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Publié le 26 mai 2021 par Soulier Avocats

Accessibilité publique des informations figurant au registre des bénéficiaires effectifs

Depuis avril 2021, certaines informations relatives au(x) bénéficiaire(s) effectif(s) des sociétés non cotées et entités juridiques immatriculées en France sont désormais librement accessibles par le public via le site internet ‘DATA INPI’ géré par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Ces informations sont : l’identité, le mois et l’année de naissance, le pays de résidence et la nationalité des bénéficiaires effectifs, ainsi que la nature et l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans la société ou l’entité juridique concernée.

Depuis 2017, les sociétés non cotées et entités juridiques soumises à immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés établies sur le territoire français sont tenues d’identifier leurs bénéficiaires effectifs auprès du Greffe du Tribunal de Commerce.

Pour rappel, l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, venue transposer l’article 30 de la directive 2015/849/UE, a créé le registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales contenant les éléments d’identification et le domicile de leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s), ainsi que les modalités du contrôle qu’il(s) exerce(nt).[1]

Le bénéficiaire effectif est défini à l’article R.561-1 du Code monétaire et financier comme « la ou les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du code de commerce ».

Les informations relatives au bénéficiaire effectif déclarées au Greffe du Tribunal de Commerce sont les suivantes[2] :

  • Dénomination, forme juridique, adresse du siège, et numéro unique d’identification de la société,
  • Identité (nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms), date et lieu de naissance, nationalité et adresse personnelle de la ou des personnes physiques,
  • Nature, modalités et étendue du contrôle exercé par la ou les personnes physiques sur la société ou l’entité juridique visée,
  • Date à laquelle la ou les personnes physiques sont devenues le(s) bénéficiaire(s) effectif(s) de la société ou l’entité juridique visée.

Le registre des bénéficiaires effectifs n’avait, jusqu’à présent, pas vocation à être consultable par le public. En effet, l’article L.561-46 alinéa 3 du Code monétaire et financier prévoyait dans sa rédaction initiale issue de l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 précitée, ou telle que modifiée par la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi ‘Pacte’, que seules pouvaient avoir communication du document relatif au bénéficiaire effectif :

  • La société ayant déposé la déclaration,
  • Certaines autorités, notamment les magistrats de l’ordre judiciaire, agents des douanes ou de la Direction générale des Finances Publiques, enquêteurs de l’Autorité des Marchés Financiers),
  • Les entités assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme,
  • Toute personne justifiant d’un intérêt légitime, sur ordonnance rendue par le juge commis à la surveillance du registre du commerce.

Or, cet article a été modifié par l’article 8 de l’ordonnance n°2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme[3] et prévoit désormais que certaines de ces informations, à savoir l’identité, le mois, et l’année de naissance, le pays de résidence et la nationalité des bénéficiaires effectifs ainsi que la nature et l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans la société ou l’entité juridique concernée, sont désormais librement accessibles par le public.

De fait, suite à l’adoption et à la publication du plan d’action interministériel de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme publié en mars 2021, ces informations sont bel et bien librement accessibles au public via le site internet ‘DATA INPI’ géré par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Afin de préserver l’anonymat de leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s), il est probable que certaines sociétés seront désormais tentées de déclarer systématiquement leur représentant légal par défaut. En effet, pour rappel, lorsqu’aucune personne physique n’a pu être identifiée, le bénéficiaire effectif à déclarer est, par défaut, le ou les représentants légaux de la société. Cela étant, « cette désignation doit demeurer exceptionnelle et n’intervenir qu’après avoir épuisé tous les moyens possibles pour déterminer le ou les bénéficiaires effectifs et pour autant qu’il n’y ait pas de motifs de suspicion[4] » (de blanchiment de capitaux).

Rappelons tout de même à cet égard que la déclaration du représentant légal, en lieu et place du bénéficiaire effectif, n’est pas sans risque puisque le défaut de dépôt de la déclaration des bénéficiaires effectifs, ou le fait de procéder à une déclaration inexacte ou trompeuse, encourt les sanctions suivantes[5] :

  • Tout d’abord, une procédure d’injonction peut être diligentée par le Président du Tribunal de Commerce à l’encontre de la société aux fins de procéder ou faire procéder, soit aux déclarations des informations relatives au bénéficiaire effectif, soit à la rectification de ces informations lorsqu’elles sont inexactes ou incomplètes[6] ;
  • En outre, la société et ses représentants légaux encourent jusqu’à six (6) mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende pour les personnes physiques (37.500 euros pour les personnes morales), peines pouvant être assorties d’une interdiction de gérer et de privation partielle de leurs droits civils et civiques. Enfin, la société elle-même peut se voir infliger une dissolution d’office.

A noter, enfin, que l’accessibilité des informations relatives aux bénéficiaires effectifs n’est qu’un rouage de la nouvelle organisation pensée par le législateur lors de la promulgation de la Loi Pacte en ce qui concerne la réalisation des formalités des entreprises. L’INPI a, en effet, été désigné comme gestionnaire d’un guichet unique dématérialisé. Ce guichet est voué à remplacer d’ici 2022 les dispositifs existants de déclaration des formalités d’entreprises auprès notamment des chambres de commerce et d’industrie, des greffes des tribunaux de commerce, des chambres de métiers et de l’artisanat, etc.


[1] C.f. pour plus d’informations, se référer aux articles intitulés Identification obligatoire des bénéficiaires effectifs de sociétés et autres entités juridiques immatriculées au RCS à compter du 1er août 2017, Registre des bénéficiaires effectifs : comment les identifier ? et Identification des bénéficiaires effectifs : parution du décret d’application de l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme publiés respectivement sur notre Blog en juin 2017, novembre 2017 et mai 2018.

[2] Article R561-56 du Code monétaire et financier modifié par Décret n°2020-118 du 12 février 2020.

[3] Visant à transposer la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE.

[4] Infogreffe, notice relative aux bénéficiaires effectifs.

[5] Article L.574-5 du Code monétaire et financier.

[6] Article L.561-48 du Code monétaire et financier.