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Publié le 1 mai 2013 par Soulier Avocats

Vers un durcissement des dispositifs anti-OPA

Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement Productif, vient de faire part de la volonté du Gouvernement d’instaurer de nouvelles mesures visant à protéger les entreprises françaises contre les offres publiques d’achat (OPA) hostiles.

Ces mesures, récemment développées et commentées par l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA)[1], portent essentiellement sur la lutte contre les prises de contrôle rampantes, la fidélisation des actionnaires, l’élargissement des conditions d’émission des « poison pills ». 

1. La lutte contre les prises de contrôle rampantes 

Il est rappelé qu’à ce jour, le Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) fixe à 30% du capital ou des droits de vote de la société cible le seuil de déclenchement de l’obligation de déposer une offre publique visant à détenir la totalité des titres de capital et de ceux donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société émettrice[2] ; étant toutefois précisé que seules sont concernées par ce seuil les sociétés de droit français dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d’un Etat membre de l’Union Européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace Economique Européen. 

La même obligation pèse sur les personnes qui détiennent directement ou indirectement entre 30% et 50% du capital ou des droits de vote d’une société répondant aux caractéristiques susvisées et qui, en moins de 12 mois consécutifs, voient cette participation croître d’au moins 2% du capital ou des droits de vote de la société[3].

Le Gouvernement envisagerait aujourd’hui d’abaisser ces seuils, suite notamment aux recommandations émises dans ce cadre par Louis Gallois et l’AMF[4]

Le Rapport Gallois suggère de réduire le seuil de 30% susvisé à 20 ou 25%

Cette proposition n’emporte pas l’adhésion de l’ANSA, qui rappelle notamment que l’abaissement de ce seuil du tiers à 30% en janvier 2011[5] avait notamment nécessité la mise en place d’un régime de transition lourd et complexe, afin de permettre aux titulaires de participations comprises en 30% et le tiers du capital et des droits de vote de bénéficier de dispositions dérogatoires[6].

L’AMF propose en outre de réduire le seuil de 2% susvisé à 1%

Considérant que pour contribuer au développement des petites et moyennes structures, un « mécanisme de respiration » plus souple doit être maintenu, l’ANSA juge opportune cette proposition, sous réserve qu’elle soit limitée aux « grandes sociétés cotées ». 

2. La fidélisation des actionnaires 

L’article L.225-123 du Code de commerce prévoit qu’un droit de vote double peut être attribué, par les statuts ou une assemblée générale extraordinaire ultérieure, à toutes les actions entièrement libérées, inscrites au nom d’un même titulaire depuis 2 ans au moins. Ce titulaire peut en outre bénéficier, sous les mêmes conditions, d’un droit à un dividende majoré[7].

Le Gouvernement envisagerait aujourd’hui d’aménager les conditions d’octroi de ces droits, suite notamment aux recommandations également émises par Louis Gallois[8] et l’AMF. 

L’ANSA recommande que cette question fasse l’objet d’une étude préalable.

3. L’élargissement des conditions d’émission des « poison pills » 

L’assemblée générale extraordinaire d’une société peut aujourd’hui, lorsqu’elle est la cible d’une offre publique hostile, attribuer gratuitement à ses actionnaires des bons de souscription d’actions leur permettant de souscrire des actions nouvelles à des conditions préférentielles[9]. Cette mesure, inspirée des « right plans » nord-américains, permet, par son effet nécessairement dilutif, d’augmenter le coût de l’acquisition ainsi envisagée. 

Le Gouvernement envisagerait aujourd’hui d’élargir les conditions d’émission de ces bons, en permettant notamment au conseil d’administration de la société cible de décider seul de procéder à leur émission ; les actionnaires conservant toutefois la faculté de s’y opposer, sous certaines conditions. 

L’ANSA, après avoir relevé que l’autorisation de l’assemblée générale est en pratique difficile à obtenir, recommande toutefois sur cette question le statu quo.

 


[1] ANSA, mars 2013, n°13-005. 

[2] Règlement Général de l’AMF, Art. 234-1. 

[3] Règlement Général de l’AMF, Art. 234-5.

[4] Pacte pour la compétitivité de l’industrie française (dit « Rapport Gallois »), déc. 2012 ; AMF, Rapport sur les déclarations de franchissements de seuils et les déclarations d’intention, oct. 2008. 

[5] Loi de régulation bancaire et financière 2010-1249 du 22 oct. 2010. 

[6] Règlement Général de l’AMF, Art. 234-11 (clause dite « de grand-père »). 

[7] Code de commerce, Art. L.232-14. Dans les sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le nombre de titres éligibles à cette majoration de dividendes ne peut excéder, pour un même actionnaire, 0,5 % du capital de la société.

[8] Le Rapport Gallois suggère de rendre automatique le droit de vote double susvisé à l’issue d’un délai de détention de 2 ans. 

[9] Code de commerce, Art. L.233-32. Ces bons sont également appelés « bons d’offre », « bons bretons » ou « poison pills ».