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Publié le 1 mars 2011 par Soulier Avocats

Imputabilité des pratiques anticoncurrentielles dans les groupes de sociétés

Par un arrêt du 20 janvier 2011[1], la Cour de Justice de l’Union Européenne a à nouveau étendu la présomption d’ « influence déterminante ». Cette notion est essentielle afin de déterminer qui peut être considéré comme auteur d’une infraction aux dispositions du Traité dans le domaine du droit de la concurrence, spécifiquement en présence d’un groupe de sociétés.

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, article 101, sanctionne les ententes anticoncurrentielles entre entreprises, sans toutefois définir le terme d’entreprise. Il s’agit pourtant d’une question primordiale permettant de déterminer quelles sont les entités qui pourront être sanctionnées en cas d’entente anticoncurrentielle. La notion a été précisée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, de manière originale, puisqu’elle s’écarte des définitions traditionnelles.

De jurisprudence constante la notion d’entreprise désigne ainsi « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ». [2]

La question de savoir qui peut être sanctionné en cas d’entente anticoncurrentielle  commise par une entreprise appartenant à un groupe de sociétés est susceptible d’être posée. En effet, la Cour a rappelé que la notion d’entreprise désigne « une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales ».

Ainsi, une société-mère peut être tenue responsable du comportement de sa filiale lorsque cette dernière ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché. Il faut vérifier l’existence ou non d’une influence déterminante de la mère sur la fille.

Afin de sanctionner efficacement les atteintes à la concurrence, en plus d’adopter une définition large de la notion d’entreprise, la Cour a posé des présomptions permettant d’impliquer la mère pour les comportements de ses filiales.

Par un arrêt de septembre 2009,[3] la Cour de Justice de l’Union Européenne avait ainsi déjà posé une présomption selon laquelle une société-mère détenant 100% du capital de sa filiale est présumée exercer une influence déterminante sur celle-ci. Elle avait par conséquent condamné solidairement la société-mère et quatre de ses filiales pour entente (cf. notre e-newsletter de janvier 2010).

La Cour de Justice vient à nouveau d’étendre cette présomption et, par voie de conséquence, la liste des entités susceptibles d’être considérées comme ayant participé à l’entente anticoncurrentielle.

Dans l’arrêt du 20 janvier 2011, la Cour de Luxembourg vient en effet d’affirmer que dans le cas où « une société holding détient 100% du capital d’une société interposée qui possède à son tour la totalité du capital d’une filiale de son groupe auteur d’une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société holding exerce une influence déterminante sur le comportement de la société interposée et indirectement, par le biais de cette dernière, également sur le comportement de ladite filiale ».

La société holding peut ainsi se voir imputer la responsabilité pour des faits d’entente anticoncurrentielle commise par une autre société du groupe dont elle ne détient pas directement le capital social, celui-ci étant détenu par le biais d’une filiale intermédiaire elle-même détenue à 100% par la holding.

La Cour considère en effet que dans une telle hypothèse, les trois sociétés du groupe appartiennent à une même « unité économique » et forment « une seule entreprise ». La société holding sera par conséquent tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à la filiale du groupe indirectement détenue.

Dans cette décision, la Cour continue ainsi à appliquer sa jurisprudence selon laquelle les différentes sociétés du groupe sont susceptibles d’être condamnées solidairement au paiement de l’amende, contrairement à la solution retenue par le droit français, où la responsabilité d’une seule des entités est retenue. Ici, la Cour confirme la décision de la Commission, qui avait condamné solidairement la société-mère, la filiale et la société intermédiaire.

S’agissant d’une présomption réfragable, la société holding conserve la possibilité de s’exonérer en démontrant que l’une des sociétés – la filiale en cause ou la société interposée – se comporte de manière autonome sur le marché.

 


[1] CJUE, 20 janvier 2011, aff. C-90/09 P, General Química e.a./Commission

[2] Par exemple, CJCE, 23 avril 1991, aff. C-41/90, Höfner et Elsner ; CJCE, 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a.

[3] CJCE 10 septembre 2009, aff. C-97/08  P, Akzo Nobel/Commission