ordonnances Coronavirus »

3 ordonnances en matière sociale prises sur le fondement de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19[1] ont été publiées au Journal officiel jeudi 26 mars 2020.

Elles portent sur (i) des dérogations sous certaines conditions sur les congés payés, la durée du travail, les jours de repos et le travail le dimanche, applicables jusqu’au 31 décembre 2020, (ii) le report de la date limite de versement de la participation et de l’intéressement au 31 décembre 2020 et (iii) l’élargissement du champ des salariés éligibles à l’indemnité complémentaire versée par l’employeur en cas d’arrêt de travail jusqu’au 31 août 2020. Une ordonnance prévoit enfin la prolongation des droits à indemnisation des demandeurs d’emploi en fin de droits.

Présentation succincte de ces mesures.

1. Mesures d’urgence sur les congés payés, les jours de repos, la durée du travail et le travail le dimanche, sous conditions et applicables jusqu’au 31 décembre 2020

Mesures concernant les congés payés : Uniquement en cas d’un accord collectif d’entreprise ou à défaut de branche

  • Possibilité pour l’employeur d’imposer ou modifier la prise de congés payés (i) dans la limite de 6 jours ouvrables, (ii) en respectant un délai de prévenance d’au moins 1 jour franc et (iii) sur une période de congés allant jusqu’au 31 décembre 2020 maximum :
    • Imposer la prise de jours de congés payés acquis, y compris avant l’ouverture de prise des congés payés (i.e. 1er mai 2020 par défaut) ;
    • Modifier unilatéralement les dates de congés payés déjà posés.
  • Possibilité pour l’employeur de fractionner le congé principal (i.e. 4 semaines consécutives maximum) sans le consentement du salarié.
  • Possibilité pour l’employeur de ne pas accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires de Pacs travaillant dans son entreprise.

Mesures concernant les RTT et autres jours de repos : Uniquement si l’intérêt de l’entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, par décision unilatérale de l’employeur

  • Possibilité pour l’employeur de fixer unilatéralement les jours de RTT acquis, les jours de repos acquis au titre d’un accord d’aménagement du temps de travail et les jours de repos acquis au titre d’un forfait-jours (i) dans la limite de 10 jours maximum, (ii) en respectant un délai de prévenance d’au moins 1 jour franc, (iii) sur une période de congés allant jusqu’au 31 décembre 2020 maximum :
    • Imposer la prise de jours de repos à des dates déterminées par lui ;
    • Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.
  • Possibilité pour l’employeur d’imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps (CET) du salarié soient utilisés sous forme de jours de repos, à des dates qu’il détermine, dans les mêmes conditions et limites énoncées ci-dessus.

Mesures concernant la durée du travail : Uniquement dans les entreprises relevant de « secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale », déterminés par décret (à paraître)

  • Dérogations aux durées maximales de travail, sous réserve d’en informer sans délai et par tout moyen le comité social et économique (CSE) et la Direccte :
    • Jusqu’à 12 heures de travail par jour (au lieu de 10 heures) ;
    • Jusqu’à 60 heures de travail par semaine (au lieu de la durée maximale hebdomadaire absolue de 48 h) ;
    • Jusqu’à 48 heures de travail par semaine sur une période de 12 semaines consécutives (au lieu de la durée maximale hebdomadaire moyenne de 44 heures).
    • Pour les travailleurs de nuit : jusqu’à 12 heures de travail par jour (sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur) et jusqu’à 44 heures de travail par semaine sur une période de 12 semaines consécutives (au lieu de 40 heures en moyenne)
  • Repos quotidien réduit à 9 heures consécutives (au lieu de 11 heures consécutives), sous réserve toutefois de l’attribution d’un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier. L’employeur devra en informer sans délai et par tout moyen le CSE et la Direccte.

Mesures concernant le travail le dimanche : Uniquement dans les entreprises relevant de « secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale », déterminés par décret (à paraître) ET aux entreprises qui assurent à celles relevant des secteurs essentiels des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale

  • Possibilité de déroger au principe du repos le dimanche :
    • Le repos hebdomadaire sera dans ce cas accordé aux salariés par roulement ;
    • A noter que ces dispositions s’appliquent également dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
2. Mesure sur le versement de la participation et de l’intéressement, sans condition et applicable jusqu’au 31 décembre 2020
  • Report de la date limite de versement ou d’affectation de la participation et de l’intéressement au 31 décembre 2020 : la date limite de versement de la participation et de l’intéressement, ou d’affectation sur un plan d’épargne salariale (ou un compte courant bloqué) des sommes attribuées en 2020, est reportée au 31 décembre 2020 (au lieu du 1er jour du 6ème mois suivant la clôture de l’exercice de l’entreprise).
3. Mesures sur le maintien de salaire par l’employeur (indemnité complémentaire) en cas d’arrêt de travail, applicables jusqu’au 31 août 2020

Bref rappel des règles de droit commun : le code du travail prévoit que le salarié en arrêt pour maladie ou accident (lié ou non au travail) est assuré de percevoir une indemnité complémentaire de la part de son employeur, qui complète les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS). Ce maintien de salaire est toutefois subordonné à une série de conditions, parmi lesquelles une ancienneté minimale de 1 an, un constat médical de l’incapacité de travail du salarié, l’envoi du certificat médical à l’employeur sous 48 heures, etc. Ce maintien de salaire s’applique sauf exception à l’issue d’un délai de carence de 7 jours. Certains salariés sont enfin exclus de ce dispositif (les salariés travaillant à domicile, saisonniers, intermittents et temporaires).

  • Maintien de salaire pour les salariés en arrêt de travail prescrit dans le contexte de l’épidémie du covid-19 (notamment garde d’enfant, isolement, éviction, maintien à domicile, etc.), y compris pour les salariés travaillant à domicile, les salariés saisonniers, les salariés intermittents et les salariés temporaires :
    • sans condition d’ancienneté ;
    • sans avoir à justifier de l’absence dans un délai de 48 heures ;
    • sans obligation d’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres Etats partie à l’accord sur l’Espace économique européen.
  • Maintien de salaire pour les salariés en arrêt de travail, et ce quelle que soit l’origine de l’arrêt,y compris pour les salariés travaillant à domicile, les salariés saisonniers, les salariés intermittents et les salariés temporaires:
    • sans condition d’ancienneté.

Il n’est pas précisé si ces mesures s’appliquent aux arrêts de travail prescrits avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance (au 26 mars 2020).

A noter que l’ordonnance prévoit qu’un décret peut aménager les délais et les modalités de versement de l’indemnité complémentaire : ce décret pourrait supprimer pour tous les arrêts de travail le délai de carence de 7 jours (actuellement supprimé par un décret du 4 mars 2020 pour les arrêts de travail liés à une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile liée à l’épidémie du covid-19).


[1] Cf. article intitulé Coronavirus : Loi d’urgence – Les principales dispositions en droit social publié sur notre Blog le 26 mars 2020