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Publié le 15 mai 2020 par Pauline Kubat

Coronavirus Covid-19 : Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

La loi n°2020-546 du 11 mai 2020 proroge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus. Pour rappel, l’état d’urgence sanitaire avait été ordonné par la loi du 23 mars 2020 pour une durée initiale de deux mois. Outre cette extension d’un mois et demi de l’état d’urgence, les dispositions de cette nouvelle loi n°2020-456 marquent une sortie prudente et progressive du confinement en France.

La loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions[1] a été adoptée le 9 mai dernier par le Parlement français en commission mixte paritaire.

Le même jour, le Conseil constitutionnel a fait l’objet d’une saisine par le président de la République, le président du Sénat mais aussi par plusieurs parlementaires le lendemain, aux fins de contrôle constitutionnel a priori du projet de loi.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision n°2020-800 DC du 11 mai 2020[2], a censuré certaines dispositions et émis plusieurs réserves d’interprétation, détaillées ci-après.

Quel est le contenu de la loi finalement promulguée ? Tour d’horizon des mesures principales.

Prolongation de l’état d’urgence

La disposition principale de cette loi est sans surprise la prolongation de l’état d’urgence sanitaire en France. Initialement prévu jusqu’au 23 mai inclus, l’état d’urgence sera donc finalement maintenu jusqu’au 10 juillet prochain.

Attention, la période de référence qui avait été fixée pour la prorogation des délais de procédure par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, ne suivra pas l’extension de ce délai d’état d’urgence.

En effet, une nouvelle ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020[3] précise que la période de référence restera fixée sur la période allant du 12 mars jusqu’au 23 juin 2020 inclus (et non plus jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence, comme il était précédemment indiqué).

Pour en savoir plus concernant l’impact du Covid-19 sur les délais de procédure, nous vous invitons à consulter nos articles précédents[4].

Retour au droit commun de la détention provisoire

L’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 instituait la prolongation de plein droit des délais maximum de détention provisoire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Cette mesure n’est pas reconduite puisque la loi du 11 mai 2020 prévoit désormais que la détention provisoire ne peut être prolongée que par décision d’une juridiction compétente à la suite d’un débat contradictoire.

Responsabilité pénale des maires et des employeurs

De nombreux débats parlementaires ont porté sur la question de la responsabilité pénale des maires et des employeurs dans le cadre de la pandémie.

Le Parlement a finalement choisi de préciser le régime instauré par la du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, sur les délits non intentionnels.

Un nouvel article L3136-2 du code de la santé publique prévoit ainsi désormais qu’en cas de poursuite, la responsabilité doit être appréciée « en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ».[5]

Mesures de mise en quarantaine et d’isolement

Afin de permettre le déconfinement progressif des populations, des régimes spécifiques de quarantaine et d’isolement sont instaurés.

Les mesures, qui seront définies par décret du Premier ministre après avis du comité scientifique concernent « les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l’un des territoires d’outre-mer. »

Les mesures individuelles seront prononcées par le préfet, sur avis du directeur général de l’agence régional de santé (ARS) sur examen de certificat médical. Il est possible d’opposer un recours auprès du Juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de 72 heures.

La quarantaine ou l’isolement pourra avoir lieu, au choix de l’intéressé, à son domicile ou dans des lieux d’hébergement adaptés. La durée de la mesure est limitée à 14 jours, ne pourra être renouvelée que sur avis médical et ne pourra en tout cas, dépasser un mois au plus.

Précision bienvenue : les personnes victimes de violences conjugales ou familiales ne peuvent être placées en quarantaine ou isolement dans le même endroit que le conjoint ou parent violent, y compris en cas de violences alléguées.

Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de ces régimes de quarantaine et d’isolement, qu’il considère nécessaires à la poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé dans la mesure où ces mesures visent à prévenir la propagation de la maladie.

Le Conseil a néanmoins émis une réserve d’interprétation : l’isolement ou la quarantaine constituant, en cas d’interdiction de toute sortie, une privation de liberté, toute mesure préfectorale imposant à l’intéressé de rester chez lui ou dans un lieu d’hébergement spécifique pendant plus de douze heures devra faire l’objet d’une autorisation du juge judiciaire.

Mise en place du dispositif pour le suivi des malades

Autre sujet source de polémiques, le traçage informatique des chaînes de contamination du covid-19. Nous vous renvoyons à notre article précédent sur le sujet[6].

La loi du 11 mai 2020 autorise le ministre de la santé à mettre en œuvre le traitement et le partage des données de santé des personnes malades et celles ayant été en contact avec des personnes malades.

Le système d’information, qui sera créé par décret, devrait reposer sur deux outils :

  • Une base nationale, Sidep (service intégré de dépistage et de prévention) pour centraliser les informations et les partager aux différents acteurs sanitaires ;
  • Le téléservice Contact Covid de l’assurance maladie pour suivre les patients et identifier les cas contacts.

Le système devra être strictement encadré :

  • Il ne sera mis en place que pour une durée de six mois au maximum ;
  • La nature des données sera limitée, en particulier au statut virologique ou sérologique de la personne ;
  • Les données ne pourront être conservées plus de trois mois ;
  • Les personnels ayant accès aux données seront soumis au secret professionnel ;
  • Les données pour la surveillance épidémiologique seront anonymisées.

Au demeurant, un comité de contrôle et de liaison Covid-19 est prévu, associant le Parlement et la société civile, afin d’assurer le contrôle du dispositif mis en place.

Les conditions d’application du nouveau système seront précisées par décret, après avis public de la CNIL.

Le Conseil Constitutionnel a considéré que la mise en place de ce système correspondait à l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Plusieurs réserves d’interprétation ont néanmoins été émises, en particulier sur l’anonymisation des données, qui doit être étendue au téléphone et adresse électronique des personnes concernées.

Le Conseil a également censuré une disposition de la loi permettant aux organismes l’accès aux données sans le consentement des personnes, disposition qui méconnait le droit au respect de la vie privée.

Autres mesures

Plusieurs mesures diverses ont également été adoptées, toujours avec pour objectif d’assurer un déconfinement progressif.

Ainsi, le Premier ministre pourra réglementer par décret les déplacements, l’accès et l’usage des transports ainsi que l’ouverture des établissements recevant du public (et plus seulement les limiter ou les interdire).

Finalement, la trêve hivernale pour les locataires est prolongée jusqu’au 10 juillet 2020, tout comme l’interdiction de couper l’électricité ou le gaz.


[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=3004CE478209C6EC503C8296EB222F98.tplgfr35s_2?cidTexte=JORFTEXT000041865244&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041865241

[2] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020800DC.htm

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=FF8F14BC9ADF0C8D10C3C9D437F30C3B.tplgfr29s_3?cidTexte=JORFTEXT000041876355&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041875892

[4] Voir notamment nos articles intitulés Coronavirus Covid-19 : L’adaptation par ordonnances des règles de procédure civile Coronavirus Covid-19 et Coronavirus Covid-19 : Ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de la procédure pénale publié sur notre blog en avril 2020

[5] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=01DB44E684C5CDA362FE78AF11CB610F.tplgfr35s_2?idArticle=LEGIARTI000041866200&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20200513&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

[6] Voir notre article intitulé Coronavirus Covid-19 et Contact Tracing publié sur notre blog en mai 2020