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Publié le 9 avril 2020 par Soulier Avocats

Coronavirus Covid-19 : Ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de la procédure pénale

Afin d’assurer la continuité de l’activité des juridictions pénales nécessaire au maintien de l’ordre public, le gouvernement a pris l’Ordonnance du 25 mars 2020[1] dans le cadre de la loi d’urgence du 23 mars 2020[2], cette ordonnance adaptant les règles de procédure pénale, adaptation nécessaire à la crise sanitaire actuellement traversée par la France.

Ces dérogations aux règles habituellement applicables en procédure pénale ont été prises avant tout pour des raisons sanitaires évidentes, afin de réduire les contacts physiques, mais aussi afin d’assurer la continuité du service public de la Justice, service qui, dans le cadre du service minimum, ne peut se permettre d’être totalement à l’arrêt.

Les dispositions de l’Ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sont d’application immédiate jusqu’à un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire telle que prévue par l’article 4 de la loi d’urgence du 23 mars 2020.

De l’adaptation des délais

Le Chapitre 1er de l’Ordonnance du 25 mars 2020 est consacré à l’adaptation des délais initialement prévus par le Code de procédure pénale.

Ainsi, l’article 3 de l’Ordonnance prévoit que les délais de prescription de l’action publique et les délais de prescription de la peine sont suspendus à compter du 12 mars 2020. Contrairement à l’interruption de la prescription, la suspension permet de ne pas effacer le délai déjà écoulé. Ainsi, le délai écoulé avant la suspension (donc avant le 12 mars 2020) est à prendre en compte dans le calcul de la prescription.

L’article 4 double les délais prévus par le Code de procédure pénale pour exercer une voie de recours, délais qui ne peuvent être inférieurs à 10 jours (sauf exceptions précisées par l’Ordonnance). Ainsi, le délai d’appel passe par exemple de 10 jours à 20 jours.

Cet article assouplit également le formalisme normalement strictement encadré en permettant notamment de faire appel ou de se pourvoir en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception ou courriel.

Les courriels adressés dans ce cadre aux juridictions doivent faire l’objet d’un accusé de réception de la part de cette dernière et sont considérés comme reçus à la date d’envoi dudit accusé réception.

Des modalités relatives aux audiences

L’article 5 prévoit un recours généralisé à la visioconférence, recours qui est normalement exceptionnel et limité à des situations particulières prévues par l’article 706-71 du Code de procédure pénale (si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l’estime nécessaire, dans les conditions strictement prévues par l’article en question, etc.).

La particularité de cette disposition dérogatoire prévoyant que la visioconférence devient la règle et non plus l’exception, c’est que les parties ne peuvent s’y opposer là où l’accord des parties doit habituellement être recueilli.

L’article précise qu’en cas d’impossibilité technique ou matérielle, le recours a tout autre moyen de télécommunication électronique est possible, tant que cela est autorisé par le Juge. En effet, le Juge reste avant tout le garant du respect des droits de la défense, ainsi que des règles du contradictoire, le droit à un procès équitable ne pouvant être mis à mal malgré les circonstances sanitaires exceptionnelles.

Il convient par ailleurs de préciser que ces dispositions ne sont pas applicables aux juridictions criminelles, étant prévues pour toutes les autres juridictions pénales.

Lorsqu’une juridiction de premier degré vient à être empêchée de fonctionner normalement, le Premier président de la Cour d’appel dont dépend ladite juridiction est autorisé par l’article 6 à en donner la compétence à une autre juridiction de même nature de son ressort. La juridiction ainsi désignée en remplacement est alors compétente pour les affaires en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance de désignation.

L’article 7 quant à lui autorise le président de la juridiction à restreindre la publicité des débats, dans une logique cohérente de limitation des contacts physiques.

De la composition des juridictions

Dans une même logique sanitaire, l’article 9 autorise la chambre de l’instruction en matière correctionnelle, le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels ainsi que la chambre spéciale des mineurs à siéger en juge unique, évinçant ainsi le principe de collégialité des juridictions.

De même, l’article 10 de l’Ordonnance prévoit cette possibilité de siéger à juge unique pour le tribunal pour enfants, celui-ci se délestant de ses assesseurs non professionnels. Il en va de même pour le tribunal de l’application des peines (article 11).

L’article 12 dispose qu’en cas d’empêchement d’un juge d’instruction, un magistrat du siège peut être appelé à le remplacer, sur désignation du Président du tribunal judiciaire dont dépend ledit juge d’instruction.

De la garde à vue

Dans la même lignée que l’article 5, l’article 13 prévoit que l’entretien de 30 minutes entre une personne gardée à vue ou placée en rétention douanière et son avocat peut être réalisé par le biais d’un moyen de communication électronique. De même, l’assistance de la personne gardée à vue ou placée en rétention douanière lors de ses auditions, peut se faire par communication électronique.

Avancée récente de la procédure pénale, le rôle de l’avocat au cours de la garde à vue est ici amoindri et fragilisé, alors qu’il est pourtant essentiel, les personnes placées en garde à vue se trouvant dans une situation de particulière vulnérabilité, où la présence physique de leur avocat se veut rassurante.

De la détention provisoire

En prévision d’un grand bouleversement de l’activité judiciaire, notamment des délais d’instruction et pour l’audiencement, les articles 15 à 20 de l’Ordonnance autorisent la prolongation des délais maximum de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence. Il est dommage de constater que par ces dispositions, le gouvernement ne prend pas la mesure des risques accrus de propagation du Covid-19 au sein des lieux privatifs de liberté, pourtant déjà bien saturés. 

De l’affectation des détenus et de l’exécution des peines privatives de liberté

Les articles 21 à 29 relatifs à l’affectation des détenus et à l’exécution des peines privatives de libertés, dérogent aux dispositions du Code de procédure pénale, en autorisant notamment la détention provisoire des personnes mises en examen, prévenues et accusées dans des établissements pour peine, si les maisons d’arrêt viennent à être saturées.

Il s’agit bien évidemment de l’un des problèmes majeurs de la crise pénitentiaire, le risque de propagation de la contamination étant très élevé en raison de la surpopulation subie par les lieux privatifs de liberté.

Des mineurs poursuivis ou condamnés

Les mesures de placement des mineurs délinquants, au titre de l’article 30 de l’Ordonnance, peuvent être prorogées lorsqu’elles arrivent à échéance, pour une durée ne pouvoir excéder quatre mois. Pour les autres mesures prévues par l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le délai de prorogation ne peut excéder sept mois.


[1] Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

[2] Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19