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Publié le 8 avril 2020 par Soulier Avocats

Coronavirus Covid-19 et contrats commerciaux: Suspension et prolongation de termes contractuels pendant l’état d’urgence sanitaire

Parmi les ordonnances prises en application de la loi d’urgence du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’une d’entre elles prévoit, durant une période définie, la suspension des effets des clauses sanctionnant l’inexécution contractuelle et la prolongation des délais contractuels de résiliation ou de renouvellement des contrats[1].

Sur quelle durée s’étend la période de suspension ?

Le régime dérogatoire s’applique aux mesures et délais qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le gouvernement[2] (la « Période de suspension »).

Pour rappel, l’état d’urgence a débuté le 24 mars 2020 pour une durée de 2 mois. La Période de suspension s’étend donc du 12 mars au 24 juin 2020 à ce jour. Il n’est cependant pas à exclure une prorogation ultérieure de l’état d’urgence sanitaire conduisant à l’allongement de la Période de suspension.

Quels sont les contrats concernés ?

Tous les contrats de droit privé sont en principe visés. Notamment les contrats de prestations de service, de distribution, de fourniture ou d’assurance.

Sont ont revanche exclus[3] les contrats dont les délais ont fait l’objet d’adaptations particulières par la loi d’urgence du 23 mars 2020 ou en application de celle-ci, comme en matière de résolution des contrats de voyages touristiques et de séjours[4] ou, pour les micro-entreprises, de paiement et de résolution des contrats de fourniture d’électricité, de gaz et d’eau ou du paiement des loyers professionnels et commerciaux[5].

Quel est le sort des astreintes et des clauses visant à sanctionner l’inexécution du débiteur ?

Durant la Période de suspension, les astreintes prononcées par les juridictions ou les autorités administratives ainsi que les clauses contractuelles sanctionnant l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé sont paralysées.

Concrètement, les astreintes, clauses pénales (clauses contractuelles ayant pour objet de déterminer à l’avance la sanction pécuniaire applicable en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle par l’une des parties), clauses résolutoires (clauses contractuelles prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas de manquement à une obligation contractuelle de l’une des parties) et les clauses de déchéance qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et l’expiration de la Période de suspension sont suspendues. Elles prendront effet 1 mois après la fin de cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation entre-temps.

En ce qui concerne les astreintes et clauses pénales qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020, leur cours est suspendu pendant la Période de suspension. Elles reprendront effet le lendemain de la fin de cette période.

A titre d’exemple, dans le cas d’un contrat devant être exécuté le 25 mars 2020 et prévoyant une résiliation de plein droit en cas d’inexécution à cette date, le contrat ne sera pas résilié immédiatement si le débiteur ne s’est pas exécuté dans le délai imparti. La clause résolutoire produira en revanche ses effets si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la Période de suspension.

Il convient de préciser que les autres dispositions du contrat continuent à s’appliquer par principe[6].

En particulier, le paiement des obligations contractuelles n’est pas suspendu et les échéances contractuelles doivent être respectées.

Quel est le sort des clauses aménageant la résiliation ou la reconduction du contrat ?

Le délai contractuel pour résilier un contrat ou pour notifier sa résiliation ou son opposition à son renouvellement, dès lors qu’il expire pendant la Période de suspension, est prolongé de 2 mois après la fin de la Période suspension.

Par exemple, si un contrat conclu le 20 avril 2017 pour une durée de 3 ans prévoit qu’il sera tacitement renouvelé sauf dénonciation par l’une des parties au plus tard 1 mois avant son terme (donc le 20 mars 2020 au plus tard), chacune des parties pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les 2 mois qui suivent la fin de la Période de suspension.


[1] Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755644&dateTexte=20200401

[2] Loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746313&dateTexte=20200406

[3] Sont également exclues les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier

[4] Ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755833

[5] Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755842&categorieLien=id

[6] Etant rappelé que les dispositions légales de droit commun restent applicables, telles que celles relatives à la force majeure en matière contractuelle (article 1218 du code civil) ou à l’imprévision (article 1195 du code civil) : cf. nos articles intitulés Coronavirus : Quel impact sur vos contrats commerciaux ? et COVID-19 et contrats commerciaux :  quelle stratégie adopter ? publiés respectivement sur notre Blog en mars et avril 2020