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Publié le 26 août 2015 par Soulier Avocats

L’utilisation de slogans publicitaires similaires à ceux d’un concurrent est un acte constitutif de parasitisme

Une entreprise ne peut utiliser des slogans publicitaires similaires à ceux utilisés depuis plusieurs années par un concurrent, ayant fait l’objet d’efforts promotionnels et d’investissements de la part de ce dernier et étant bien connus du grand public.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2015, rappelant à cette occasion la notion de concurrence parasitaire.

A l’instar de la concurrence déloyale dont il constitue un dérivé, le parasitisme est une notion jurisprudentielle sanctionnée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil relatif à la responsabilité civile quasi-délictuelle.

Comme le rappelle la Cour de cassation dans la décision commentée, « le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion »[1].

Cette notion reçoit toutefois une application plus large que la concurrence déloyale, puisque elle ne requiert pas nécessairement une situation de concurrence entre les parties en présence. C’est ce que rappellent les quelques exemples de jurisprudence cités ci-après (cf. 1/ et 2/), la décision commentée fournissant, quant à elle, une nouvelle illustration de concurrence parasitaire (cf. 3/).

 

1. L’hypothèse d’une situation de concurrence parasitaire

Dans l’hypothèse d’une situation de concurrence, le parasitisme consiste pour son auteur à adopter un comportement suiveur, voire poursuiveur, d’un concurrent, notamment en développant des activités, des produits ou des prestations proches de ceux de son concurrent.

Pour déterminer l’existence d’une situation de concurrence parasitaire, les juges se focalisent sur les faits de chaque espèce.

Ainsi ont-ils eu déjà l’occasion de sanctionner sur le terrain de la concurrence parasitaire un concepteur de jeux de sociétés qui avait copié la prestation d’un concurrent, fabriqué des produits « imitants » ceux de ce dernier et les avait commercialisés à un prix nettement inférieur. Le concepteur s’était ainsi placé dans le sillage de son concurrent et avait indûment profité de ses investissements[2].

Dans un tout autre secteur d’activité, les juges ont également sanctionné des actes de parasitisme à l’encontre d’une société qui avait utilisé les dénominations « Cirque de Monaco » et « Monaco, le Cirque » pour désigner des activités de cirque, cherchant ainsi à tirer profit de la notoriété attachée aux festivals organisés au sein de la principauté de Monaco par une autre société spécifiquement désignée à cet effet[3].

En revanche, la jurisprudence a écarté l’existence d’actes de concurrence parasitaire à l’encontre d’un distributeur de meubles et d’équipements de décoration qui avait diffusé un catalogue présentant une similitude de présentation avec celui du concurrent. En effet, les juges ont tenu compte du fait que ces catalogues étaient inspirés des tendances du moment, que les slogans voisins étaient communément utilisés dans ce secteur de distribution et que la sélection de quelques articles identiques sur des milliers de références résultait de la méthode commune aux deux distributeurs de prospecter les fournisseurs pour choisir leurs articles en fonction de la mode[4].

De même, la Cour de cassation a récemment jugé que n’était pas constitutif de parasitisme le fait de s’être livré à une imitation grossière et « bas de gamme » d’un produit notoire (une voiture de course Ferrari sous forme de jouet), en l’absence de risque de confusion dans l’esprit de la clientèle et de détournement de celle-ci, l’auteur de l’imitation ne s’étant ainsi pas placé dans le sillage de son concurrent pour profiter de sa notoriété[5].

 

2. L’hypothèse d’actes parasitaires en dehors de toute situation de concurrence

En l’absence de situation de concurrence, le parasitisme, bien que plus délicat à établir, peut néanmoins être constitué en présence d’actes déloyaux entre acteurs économiques.

Il prend souvent la forme d’une atteinte à la notoriété ou à la réputation d’un opérateur économique. La jurisprudence requiert alors la preuve de la notoriété de l’élément objet de l’atteinte, et de l’intention lucrative de l’auteur du parasitisme.

Le parasitisme est également souvent constitué par une usurpation des efforts intellectuels et des investissements d’autrui, ces derniers étant entendus assez largement (technicité, investissements publicitaires, recherches, etc.).

Par exemple, a été sanctionnée, à la demande du Comité national olympique et sportif français, la société Groupement d’achat des centres Leclerc, pour avoir utilisé la marque « Olymprix » pour l’organisation et la publicité d’une campagne annuelle de promotion à prix réduits dans les magasins de l’enseigne. La marque « Olymprix », en imitant la marque « Jeux Olympiques », avait ainsi porté atteinte à cette dernière et à l’évènement sportif de renom qui s’y rattachait[6].

En outre, a été jugée constitutive de parasitisme l’utilisation d’un slogan publicitaire « Dessine-moi », cette expression évoquant l’œuvre littéraire « Le Petit Prince », et les juges ayant retenu que le choix de cette expression n’était pas fortuit dès lors que le recours à l’impératif n’était pas imposé par la syntaxe et traduisait la volonté de profiter de la notoriété attachée à l’œuvre littéraire[7].

 

3. Cas de l’arrêt commenté : l’utilisation de slogans publicitaires similaires à ceux d’un concurrent reconnue constitutive de concurrence parasitaire

Dans l’arrêt commenté, une société de la grande distribution (la société Cora) qui utilisait depuis vingt-cinq ans le slogan publicitaire « gros volumes = petits prix » dans ses campagnes publicitaires, slogan qu’elle avait créé, a assigné un concurrent (la société Auchan) qui avait diffusé des catalogues comportant les slogans « prix mini sur gros volumes », « gros volumes à prix mini » et « gros volumes grosses économies ».

La Cour de cassation, confirmant l’analyse précise et factuelle de la Cour d’appel, a porté son attention sur les points suivants :

  • L’association de deux groupes de mots de trois syllabes « gros volumes » et « petits prix », chacun mis sur un pied d’équivalence, était distinctive de la société Cora, puisqu’il était démontré que ce slogan était bien connu du grand public, identifié par les consommateurs et les professionnels de la grande distribution comme attaché à l’enseigne ;
  • Ce slogan avait fait l’objet de promotion et d’investissements de la part de la société Cora qui avait effectué de multiples opérations publicitaires ayant contribué à son lancement et sa réputation ;
  • La formule syntaxique utilisée par la société Auchan était identique à celle utilisée par la société Cora, peu important que le signe « = » ait été remplacé par une virgule, la juxtaposition de deux groupes de mots équivalent à un signe égal ;
  • Les formules de la société Auchan « prix mini sur gros volumes » et « gros volumes à prix mini » avaient une consonance et une résonnance équivalente à celles de la société Cora, à l’exception du slogan « gros volumes grosses économies » qui fut jugé trop dissemblable et écarté des débats ;
  • La reprise plagiaire du slogan ne pouvait ainsi être fortuite car la société Auchan pouvait concevoir de nombreuses autres façons d’exprimer la même idée et avait été avertie à plusieurs reprises par la société Cora.

Ainsi, dans la lignée des décisions précédemment évoquées (cf. notamment la décision « Le Petit Prince » précitée[8]), la Haute Juridiction, après avoir procédé à une analyse syntaxique, visuelle et phonétique des slogans – proche de celle appliquée en matière de contrefaçon de marque – , et établi (i) la notoriété du slogan imité, (ii) les efforts notamment financiers de la société Cora, et (iii) l’intention nécessairement délictueuse de la société Auchan, a confirmé l’existence d’actes de concurrence parasitaire à l’encontre de cette dernière.

 

[1] Cass. Com., 9 juin 2015, n°11-11242.

[2] Cass. Com., 8 juillet 2003, n°01-13293.

[3] C.A. Paris, 17 décembre 2003, n°2003/08994.

[4] C.A. Versailles, 16 janvier 1997, n°95-6068.

[5] Cass. Com., 3 mars 2015, n°13-25055.

[6] Cass. Com. 11 mars 2003 n°00-22722.

[7] C.A. Paris 2 avril 2003 n°2000/08859.

[8] C.A. Paris 2 avril 2003 précitée.